42 - Visite surprise

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"Il n'est jamais trop tard pour devenir

Ce que tu aurais pu être".

George Eliot


- Ce jaune moutarde ira très bien avec ce rouge, assure Edmond.

- En 1920, oui, je réponds sur un ton désinvolte

- Et si vous voulez vivre avec le drapeau espagnol sur les murs de votre chambre, lance Natacha depuis la cuisine.

Nous rigolons tous, sauf Edmond qui feuillette un magazine de décoration d'intérieur. Il fait mine de ne pas avoir entendu, tandis que Natacha me fait un clin d'œil. Même Ben se pince les lèvres pour ne pas rire.

Ce moment est réconfortant.

- Tu as des petits yeux mon enfant, lâche le grand-père en relevant la tête après quelques minutes.

- J'ai fini tard hier pour arriver à terminer les détails.

Je ne l'avoue pas, mais ce fut le cas tous les soirs depuis que j'ai accepté de l'aider. Hier, je me suis même endormi sur le bureau, et la dernière fois que j'ai regardé l'heure, il était 3 h du matin. Mais cela n'a aucune importance quand je vois le sourire d'Edmond, observant l'avancée de mon travail. Il semble impressionné et j'espère qu'il ne regrette pas.

Alors que son téléphone sonne, il me fait un clin d'œil en récupérant les dossiers.

- Edward ! S'exclame-t-il en s'éloignant vers le salon. Comment allez-vous ?

Après plusieurs secondes, il reprend :

- Mais bien sûr que le dossier est prêt, je peux même vous l'apporter avant la date. Comment pouvez-vous en douter ?

Je tends l'oreille de manière indiscrète.

- Ma petite fille s'est occupée de poursuivre la partie de la décoration d'intérieur. Mmmmh .... Bien sûr.

J'attends impatiemment la suite.

- Comment cela vous n'étiez pas au courant que Lizzie avait eu une fille ? Mais bien sûr, elle est avec moi au Domaine Junaras. Oh ... On est discret dans la famille vous savez.

Discret ? Sérieusement !

Je rigole, en croisant le regard de Natacha.

- Mais bien sûr. Elle a fini le dossier et elle a fait un travail merveilleux. Elle a le même talent que sa mère, c'est de famille vous savez !

Mon cœur fait un salto arrière dans ma poitrine.

La fierté.

Je me sens fière. Fière de ce que j'ai accompli, fière d'être là où j'en suis malgré les épreuves de la vie.

Natacha s'installe à côté de moi et me souffle :

- Je ne l'ai pas vu comme ça depuis un moment.

- Un moment ? Je m'inquiète.

- Oui la maladie d'Elizabeth l'a beaucoup inquiété, il ne voulait pas qu'elle souffre. C'est sa fille mais elle a été bien plus : son binôme, son partenaire de travail. Ils passaient des journées entières ensemble. Chacun essayant de combler les blessures laissées par Margaret...

Elle soupire avant de reprendre.

- Elizabeth a laissé un grand vide dans sa vie et les informations que son décès a révélé ont anéantis Monsieur Lannord. Votre arrivée a été difficile suite à l'incertitude des données. Et comme une fleur sauvage, il a eu peur que vous soyez toxique. Puis vous vous êtes révélé être un cadeau du ciel.

Je comble le vide laissé par Elizabeth et lui comble la douleur créée par l'absence de mon père.

- Le soleil parmi la tempête, j'ajoute.

- L'espoir parmi le désespoir. Vous savez, Elizabeth a essayé de cacher les effets secondaires de la chimiothérapie pour ne pas lui montrer ses souffrances, et elle a oublié de s'écouter.

- Pourquoi se cacher ?

- Beaucoup de personnes font cela pour ne pas inquiéter les personnes qui les entourent. Elle a voulu le protéger comme elle a pu. De nombreuses fois, elle lui à fait croire qu'elle avait des rendez-vous professionnels en ville pour pouvoir aller à l'hôpital, et réaliser son traitement sur la journée. L'infirmière venait tôt le matin pour qu'il ne la voit pas et s'arrangeait pour faire des soins sans sa présence.

Elle pose sa main sur la mienne.

- Mais bref, ne remuons pas de souvenirs douloureux.

Au loin, j'entends Edmond raccrocher et se rapprocher.

- Merci d'être là, et d'être vous, me chuchote Natacha, avant de se concentrer devant l'ordinateur à nouveau.

Je reprends mes recherches lorsqu'il nous rejoint, ne lui montrant pas que nous écoutions sa conversation. Mais son sourire rayonne dans toute la pièce.

Il est vraiment beau.

Je sursaute lorsque j'entends quelqu'un frapper à la porte. Un regard vers mes deux mentors me confirme que c'est inattendu.

Mes pensées vont vers Ethan.

Ce qui me pinça le cœur.

- Mademoiselle Horcet ?

Un homme vêtu de noir se tient sur le pas de la porte, une tablette à la main.

- C'est moi-même.

- Une livraison pour vous, m'annonce-t-il d'une voix grave.

L'homme me fait signer sur la tablette et se dirige vers le camion. Mon cœur bat bien trop fort et surtout je commence à m'inquiéter. Depuis mon arrivée, les surprises ne sont pas toujours bonnes et surtout, j'espère qu'elle n'a rien à voir avec Margaret !

Lorsque le livreur ouvre les portes du véhicule, je découvre un colis imposant à l'intérieur. Il le dépose au sol devant moi à l'aide d'une machine, et je n'arrive toujours pas à comprendre.

- Qu'est-ce que ...

Lorsqu'il ouvre le carton, c'est là que je la vois.

Ou plutôt que je la revois !

La coiffeuse que j'ai admirée lors du gala de charité se tient devant moi, encore plus belle que dans mes souvenirs. Le soleil reflète sur le bois d'olivier et les dorures. Et dans un excès de joie, je me tourne vers le grand-père pour le serrer dans mes bras.

- Merci, je souffle. Elle est exceptionnelle.

Je m'approche pour toucher le bois et l'admirer à nouveau de plus prêt. Un regard dans le miroir et j'observe Edmond, totalement décontenancé.

- Mon enfant, j'aurais bien voulu te faire une telle surprise mais celle-ci, ce n'est pas moi.

Je le regarde, totalement perdue.

Je commence à angoisser, cherchant comment Margaret aurait pu savoir. Souhaite-t-elle me prouver qu'elle m'observe toujours ? Même lors de cette soirée ?

- Monsieur, j'interpelle le livreur. Un message a-t-il été laissé pour cette livraison ?

Il me fait signe non de la tête et s'écarte vers son véhicule.

- J'espérais admirer à nouveau ce regard surprit.

Cette voix suave, je la reconnais. 

Chère Chloé - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant