L'Héritage des Enfers (En cours)

Chapitre 5

     Malione s'avérait être un compagnon de route particulièrement rude et insensible. Epuisée par un premier voyage déjà exténuant, puis une course poursuite pleine d'espoir brisé, Evelyne piquait du nez sur le dos de sa monture une fois que le premier effet de peur à l'état pur se fut dissipé. Mais dès qu'elle se penchait dangereusement ou que sa tête allait en arrière contre lui, Malione la remettait en place avec un manque flagrant d'empathie.

Un peu plus loin devant, l'épéiste avait pris une des montures au poste frontière pour faire route avec eux. Après un énième agacement de Malione, tandis que le soleil se levait, l'homme qui avait ralenti pour chevaucher à leur niveau observa la scène avec amusement avant de rire.

-Inutile d'essayer de le prendre par les sentiments, il est l'homme le plus insensible que je connaisse.

Evelyne serra les paupières comme pour se forcer à rester éveillée.

-Du moins, pas lorsqu'il ne s'agit pas de ma sœur, ajouta le vagabond d'une voix plus faible avant de prendre une gorgée d'eau de sa gourde.

Malione tourna vivement la tête vers lui en fronçant les sourcils, contrarié.

-Et bien ? N'est-ce pas vrai ?

-Cela n'est ni l'endroit, ni le moment d'en discuter, répondit le garde avec froideur. Et non, ce n'est pas vrai.

-Très bien, très bien. De toute façon, elle t'aurait probablement accueillie avec la même ignorance que d'ordinaire. Je ne suis même pas sûr qu'elle ait remarqué ton absence.

Evelyne secoua la tête en soupirant, désabusée, tandis qu'un Malione, agacé dans son dos, ravalait ses mots.

-Vous avez quelque chose à ajouter ?

Elle tourna la tête vers le vagabond qui lui avait posé la question. Il avait abaissé son foulard pour boire et désormais Evelyne pouvait en distinguer plus de ses expressions.

Il la regardait avec sévérité et une absence totale de pitié.

-Vous me ballotez sur le dos d'un cheval épuisé, collée à un assassin et espion de Thalsémar Adraghor, à qui vous vous apprêtez à me livrer, et vous espérez que je supporte vos brimades idiotes sur les amourettes de cet homme ?

-La fatigue ne semble pas vous faire perdre votre bagout.

Il sourit en coin en soutenant son regard.

-Pour une femme sur le point d'épouser Rhéodor, vous me semblez bien peu sensible aux romances.

-C'est ridicule, s'exaspéra la sorcière.

-Vous voulez me faire croire que ce convoi n'était pas organisé dans le but de vous envoyer auprès de votre fiancé ?

-Je suis conseillère du roi Vedma, j'étais en mission diplomatique.

-Une simple conseillère que le roi visite le soir dans ses appartements, renchérit Malione.

-Nous sommes amants, répliqua Evelyne sans se démonter.

-Allons, Dame de Liney, reprit le vagabond. Nous savons tous les trois que votre frère est homosexuel.

Evelyne tourna vivement la tête vers lui. Il était inutile de feindre à ce niveau. Comment diable avaient-ils pu apprendre jusqu'à sa parenté avec Elioren ? Personne n'avait jamais su. Elle comprit aussitôt que Malione l'épiait sans doute depuis un long moment, et qu'il avait surpris jusqu'aux conversations les plus secrètes qu'elle avait entretenues avec Elioren. Cet homme devait être un maître en matière d'espionnage.