Eve princesse révolutionnaire. S1.

Épisode 6 : Un Jour Décisif

Eve venait de finir son thé et se rinçait la bouche à l'eau claire. Sedella s'approcha d'elle et d'un air hésitant et un peu inquiet, elle lui confia :

« Vous savez... De nombreux homonculi seraient prêts à vous servir, Votre Altesse.

— Qui voudrait être le chevalier attitré d'une princesse comme moi ? Je n'ai pas le moindre appui politique... C'est absurde ! Peut-être que tu devrais vraiment cesser de croire tout ce que dit la Gazette d'Hadellun.

— Non, non, je ne l'ai pas lu dans un journal. D'après ce que j'ai observé et entendu dans les couloirs du palais, Votre Altesse est très estimée parmi les homonculi.

— Ah, tu es si loyale, Sedella. J'ai peur que tu te sois fait une trop haute opinion de moi.

— Mais c'est la pure vérité...

— Mes ressources sont sans doute limitées, mais je vais faire tout mon possible pour prendre soin de toi. Si un jour je deviens riche, je te promets de t'acheter une jolie maison, de t'assurer une position élevée au palais, et de te trouver un bon mari. Tu me fais confiance, pas vrai ? Je te demande juste un peu de patience.

— Votre Altesse, je vous en prie. Je suis sérieuse. Ce que j'ai dit n'était pas une plaisanterie.

— Je suis sérieuse moi aussi ! »

Leur conversation commençait soudain à virer à la chamaillerie. Sedella était frustrée et se résolut à dire ce qu'elle pensait de façon plus directe.

« Ce que je voulais dire, Votre Altesse, est que ce serait bien si vous vous décidiez à prendre vous-même un chevalier attitré. »

Dans le silence qui suivit, la jeune femme comprit qu'elle avait outrepassé son rôle.

« Oh, pardonnez-moi, je... je sais que vous n'aimez pas aborder ce sujet.

— Ce n'est pas grave. »

Eve hocha la tête pour la rassurer. Elle ne comptait pas se fâcher contre Sedella, et ce n'était pas seulement pour tenir la promesse qu'elle s'était faite, de s'adapter avec plus de souplesse aux situations de cette nouvelle existence. Même dans sa première vie, elle ne se serait pas mise en colère contre elle.

« Je sais à quel point tu t'inquiètes pour moi. Je suis désolée d'être parfois aussi obstinée.

— Votre Altesse... »

À dire vrai, Sedella lui était très précieuse. C'était la seule personne qui avait refusé de la quitter malgré les épreuves, tant physiques que morales, qu'elle avait dû subir à cause de sa maîtresse.

Dans la hiérarchie du palais, la septième princesse se trouvait tout en bas de l'échelle. La raison principale en était ses origines. La mère d'Eve était une roturière qui vivait pratiquement recluse dans la forêt, où elle s'adonnait entièrement à l'étude des arts alchimiques. Elle n'était même pas officiellement inscrite sur les registres de l'Association Impériale d'Alchimie, et pourtant elle pouvait s'enorgueillir d'impressionnantes réalisations, bien qu'elle s'exerçât en solitaire dans la nature. Elle serait sans doute devenue un Sage, si l'Empereur, lors d'une de ses visites d'inspection, ne l'avait remarquée et ramenée au palais, pour en faire sa sixième impératrice.

Mais la plupart des aristocrates n'appréciait pas du tout la nouvelle venue, cette plébéienne aux origines rustres, et ils ne se gênaient pas pour le lui faire savoir. En fin de compte, la mère d'Eve n'avait pu supporter la vie guindée et étouffante que lui imposait le palais, et s'était éteinte alors que sa fille approchait les sept ans. Et après avoir perdu si jeune, celle qui la soutenait à bout de bras, Eve avait dû se débrouiller toute seule.