Eve princesse révolutionnaire. S1.

Épisode 16 : Retour au Palais

Les yeux hermétiquement clos, Eve s'était raidie dans l'attente du choc. Mais au lieu de l'impact qu'elle redoutait, elle s'était sentie retenue par la taille. Elle souleva avec prudence les paupières et le regard améthyste de Mikael occupa tout l'espace devant elle. Contre toute attente, il avait réussi à stopper sa chute d'un bras, son autre main agrippée à l'un des barreaux, telle une ancre qui les maintenait tous deux.

Hein ? Mais comment a-t-il fait...?

L'explication était simple : les chaînes qui entravaient ses poignets avaient disparu. Reliées au suppresseur de mana, elles avaient dû elles aussi se volatiliser sous l'action de l'imprégnation. Et à présent, son énergie intérieure longtemps bloquée s'était mise à circuler à nouveau dans son corps à un rythme effréné, comme le révélait l'altération accélérée de la couleur de ses cheveux.

Dans un horrible grincement, la cage qui venait d'atteindre la hauteur maximum de son mouvement pendulaire commença à se balancer dans l'autre sens. Vif comme l'éclair, Mikael se décala pour placer son dos contre les barreaux et enlaça fermement Eve de ses deux bras pour la protéger. Il lui offrait la sécurité de son étreinte, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde, et cette pensée la fit rougir.

C'est la première fois qu'on me porte une telle attention.

Ce ne fut que lorsque la Prison Flottante retrouva sa complète stabilité que Mikael relâcha son étreinte. Eve s'échappa de ses bras, sans qu'il ne trouve rien à y redire, et elle dévisagea, embarrassée, l'homonculus dont les cheveux roses étaient à présent devenus complètement noirs.

« Il semble que tu aies réussi, déclara-t-il avec simplicité.

— Vraiment ? »

Le contact de ses bras protecteurs avait effacé toute autre pensée de son esprit. Elle portait sur lui un regard si incertain qu'il se sentit obligé de préciser :

« J'ai une étrange sensation.

— Étrange ?

— Mon corps s'est mis à réagir tout seul. Quand j'ai vu que tu risquais d'être blessée, il a réagi avant que j'aie le temps de gérer moi-même cette information. »

Son observation prouvait sans conteste le succès du rituel, puisqu'il décrivait l'exact comportement d'un chevalier ayant subi l'imprégnation. Mais l'idée que sa propre volonté était à présent transcendée par un instinct qu'il ne maîtrisait pas le mettait mal à l'aise. Il dévisagea Eve avant de s'enquérir :

« Et toi, as-tu senti un changement ?

— Non... Je ne me sens pas particulièrement différente, » s'excusa-t-elle.

C'était normal. Alors que l'imprégnation modifiait du tout au tout, les perceptions de l'homonculus qui en était la cible, celui ou celle qui la réalisait n'expérimentait en général rien de tel.

« Donc, il n'y a que moi qui change pour m'accorder aux besoins de l'autre..., poursuivit Mikael, d'un ton résigné. C'est vraiment un arrangement étrange, complètement unilatéral et parfaitement inéquitable. Lorsque j'ai déclaré que les chevaliers attitrés étaient des esclaves, j'étais bien loin du compte. C'est encore bien pire que de l'esclavage. Dire que je vais maintenant devoir vivre avec cette sensation d'inquiétude inexorable, cette peur panique rien qu'à l'idée que ma maîtresse puisse se cogner un orteil...

— Ta maîtresse ? Qui ? Moi ?

— N'est-ce pas évident ? »

Les yeux fixés sur son séduisant visage, Eve ne put empêcher la vague d'émotion qui l'envahit.