Chapitre 7 (partie 2)

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    Lorsque Evelyne pénétra dans l'immense salle du trône, elle constata avec horreur qu'un public avait été convoqué afin d'assister à son procès. Elle le définissait ainsi car il n'y avait pas de mot plus juste afin de qualifier cette audience. Elle savait pertinemment qu'elle allait être sujette à une humiliation face à la cour de Béléon, et sans doute en apprendrait-elle un peu plus sur le destin que lui réservait Thalsémar. Car sa fille avait beau se montrer très aimable, il n'en était rien du roi, et Evelyne le savait.

  Quand Malione ouvrit l'imposante porte de la salle du trône, la première impression que lui fit le seigneur Adraghor était celle d'un souverain suffisant qui, assit sur son trône, la toisait prétentieusement jusqu'à ce qu'elle s'agenouille à ses pieds. Au préalable, elle avait traversé la gigantesque pièce, seule, les mains jointes devant elle et le menton haut, car le spectre et Tamara avaient contourné la foule pour se ranger du côté de la famille royale. La sorcière cherchait à garder la dignité qui lui restait et faire preuve de distinction, car elle n'avait pas peur de mourir. Seulement de perdre Elioren.

  Un lourd silence s'abattit sur la haute société de Béléon qui observait attentivement la captive. Evelyne remarquait du coin de l'œil le jasement déjà insupportable de quelques biens nées qui se penchaient les unes vers les autres pour murmurer des insanités et autres critiques à son encontre.

  La salle était décorée d'imposants étendards rouges suspendus à un plafond détaillé de gigantesques chandeliers de cristaux, sur lequel l'emblème de la famille Adraghor était cousu. Des hommes armés sur sa gauche, des femmes parées à sa droite, Evelyne était agenouillée au centre de tout ce beau monde comme une brebis au milieu des loups.

  Il lui sembla qu'une éternité s'était écoulée avant que le seigneur prit la parole pour interrompre les divagations idiotes au sujet de la fausse beauté qui peignait le visage de la native de Liney, obtenue par un savant sortilège, à n'en point douter.

-Relevez-vous, dame Vedma de Liney.

  Evelyne obéit. Elle se tint droite en levant la tête vers Thalsémar, juché au sommet de plusieurs escaliers sur lesquels se trouvait son siège. On voyait sa reine, juste à sa droite, assise sur un trône similaire au sien. Une de ses mains était posée dans celle de son roi, la seconde caressait discrètement un ventre bien rond qui annonçait la naissance proche d'un nouvel héritier. Evelyne ne s'attarda pas sur les détails de son visage car elle craignait que Thalsémar le prenne comme une insulte, mais elle avait eu le temps de distinguer une beauté étrangère aux cheveux de jais et à la peau dorée.

  En retrait et sur la gauche du souverain, la fratrie Adraghor se tenait debout en observant Evelyne. Cette dernière souhaitait trouver un peu de réconfort en croisant le regard de Moira, mais la petite fille était absente. Elle avait glissé la plume dans sa manche, et parvenait à triturer nerveusement la pointe de celle-ci d'un doigt pour garder son sang-froid.

-Nous sommes ravis de constater que vous avez réussi à reprendre des forces, reprit Thalsémar. Croyez bien que votre bien être est notre priorité.

  Elle ne saurait dire s'il faisait preuve d'ironie ou non. Elle jugea bon de considérer que tout ce qui sortait de cette bouche n'était que moquerie.

  Elle se souvenait des paroles de Tamara tandis que la foule silencieuse braquait sur elles ses dizaines de paires d'yeux, suffisant à lui donner la nausée.

-La distinction avec laquelle vous me traitez y est pour quelque chose, grand roi, répondit-elle après un instant. Qui aurait cru qu'un seul bain chaud en dix jours et un peu de bouillie froide à dîner puisse redonner des couleurs à une prisonnière.

L'Héritage des Enfers (En cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant