L'Héritage des Enfers (En cours)

Chapitre 8 (partie 1)

  

   Elioren se faisait violence pour garder un peu de manière et ne pas se ronger les ongles devant un de ses homologues. Sa longue route à bride abattue touchait enfin à sa fin, mais la perspective de s’entretenir avec Rhéodor Falcon ne l’apaisait pas autant qu’il se l’était imaginé.

 Dans ce lieu perdu entre les monts qui bordaient la frontière sud de Liney et d’Aelia, ils avaient convenu d’un rendez-vous d’urgence afin de trouver une solution au récent rapt d’Evelyne.

 C’était un lieu sauvage au pied des montagnes, où ils s’étaient déjà rencontrés par le passé. Le campement était composé d’une simple tente sous laquelle les hommes d’Aelia avaient installé le nécessaire afin de prodiguer le confort temporaire de leur souverain en attendant l’arrivée d’Elioren.

 Il n’eut pas à attendre longtemps car, bien qu’Aelia fusse plus proche du point de rencontre que Liney ne l’était, Elioren avait bravé les lois de la vitesse pour assister à cette réunion dans les plus bref délais, et il fut sur place lorsque le soleil atteignait son zénith. 

  Le roi d’Aelia le regardait faire les cent pas sous l’astre solaire qui aurait été cuisant quelques semaines plus tôt. Malgré la clémence du temps, Elioren suait à grosses gouttes. Sa longue chevelure foncée d’ordinaire soyeuse et entretenue, similaire à celle de sa sœur, était désordonnée par plusieurs heures de chevauchée, et sa démarche perturbée par l’effroi qui déformait les traits élégants de son visage.

-C’est une déclaration de guerre ! s’exclama finalement le roi de Liney en écartant les bras. Nous ne pouvons rester les bras croisés, c’est le moment d’agir, nos forces combinées suffisent à renverser Béléon !

 Rhéodor rabattit ses mains devant lui, à plat, comme pour esquisser un mouvement qui appelait au calme. Ses épaulettes d’argent ciselé brillaient au soleil, et le seigneur n’avait rien perdu de sa prestance au profit de la peur.

  Il se tenait droit, ses larges épaules et son buste recouverts d’une magnifique armure d’apparat, d’où deux pans de tissu cousu d’un bleu roi brodé d’or s’échappaient pour glisser dans son dos. La nature ne lui avait pas octroyé le luxe d’une grande beauté, mais il compensait ce manque par un charme princier travaillé et une allure à nul autre pareil. Bien qu’il ne répondait pas au critère de beauté du moment, à sa manière le roi d’Aelia était un homme plaisant.

-Ne vous montrez pas si impulsif, Elioren, lui dit-il. L’avantage du nombre ne fait pas tout, Béléon est la cité la plus imposante du continent, et elle peut tenir un siège de plusieurs mois.

-Alors, nous devrions laisser Evelyne croupir dans un donjon pour cette raison ?!

Elioren jeta son bras dans une direction aléatoire supposée désigner la capitale de Thalsémar loin au-delà des montagnes.

  Rares étaient les occasions où il se laissait emporter par sa colère. Il ne nourrissait de réelle aversion qu’envers les sorcières, et elles étaient seules capables de subir sa fureur. Il chassa d’un mouvement de bras agacé un suivant de la cours de Rhéodor qui lui proposa du vin, réalisant peu la gravité de la situation visiblement.

-Il y a d’autres alternatives auxquelles il serait intelligent de réfléchir.

-Il s’agit de ma SOEUR !

  Le ton qu’il avait employé imposa un court silence pendant lequel Rhéodor le fixait en soupirant. Le calme dont il faisait preuve aurait pu être exemplaire, mais Elioren s'effarouchait de ne pas distinguer un peu plus d'intérêt de sa part envers sa future épouse.