Chapitre 30 - Migraine

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1er septembre 2007

Les rayons du soleil m'agressent les yeux, à peine ouverts. Une drôle sensation de nausée s'empare de mon ventre, tout tangue autour de moi. Je pousse sur mes mains pour essayer de me lever mais mon pied touche l'eau glacée de la piscine. Je cesse tout mouvement, de peur de tomber à l'eau et d'être définitivement réveillée, mais je m'enfonce encore plus dans la bouée gonflable et manque de boire la tasse. Je me stabilise de mieux que je peux et observe les alentours.

Des bouteilles de bière et d'alcool fort flottent dans la piscine, d'autres jonchent la pelouse verte. Des corps non identifiés sont étendus sur des transats, des serviettes de bain en guise de couvertures. Et les ballons qui, hier soir, formaient le mot "Migraine" sont maintenant tous éclatés sur le sol. 

Je me retiens de vomir et arrive à accoster le bord de la piscine. Je me hisse sur la terrasse en bois et me relève avec difficulté. Mes cheveux collent, deux bleus ce sont formés sur mes genoux et je pue le chlore et la vodka. Le soleil tape déjà et je sens de la sueur perler sur mon front. 

Je titube vers la cuisine et me rue vers le frigo. Heureusement, une bouteille d'eau fraîche m'attends. Je la boit presque entièrement puis j'empreinte l'escalier pour monter prendre une bonne douche. Je chasse Eric qui était endormi dans la baignoire, une casserole de spaghetti bolognaises renversée sur la tête, puis je laisse couler de l'eau froide sur mon corps suant et encore alcoolisé. 

En redescendant, je tombe sur Gustav et Jana aussi proche que jamais, en train de partager un bol de céréale. Je fronce les sourcils d'incompréhension puis je me remémore les évènements d'hier soir : ivre, Gustav a avoué à Jana être amoureux d'elle...dans un micro...devant une centaine de personnes tout aussi saoul. C'était évidemment réciproque, ils ce sont ensuite embrassés avant de tomber sur la table des boissons qui a cédé sous leurs poids. Voilà pourquoi le sol colle...

Je les salue puis enfile une paire de lunettes de soleil, mes yeux me brûlent. Je m'affale dans le canapé du salon, entre un Bill endormi et une fille à moitié nue, et allume mon téléphone. Il vibre en continue pendant plusieurs secondes, raffalé de messages et d'appels. Tous des messages de félicitations pour la sortie de l'album. Je regarde l'heure, treize heure quinze. Il est sorti ce matin à neuf heures. 

Je n'arrive pas à croire que la totalité de l'Europe a maintenant accès à mes pensées les plus intimes, à notre travail le plus rude et précieux. Des heures de studio, de promo, de photoshoot, d'interviews, d'écoutes, de mixage, de réenregistrement, tout ça réuni dans une petite pochette plastique. J'attrape une copie qui se trouve sur la table et l'examine. La couverture est une photo prise du groupe il y a quelques mois. Tous nos regards fixent l'objectif de la caméra, nos corps étendus dans l'herbe de cette clairière et les cheveux en bataille. Sur le CD, notre logo ainsi que la tracklist. 

Je me dirige vers la grosse chaîne hi-fi qu'on a utilisée hier soir et insère le CD à l'intérieur, j'augmente le son au maximum puis lance la première chanson, Stop the liquors

Tout le monde se réveille en sursaut, où se bouche les oreilles pour ceux déjà réveillés, en hurlant. 

Jana me rejoint, un sourire immense plaqué sur le visage.

"Je te déteste pour le bruit mais heureusement, ce n'est que nous ! Sur notre premier album !" finit-elle en criant.

On se met à danser et à rire comme deux folles avant que Bill se lève et éteigne la chaîne en se tenant le crâne. 

"Vous allez vraiment pas bien..." soupire-t-il en se blottissant sous un plaid. 

C'est à ce moment que Lydia descend les escaliers en baillant, le vacarme l'ayant sûrement réveillée. Elle nous embrasse puis se jette sur la brioche tressée qui traînait sur l'îlot centrale de la cuisine. 

Bleedin' - Tom KaulitzOù les histoires vivent. Découvrez maintenant