Chapitre 6

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_ Ce n'est pas une bonne idée, Charles.

_ Je veux t'aider. Montre-moi.

Voyant que je ne réagissais pas, il se releva et vint s'agenouiller devant moi.

_ S'il te plait, Eli.

J'étais totalement hypnotisée par son regard. Inconsciemment, je hochai la tête.

_ Montre-moi seulement ce que j'ai besoin de voir.

Il leva les deux mains et les posa sur mes tempes. Un doux sourire étira ses lèvres tandis que ses doigts caressaient délicatement ma peau. Je fermai les yeux profitant de ce moment de tendresse et laissai Charles entrer dans ma tête, prenant bien soin de trier les informations.

Une enfant, brune, les mains sur les tempes, hurlant de douleur sous la violence des voix qui se frayaient un chemin dans sa tête.

Son père à ses côtés, la prenant dans ses bras.

_ Laisse-les entrer, Elizabeth, ne les repousse pas.

_ J'ai mal, Papa, pleura l'enfant.

_ Je sais, mais la douleur empire si tu les empêches d'entrer.

L'enfant allongée, son père et sa mère à ses côtés.

La voix de Bowie raisonnant dans la chambre, faisant disparaître les milliers de voix qui se bousculaient vers elle.

_ La musique te permettra de gérer ta mutation. Le calme qu'elle t'apportera de la faire évoluer, de la rendre plus puissante.

Un accident de voiture.

Le corps d'une femme brune morte.

Du sang...

Du sang partout...

Une vision ; celle de la mort de la mère de l'enfant.

La folie d'un père mutant.

La folie d'un père télépathe qui vient de perdre l'amour de sa vie, son âme sœur.

La folie d'un père qui oublie sa propre vie, sa propre existence et son propre enfant.

Un père dont la mort et la mutation ont tout fait oublier.

L'amour de l'enfant devenu adulte pour un père qu'elle chérit plus que sa propre vie.

Les soins journaliers qu'elle lui prodigue.

La culpabilité de devoir l'enfermer dans un Institut spécialisé, incapable de s'en occuper seule.

Lorsque je rouvris les yeux, des larmes coulaient le long de mes joues. Je n'appréciai pas revivre ces souvenirs, images ineffaçables d'un passé douloureux. Charles avait toujours ses mains sur mes tempes, ses yeux étaient grand ouverts et posés sur moi. Une larme traçait un sillage le long de sa joue.

_ J'ai ressenti cet amour, souffla-t-il. J'ai ressenti la douleur et la mort. Je... Je suis désolé, Eli. Désolé pour ce que tu as dû supporter, ce que tu as dû gérer toute seule.

_ J'ai toujours été seule, sanglotai-je doucement.

_ Tu ne l'es plus, me réconforta-t-il, essuyant mes larmes. Je suis là désormais.

Je lui souris tendrement, essuyant à mon tour ses joues.

_ Je dois me rendre à l'Institut pour calmer mon père.

_ Ne peuvent-ils pas lui donner des médicaments ?

_ Ils ne font plus effet.

Il resta silencieux quelques secondes, puis après une dernière caresse sur ma joue, Charles se releva.

_ Hank s'occupe de mettre à disposition mon jet privé, m'informa-t-il. Va préparer tes affaires, nous partons pour l'aéroport dans dix minutes.

_ Nous ?

_ Je t'accompagne.

_ Mais l'école ?

_ Hank prend le relais.

_ Je peux y aller seule, Charles, je suis habituée.

_ Non, je viens avec toi.

_ Mais...

_ Tu n'es plus seule, Eli, répéta-t-il. Je veux t'aider. Allez, va chercher tes affaires, je t'attends dans le hall.

Je ne savais plus quoi lui dire.

Je le regardais, tremblant sous le poids des émotions : j'étais inquiète pour mon père, pleine de gratitude envers Charles, triste de la mort de ma mère et heureuse de la présence du télépathe à mes côtés.

Finalement, je me mis en mouvement et me rendis dans ma chambre, attrapant ma valise et y déposant quelques vêtements et affaires de toilette.

_ Merde, je dois appeler Alex, lançai-je vivement tandis que je sortais de ma chambre.

Je me rendis rapidement dans le bureau de Charles et appelai mon meilleur ami lui demandant de me ramener ma voiture à l'aéroport de Washington dans une heure. J'avais laissé ma vieille citadine à mon ami, ne pouvant l'amener avec moi à New York. Puis une fois fait, je descendis les escaliers en courant, rejoignant Charles qui m'attendait dans le hall, sa valise à la main. Il n'avait pas son fauteuil roulant ce qui me fit froncer les sourcils.

_ Tu ne prends pas ton fauteuil ? osai-je lui demander.

_ Non, je ferai sans.

_ Tu es sûr ?

_ Oui, ça va aller, ne t'inquiète pas.

_ Comme tu voudras.

Hank nous rejoignit, une lueur d'inquiétude dans le regard.

_ L'avion est prêt, nous informa-t-il. Un pilote vous attend à l'aéroport.

_ Merci, Hank, dit Charles.

_ Ça va aller, Eli ?

_ Oui, enfin j'espère...

_ Tiens-moi au courant.

_ Je n'y manquerai pas.

Il me prit dans ses bras et embrassa doucement mon front.

Je suivis Charles à l'extérieur de l'école où un taxi nous attendait. Nous mîmes nos affaires dans le coffre et montâmes à l'arrière. Toutes mes pensées étaient focalisées sur mon père, j'espérais arriver à temps... Ne supportant plus mon silence, Charles prit ma main dans la sienne et la serra doucement, me sortant de mes pensées.

_ Ça va aller, me réconforta-t-il.

Je hochai la tête tandis que je reportais mon regard vers le paysage extérieur qui défilait à une vitesse affolante. Charles garda ma main dans la sienne et ne la lâcha qu'au moment où nous nous assîmes dans l'avion.

The music of the soulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant