Chapitre 4

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  Au coucher du soleil, le groupe convint d'un arrêt pour passer la nuit. Les bêtes et les hommes étant à l'aube de leur voyage, il était important d'économiser leur force, et une première longue journée de chevauchée s'avérait éreintante.

Ils avaient trouvé un coin idéal dans ce but, une clairière délimitée par une barrière naturelle de hêtres, de bouleaux et de pins. Les chevaux, attachés, profitaient d'un peu de repos, et les hommes ainsi que leur protégée partagèrent un repas pittoresque autour du feu. Après quoi, chacun vaqua à ses occupations.

Plus tard dans la nuit noire, le campement était calme. Quatre des gardes dormaient, relayant à tour de rôle le cinquième qui montait la garde. Bien que leur route soit peu fréquentée, ils n'étaient pas à l'abri d'être importunés par des brigands ou des rôdeurs. Aucun des gardes n'étaient au fait des origines d'Evelyne, mais elle restait la conseillère personnelle d'Elioren, et fiancée de Rhéodor, aussi sa sécurité était bien trop importante pour négliger le moindre détail.

Elle se savait en sécurité, et pourtant, il lui était impossible de trouver le sommeil. Le convoi transportait une tente pour que la demoiselle y passe ses nuits lors du voyage, mais Evelyne avait insisté pour dormir dans sa voiture de voyage. Premièrement car elle souhaitait profiter des dernières nuits étoilées de l'année avant qu'un ciel capricieux ne tâche le ciel d'épais nuages, et deuxièmement parce qu'elle avait encore un peu de mal avec l'idée de confort royal. De ce fait, elle observait par la fenêtre sans vitre de la carriole les frontières avec le royaume de Béléon, dansant presque sous les reflets d'un quart de lune, car le paisible vent qui galopait dans les gorges agitait les ombres de la végétation sur les flancs de colline.

"Je n'avais jamais réalisé que nous étions si proches des plus grands ennemis de Rhéodor." songea-t-elle intérieurement.

Un bruit sourd, comme si une masse inerte tombait au sol, la sortie de sa réflexion. A moitié allongé dans sa carriole, Evelyne se redressa sur un coude et jeta un regard en direction du campement de ses gardes.

Le silence total.

Elle tendit l'oreille un instant. Le calme ne la rassura pas, et son instinct se mit en branle.

Elle se glissa hors de la peau de bête qui lui tenait chaud avec autant de discrétion qui lui était possible d'appliquer, et quitta le couvert de la carriole. Elle se sentit étrangement menacée maintenant qu'elle n'avait plus qu'une cape pour couvrir ses épaules.

Elle contourna doucement la voiture. Les chevaux étaient encore là. Le premier, en appuie sur trois de ses pattes, avait les yeux clos et semblait dormir paisiblement. Le second la regardait en silence comme s'il craignait qu'elle ne vienne troubler le sommeil de son partenaire de route. Un peu plus loin, au sol, trois des hommes dormaient à poings fermés. Si les chevaux ne montraient aucun signe d'affolement, pourquoi devrait-elle se méfier ?

-Madame ?

Evelyne sursauta violemment en bloquant sa respiration, pivotant sur ses appuis pour se retrouver nez à nez avec Olory, un des gardes.

-Nom de-... souffla-t-elle le plus doucement possible pour ne pas risquer de réveiller les autres. Vous m'avez fait peur.

-Il faut que vous partiez.

La sorcière le fixa un instant, tout juste remise de son coup de peur.

-Pardon...?

-Partez, maintenant.

Elle tourna la tête vers le camp, avisant les hommes endormis, puis revint à Olory.

Le garde avait disparu.

L'Héritage des Enfers (En cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant