Chère Chloé - Tome 1

6 - La rencontre

"Le destin est une question d'opportunité,

Pas d'accident".

Voltaire

Je mets quelques secondes avant de réagir, cherchant la personne dont il me parle. Mais lorsque je la vois, mon souffle est coupé. La ressemblance est si forte que j'ai de plus en plus de mal à respirer. J'avais trouvé une photo d'elle adulte, et cela m'avait déjà marqué. Mais pas autant qu'en voyant ce cliché où elle est âgée d'environ 20 ans. Eric me montre alors une nouvelle photo et mon sang se glace, mon corps est parcouru de frissons.

Je n'étais pas prête à cela.

- Au risque de vous décevoir, j'aimerais vous dire que j'ai vu Miss Elizabeth grandir, et je peux vous certifier que vous avez les mêmes yeux gris qu'elle.

Mon regard ne peut se détacher de cette photo.

- Plus jeune, reprend-il en rigolant, elle demandait à Natacha de lisser ses cheveux avec le fer à repasser, avant d'aller aux galas. Si vous aviez vu la scène, c'était hilarant.

J'entends la nostalgie dans sa voix.

L'homme est très touchant.

Il tourne les pages et me transmet ses souvenirs au fur et à mesure qu'il me présente les photos. Il n'a plus besoin de me montrer cette femme car je la reconnais dès qu'elle apparait. Ses cheveux, ses yeux, son visage, sa façon de se tenir.

Je lui ressemble.

Beaucoup trop.

Eric, toujours assis à côté de moi, continu de me partager ses souvenirs, cette belle émotion dans la voix.

- Qu'est-ce que ...

Je me tourne vers l'entrée de la bibliothèque pour découvrir un homme sur le pas de la porte. Grand, les cheveux gris, il me fusille du regard. Il semble furieux et sa posture agressive n'est pas rassurante.

- Monsieur Lannord, salut Éric en se levant rapidement du fauteuil.

Je l'imite, intimidée et surtout déstabilisée.

- DEHORS !!

L'intonation grave a jeté un air glacé sur la pièce, et une vague de frayeur me parcours. Je reconnais l'homme malgré ses traits froncés. Il est présent sur presque l'ensemble des photos, aux côtés de sa fille. De nombreuses rides marquent son visage à présent, mais il est reconnaissable par sa prestance et sa classe.

- Je montrais les photos d'Elizabeth à votre petite fille, reprend Éric avec hésitation. Elle...

- CE N'EST PAS...

Il s'arrête et m'observe de la tête aux pieds avec écœurement. Ses lèvres se pincent et il fronce encore plus les sourcils, de manière intimidante. Rapidement, il détourne son regard pour s'adresser à Eric :

- Tant que le médecin n'a pas fait ses examens, elle n'existe pas. Accompagnez-la à l'entrée, elle à un rendez-vous à honorer.

Il me toise avec dédain.

- Personne ne salira l'image de ma fille sous mon toit.

Il s'éloigne en silence. C'est lorsque le bruit de ses pas s'est suffisamment éloigné, que j'arrive à reprendre mon souffle. Des larmes menacent de couler alors que je vérifie l'aspect de ma tenue. La violence de ses mots a commencé à briser la force que j'ai mis des jours à rassembler.