L'Héritage des Enfers (En cours)

Chapitre 9

  Après l'échauffourée de la veille avec Azarel, Evelyne trouvait du réconfort à constater la présence d'un spectre non loin d'elle. Elle s'imaginait que Malione avait sans doute donné l'ordre à ses hommes de redoubler de prudence en sa compagnie après les menaces proférées par l'aîné Adraghor.

Elle déambulait entre les colonnes des couloirs extérieurs qui bordaient les jardins, la tête enfoncée dans les épaules pour se protéger du froid. C'était le jour de Samhain, et elle entendait l'agitation qui animait la ville au-delà des murailles du château. C'était une période importante pour les sorcières, et elle espérait secrètement qu'on l'autorise à participer un minimum à la célébration.

Elle cessa de songer à la fête des morts lorsque le bruit des pas d'une femme résonna dans son dos. Alarmée par la cadence précipitée de la nouvelle arrivante, Evelyne tourna la tête pour chercher à savoir de qui il s'agissait. Elle n'eut le temps d'apercevoir que la chevelure de feu de Tamara avant que cette dernière ne roule son bras autour du sien, et l'entraîne dans le mouvement.

Elle avait la tête haute, l'allure décidée et sûre. Elle semblait savoir où elle allait, ou du moins ce qu'elle voulait lui montrer. Evelyne aiguisa un sourire en coin, amusée.

-Ne risquez-vous pas un nouveau sermon à me tenir compagnie ? demanda-t-elle.

Tamara leva les yeux au ciel en soupirant.

-Si Malione tient sa langue, je ne risque pas grand chose.

Elle regarda par dessus son épaule en grimaçant légèrement, comme si elle cherchait à reconnaître quelque chose dans la démarche ou l'attitude totalement neutre du spectre qui les suivait.

-C'est toi ? ajouta-t-elle en tendant son bras libre pour soulever le masque du spectre qui ne bronchait pas.

Elle le replaça aussitôt qu'elle eut sa réponse.

-Et bah non.

Evelyne pouffa doucement et demanda avec amusement :

-Vous ne savez pas différencier les spectres ?

-Samaël est très doué pour ça, mais pas moi. Il faut dire qu'ils ont passé beaucoup de temps ensemble par le passé. Et en plus, ils ont presque tous la même voix sous ce masque. Sauf les femmes, bien sûr. A supposer qu'il y en ait... Il y en a ? (elle posa la question en consultant le spectre qui répondit d'un acquiescement de tête) Intéressant. C'est sexy, une femme spectre. Ciel, regardez cette tenue !

Elle tripota le col d'Evelyne tout en marchant comme s'il s'agissait d'une vilaine contrefaçon.

-Ce n'est pas une façon d'habiller une princesse.

Elle avançait sans faire attention à qui les regardait traverser jardins et cours du château, en bringuebalant fièrement la captive.

-Cessez de m'appeler 'princesse', soupira Evelyne lorsqu'elle trouva enfin l'occasion d'en placer une.

-Votre parenté avec Elioren est la seule raison pour laquelle vous êtes encore en vie, Evelyne. Vous feriez mieux de ne pas l'oublier.

Evelyne croisa le regard pétillant de Tamara qui lui souriait. Elle avait raison et savait se montrer cinglante quand il le fallait. Evelyne ne s'en offusqua pas.

-Vous êtes encore plus impitoyable que vos frères.

-A ce sujet, j'ai eu vent de ce qu'il s'est passé dans la bibliothèque, hier.

-Je vois que les nouvelles vont aussi vite que dans n'importe quel château.

Evelyne en pouffa légèrement.

-Je suis désolée qu'Azarel ne réalise pas la chance qu'il a, et l'honneur qui lui est fait.

-Je suis certaine que je le réaliserai également si je n'y étais pas forcée... Et que j'ignorais la nature grincheuse de mon fiancé, rétorqua la linéenne.

Tamara leva le visage pour rire aux éclats.

-Azarel ADORE posséder des choses. Faites lui des cadeaux et ça se tassera.

-Je ne me souviens pas avoir mentionné désirer ses faveurs.

-Vous feriez mieux de ne pas l'oublier. Lorsque vous serez mariés, il se peut qu'il fasse preuve de moins de délicatesse.

Evelyne soupira légèrement. Elle décida de changer de sujet plutôt que de tourner autour du caractère d'Azarel.

-Où me conduisez-vous ?

-Trouver autre chose à vous mettre. Vous n'allez tout de même pas vous présenter ce soir dans cette tenue.

-Me présenter où ? demanda Evelyne.

-A notre dîner, bien sûr !