Chapitre 2

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   Après avoir traversé une cour flanquée de statue pour quitter l'enceinte du château, Evelyne s'enfonçait dans la cité pour rejoindre le domaine du Cénacle.

A l'inverse de certaines capitales, Liney était construite en hauteur et, afin de favoriser l'ascension du peuple jusqu'au sommet, les rues qui sillonnaient la ville serpentaient autour du mont jusqu'à sa base, pour ensuite mourir dans les plaines. Elioren ne l'admettait jamais, mais l'accent divin que lui offrait cette position au sommet de tout et tous le grisait quelques fois. Evelyne en avait conscience, et c'était un des nombreux défauts naissants de son frère qui la répugnait.

Les rues très animées de la capitale regorgeaient d'odeurs d'épices que les marchands avaient fait venir de la côte, et de pain frais des boulangers présents sur le marché.

Evelyne aimait se perdre dans la cohue car, bien qu'elle n'appréciait pas forcément les bains de foules, cela lui permettait d'oublier quelques instants la réalité et ainsi se couper momentanément de ses responsabilités.

Cependant, elle ne passait pas longtemps inaperçue. Le turquoise de son regard et les traits fins et subtiles de son visage, additionné à son physique svelte et élancé, lui offrait une grande beauté, et souvent, le regard des hommes s'attardait trop longtemps sur elle au point de la mettre mal à l'aise.

Elle n'était certes pas mécontente de cet effet provoqué, bien que involontaire, mais il n'était pas au centre de ses préoccupations. Elle savait que sa beauté recelait des avantages qu'elle mettrait bientôt au profit de Liney, notamment dans son mariage avec Rhéodor Falcon.

Un mouvement la tira de sa réflexion, tandis qu'elle se demandait dans un éclair de pensée juvénile si le roi d'Aelia serait à son goût et s'il ferait un bon époux, tout en humant discrètement le parfum d'un fruit qu'elle venait de prendre sur une étale.

En relevant les yeux, elle ne remarqua rien d'inhabituel. Mais elle savait pertinemment être la cible d'un appel discret et silencieux qu'elle ne tarda pas à rejoindre après avoir glissé une pièce dans la main du vendeur. Ce dernier sourit à sa cliente comme s'il venait d'être touché par la grâce divine, tant la beauté de la jeune femme le subjugua.

Evelyne rejoignit une alcôve baignée d'ombre au bord de l'artère principale où était installé le marché, puis elle s'assura qu'aucune oreille indiscrète ne puisse capter ses propos d'un coup d'oeil circulaire, avant de murmurer :

-Parlez, nous sommes seules.

-As-tu eu un entretien avec le roi ? répondit la voix d'une vieille dame qui se dévoila aussitôt, naissant des ombres.

Il ne s'agissait de nulle autre que Sybil, la dame à la tête du Cénacle.

-Je m'entretiens avec lui au quotidien, il va falloir être plus précise, dame Sybil, demanda la conseillère sans aucune rigidité.

-Nous avons eu vent de rumeurs.

-Elles sont vraies.

Evelyne vit dans le reflet des yeux gris de la vieille femme un éclat de panique luir dangereusement.

-Qu'allons-nous devenir... ! s'épouvanta-t-elle.

La princesse s'empressa de saisir les mains de son mentor entre les siennes, restant calme.

-Vous savez autant que moi que je ne suis pas en mesure de refuser, répondit-elle. Il est l'heure pour moi de servir Liney, tout comme vous m'avez appris à le faire.

-Mais c'est grâce à toi que nous survivons ! C'est grâce à ta présence aux côtés du roi que nous parvenons à éviter la majorité des chasses... ! Que va-t-il advenir de tes sœurs si le Cénacle n'a plus d'yeux sur le trône ! D'abord Margo, ce matin... et puis toi ?

L'Héritage des Enfers (En cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant