Eve princesse révolutionnaire. S1.

Épisode 17 : La couleur de tes cheveux

N'ayant pas de domestique avec elle, Eve dut porter le coffret elle-même. Elle était aux anges de le savoir si lourd — son poids était une claire indication de la valeur de son contenu — mais cela n'empêchait pas ses muscles de protester. Pour les épargner, elle lui lança un sort d'allègement, puis se hâta de retourner dans ses quartiers de l'annexe est.

« Me voilà de retour, fit-elle en pénétrant dans l'entrée qui faisait aussi office de petit salon.

— Bienvenue, votre Altesse ! » la salua Sedella.

Penché sur le côté, son visage souriant dépassait de la petite alcôve que délimitait une cloison.

« J'ai presque terminé, continua-t-elle. Je vous prie de patienter encore une petite minute.

— C'est bon. Prends ton temps. »

Plutôt que de se retirer dans sa chambre à coucher, Eve s'assit à la petite table autour de laquelle les éventuels invités prenaient place, et se laissa glisser dans une douce torpeur. Après l'aller-retour à pied de ses appartements jusqu'au palais principal, le saut dimensionnel au centre de formation et surtout le rituel d'imprégnation, il ne lui restait presque plus d'énergie du tout. Sa tête commença à dodeliner, sans qu'elle n'en prenne conscience.

« C'est prêt, Votre Altesse, » claironna une voix, qui la tira en sursaut de sa léthargie.

Elle se redressa aussitôt et son regard croisa celui de Sedella. Celle-ci s'était écartée d'un pas de la cloison, bombant le buste et le visage rayonnant de fierté, avant de se retourner pour jeter un coup d'œil derrière elle.

« Vous pouvez venir, Sir Agnito ! »

Mikael émergea de l'alcôve, transformé du tout au tout. Grâce aux efforts de Sedella, il ne donnait plus cette impression d'animal sauvage piégé des années durant dans une cage. Il avait au contraire l'aura du jeune premier, avec ses cheveux coupés avec soin, et sa haute silhouette musclée, vêtue d'un uniforme lie-de-vin parfaitement ajusté. Un uniforme dont la découpe et le design, sans parler de ses ornements en or, étaient une véritable œuvre d'art, mais dont la praticité laissait à désirer, puisqu'il n'avait été conçu que dans le seul but de rehausser l'élégance et la beauté de ceux qui le portaient. Or Mikael était déjà divinement beau, au naturel. Dans cette tenue, il n'y avait plus de mot assez éloquent pour le décrire. Eve en était bouche-bée.

Mon dieu...

Elle déglutit de façon presque audible avec l'impression d'avoir été transportée devant une scène sur laquelle était exposé un véritable chef-d'œuvre. Même si elle avait déjà pu croiser maintes fois ce trop séduisant chevalier dans sa vie précédente, Eve ne pouvait empêcher l'émerveillement qui la saisit, et elle se dit que Sedella avait bien raison de se montrer si ravie.

Ah ! Je comprends à présent pourquoi une aussi fine bouche que Rosie a eu pour lui le coup de foudre, alors qu'elle n'est pas du genre à encenser la beauté de qui que ce soit, excepté la sienne.

Celle de Mikael était, à la vérité, presque surnaturelle. Eve ne se sentait pas peu fière de ne pas avoir déjà succombé à cet homme. Mais quelqu'un comme elle, qui désirait avancer sur la voie de la sagesse, ne pouvait se permettre de se laisser distraire l'apparence physique, aussi extraordinaire soit-elle. Les lèvres de la sculpture iconique qui se tenait devant elle s'écartèrent :

« Quoi ? J'ai l'air bizarre ?

— N... non, pas du tout. »

Sa voix de baryton lui rappelait les profondes et riches harmonies d'un instrument à corde. Elle se sentit étourdie par l'assaut conjugué des sensations visuelles et auditives qui étaient en train de la submerger, et auxquelles elle ne s'était pas assez préparée.