L'Âme de la Magie [T1]

Chapitre 21 - Rêves

Ne force pas sur la Magie pendant les vacances, jeune fille.

La dernière recommandation de Diarmuid hantait Saya à chaque fois qu'elle s'apprêtait à user de ses pouvoirs.

Elle promettait alors silencieusement que ça ne prendrait que dix petites minutes et elle chassait de son esprit le visage de son professeur trop inquiet. Qu'en saurait-il, de toute façon ?

Rideaux tirés, porte verrouillée et soirée bien entamée, voilà les trois ingrédients majeurs de ses exercices clandestins. Sa lampe de chevet inondait sa chambre d'une lueur ambrée, suffisante pour bloquer la phosphorescence des étoiles en plastique collées au plafond, mais trop faible pour éliminer les ombres tapies au coin de ses étagères.

Pieds nus sur le parquet clair, Saya joignit les mains. Inspiration. Longue expiration. La méditation ne parvint pas à apaiser les battements excités de son cœur, mais la pratiquer éclaircissait son esprit et l'aidait à prendre conscience de sa particularité.

De sa chance.

Là, dans sa poitrine, pulsait un point chaud, promesse de miracles bleutés. Saya sépara ses paumes. Deux sphères glacées, vibrante d'énergie, y brillaient. Leur lumière la fascinait toujours autant. Reflet des yeux de Seth et des monstres. Saya secoua la tête pour chasser ce détail.

La Magie n'était qu'un outil. Peu importait sa couleur. Seule comptait la manière dont on s'en servait.

Leur ennemi l'utilisait pour blesser ? Alors elle en ferait de l'art.

D'une torsion de l'esprit, elle transforma ses deux globes en milliers de minuscules lucioles qui s'éparpillèrent autour d'elle en longues traînées étoilées. Saya sourit. Pas besoin de regarder le ciel quand on avait la Voie Lactée dans sa chambre.

Elle virevolta au milieu de sa Magie, bras écartés. Sa peau la picotait lorsqu'elle passait à travers les étincelles, étincelles qu'elle remodelait à volonté. Des vagues déchaînées, une forêt de feuilles céruléennes, tout suivait le rythme de son imagination. Saya s'émerveillait toujours du naturel avec lequel lui venait les choses.

Comme si elle était née pour pratiquer la Magie.

Quel dommage qu'elle n'existait plus que pour une poignée d'élus. Que serait devenu leur monde si elle avait traversé les âges ? Si Soir et Nyx ne s'étaient jamais rencontrés ?

Saya éteignit toutes les lumières, surnaturelles comme réelles, et se laissa tomber sur son lit, la tête emplie de mille et une pensées.

Qui serait-elle aujourd'hui si la Magie n'avait pas disparu ?

Aurait-elle rencontré Diarmuid ? Et l'aurait-elle toujours étonné, lui qui s'inclinait avec une fierté mêlée de surprise à chacun de ses nouveaux exploits ? Ou, noyée dans la masse des magiciens, n'aurait-elle été qu'une bonne élève supplémentaire ?

Impossible de le savoir.

Mais c'était si agréable d'avoir un talent. D'être doué dans quelque chose. D'être admirée, au lieu d'admirer les autres.

Saya s'endormit, plongée dans ses rêveries.

- • -

Saya chutait dans un tourbillon de couleurs. Une multitude de scènes se succédaient à un rythme effréné. Elle chercha à les rattraper du bout des doigts mais elle ne put que les effleurer avant qu'elles ne se défilent, emportées par la violence d'une tornade invisible. Alors Saya plutôt que de les poursuivre en vain, se fit proie plutôt que chasseuse.

Les images fondirent sur elle en submergeant ses sens de milliers de signaux différents.

Des jupes virevoltantes, blanches et pivoine, caresses sur ses jambes.