L'Âme de la Magie [T1]

Chapitre 11 - Figés

Le silence qui régnait entre Saya et Lynn aurait pu s'expliquer par le fait qu'on était un samedi matin et que contrairement au reste du lycée, il leur avait fallu se lever tôt. Mais ce n'était pas seulement ça.

Assise côté couloir dans une navette vide, Lynn repensait à Seth et à tout l'intérêt qu'il portait à sa voisine et amie depuis toujours.

La métamorphe savait mettre en valeur le moindre de ses atouts, parce qu'elle les connaissait tous : du rouge sur sa bouche très expressive, un peu de mascara pour agrandir ses yeux clairs, coincés entre le gris et le bleu, et encore du rouge sur ses ongles à la forme parfaite. Pour ses cheveux, les laisser libres suffisait, car leur épaisseur, leurs boucles et leurs mèches turquoise se chargeaient d'attirer l'attention. Son sens de la mode constituait la touche finale de son apparence, même si un accessoire ne changeait quasiment jamais. Lynn aimait trop son ample veste écarlate, malgré son absence de capuche. C'était le vêtement parfait : il possédait des poches profondes, et surtout, il était aussi agréable à porter que splendide.

Par conséquent, c'étaient ses tenues qu'elle adaptait à son inséparable manteau.

Aussi, quand elle voyait Saya, Lynn ne pouvait qu'enrager. Pourquoi elle, avec ses traits doux et ronds, presque effacés ? Pourquoi sa voisine et ses ongles rongés plus que de raison ? Parce qu'elle était plus grande ? Parce qu'elle était plus « naturelle » ? Parce qu'elle aimait moins les cookies et donc, que ça se voyait moins sur ses hanches ?

— Arrête de me regarder comme ça, marmonna Saya.

— Comme ça quoi ? grommela-t-elle.

— Avec ta moue « Je m'appelle Lynn Winter et tu n'es qu'un insecte sur mon chemin mais je ne peux pas m'empêcher de te jalouser parce que pour une raison stupide, j'ai été atteinte dans mon ego surdimensionné ».

— J'ai pas de moue comme ça.

— Si, rétorqua Saya.

— Non.

— Si.

— Non, insista Lynn.

Saya soupira, mais abandonna la lutte et se concentra sur la ville qui défilait par la fenêtre du bus. Lynn ne put s'empêcher d'esquisser un sourire victorieux.

— J'ai gagné, se vanta-t-elle.

— Oui, si tu veux, marmonna sa voisine. Mais être une tête de mule n'est pas toujours une qualité, sache-le.

— Je ne suis pas une tête de mule, je suis parfaite, c'est différent.

Saya eut beau lever les yeux au ciel, elle ne put masquer son amusement. Finalement, sa meilleure amie se détourna de la vitre pour lui faire face.

— Seth ne m'intéresse pas, tu sais, avoua-t-elle avant de se ronger un ongle qui avait le malheur d'être un centimètre trop long.

— Mais toi, tu l'intéresses, répliqua Lynn.

C'était sorti tout seul. Sa voix avait pris un accent boudeur. Non, pire : geignard. C'était tellement dur de le dire, parce que ça rendait la chose encore plus réelle.

Non, Seth n'intéressait pas Saya. Mais Saya intéressait Seth. Et ça faisait mal, même si c'était stupide parce que Lynn ne le connaissait que depuis six jours, et que six jours, ça n'était rien. C'était juste encore un de ses coups de foudre, comme elle en avait eu déjà beaucoup.

— C'est probablement juste le début, dit doucement Saya. Il ne nous connait pas encore très bien. C'est si facile de parler avec toi et tu as déjà passé plus de temps avec lui que nous. Peut-être qu'il cherche juste à s'intégrer dans notre groupe petit à petit. Ça ne veut rien dire. Et puis, ça fait moins d'une semaine qu'on le connaît. Peut-être que dans un mois, tu ne pourras plus le supporter.