🟡 CE TEXTE CONTIENT DES ALLUSIONS / SOUS-ENTENDUS A LA MORT OU AU SUICIDE🟡 AMES SENSIBLES, S'ABSTENIR, MERCI :)
Tout est calme, pour une fois. Seul le vent hurle et balaie cendres et poussières sur la vaste lande en face de moi. Malgré tous ces moments passés dans cette terre boueuse, mon expérience ne suffit pas à trancher le dilemme de mon esprit. Dois-je être serein vis à vis de cette tranquillité ? Ou dois-je m'inquiéter ?
Le colonel Guillaume, de son vrai nom Phileas Guillaume, m'avait bien briefé sur les instants silencieux du front. Il ne fallait jamais leur faire confiance, à ces vicieux. Tout bon soldat sait qu'il faut rester à l'affût de tout, que ces moments ne sont que des accalmies. Pourtant, cette fois-ci, je me remets en question.
Étrangement, je n'ai pas l'impression d'avoir peur. Peur de l'inattendu, d'un soudain signal, d'un ordre qui a le pouvoir de changer ma vie, de décider de mon début ou de ma fin.
En tournant la tête à droite et à gauche, j'aperçois mes camarades, les frêles qui se battent même quand il ne s'agit pas de tirs pour se maintenir debout, les costauds qui se pensent protéger de tout, puis les mêmes qui finissent sous nos pieds, ensanglantés. Eux, ils fument. Je les vois tirer les clopes de leur poche, une à une, sans arrêt. Se posent-ils des questions tout comme moi ? Certains sont plus vieux, ils s'y connaissent. Ils ont pourtant l'air bien moins inquiets.
Dans cette torture mentale je repense à ma femme. Nos bonnes confidentes, les mères de nos enfants. Elles sont bloquées, nous ne savons où. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu de nouvelles d'elle. Je me demande rarement comment se déroule la vie à l'arrière, chez les civils. Je ne doute pas de la difficulté qu'ils doivent subir, eux aussi, mais rien n'est plus compliqué que de vivre sous les bombardements massacrants de ces frères que nous appelons « ennemis ».
Tous ces hommes démunis, menés à la charge, menés à la mort contre leur gré. Nous laissons derrière nous nos familles, nos enfants pour la plupart. C'est un sentiment étouffant que de se dire qu'on peut laisser ces pauvres mômes orphelins en décédant lamentablement du plomb d'un de nos pairs. A quoi bon faire la guerre ?
Je ne suis probablement qu'un petit pion peu apparent sur la maquette des officiers et des chefs d'état, mais je ne comprendrai jamais la raison de ces affrontement meurtriers.
Un son, premier de la journée. Il doit être deux heures de l'après-midi à en juger par la position du Soleil. Si il devait y en avoir une, jamais une bataille n'avait démarrée si tard. Moi, tel un chien effrayé, je saisis mon fusil d'une main moite. Je me prépare au pire, pas à la mort. J'attends des instructions, des mouvements, des agitations autour de moi qui m'indiqueraient le début d'une opération. Au final, je ne perçois plus que des rires. En me retournant, je vois mes compagnons, tout sourire. Ils rient de moi. Abaissant mon arme, honteux de ce coup de pression que je me suis donné seul, je me laisse tomber contre le mur sale de la tranchée. Je suis peut-être trop prévoyant, après tout.
J'ai toujours été un combattant connu pour sa dévotion et sa prudence, mais plus les jours avancent, plus je trouve que la dévotion et la prudence sont causes des décès. J'en ai vu passer des gars dans ces chemins creusés, des hommes qui, à mon image, s'inquiètent pour un moindre. C'est ces uniques instants de détente que je refuse de m'accorder qui les a fait disparaître.
Nonobstant, le silence inhabituel continue de me vociférer dans les oreilles de me reposer.
J'abandonne mon corps pour m'enfermer dans mes pensées. Pourquoi ne pas sortir de cette oppression et me dorer la pilule sous le soleil de paix qui nous illumine aujourd'hui ? Je pourrais rejoindre mes compagnons, enlever mon sac, poser tout ce fardeau loin de moi. Je ne comprends définitivement pas ce qui me retiens. Mon bon sens ? Mon caractère ? Peut-être ma peur ? Non, je ne veux plus subir cette effroi qui m'habite à chaque mouvement.
Balançant affaires et arme, je décide de m'étirer. Liberté, je sens mes épaules fatiguées se relâcher enfin pour un moment au moins. Je tourne la tête vers mes pairs, unique famille dans cette guerre. Dans ma tête tout se bouscule, mon épouse, la paix, le monde.. Notre monde sera-t-il encore beau après cette dévastatrice bataille d'ailleurs ?
Peu importe, je n'ai pas le temps de choisir ma direction, un faible crissement parvient à mes oreilles, et je n'ai malheureusement pas eu l'esprit de me tourner. Trou noir. La vie disparaît autour de moi, je me sens chuter, profondément, sans fin.
Subitement, le calme et le silence me retiennent de leurs bras. Que se passe-t-il ? Serais-je tombé bien las ?
Dans l'univers des mortels, mon corps gît par terre. La tête troué, une balle à côté. Le sang coule abondamment. Autour de ce cadavre qui habitait autrefois ma conscience, je vois du ciel une nouvelle agitation. Les hostilités ont repris, et mon décès en a été le prélude. Mon combat s'est arrêté là où je voulais qu'il débute, et tout ça n'a été provoqué que par mon hésitation.
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"My heart thinks, my brain writes."
PuisiIncapable de tenir une histoire sur le long terme, j'ai décidé de réunir mes œuvres plus courtes dans un bouquin numérique afin, peut-être, de soutenir les discrets dans l'ombre de la timidité ou de la honte, mais encore d'amener un peu de lecture d...