MACLEAN - O POINTS

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— Clay ?

Je relève le menton, troublé. À la vue de mon père et de l'équipe autour de lui, attendant que je réagisse, je suppose qu'il n'en est pas à son premier appel. Je hoche brièvement la tête pour leur signifier que je suis toujours là. Même si c'est un mensonge. La vérité, c'est que je n'arrive même pas à lire les lignes du contrat sous mes yeux. Mon esprit ne cesse de s'égarer. J'observe les personnes à cette table en fronçant les sourcils. Tout ce monde était nécessaire ?

J'imagine que oui, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir eu autant de personnes lors de la signature chez Adessi. Il n'y avait que mon manager, lui et moi. Je me souviens encore du regard de Giuseppe à l'époque, il paraissait confiant et surtout protecteur à mon égard. J'ose un coup d'œil vers le directeur, Edward MacLean. Cheveux blond tirés en arrière, légèrement dégarnie, accoudé à la table, les mains jointes qu'il frotte entre elles avec lenteur, me démontre bien tout son empressement à en finir avec cette formalité. Il ne me quitte pas des yeux, puis esquisse un faible rictus en haussant les sourcils. Je lui rends, plus penaud. Il n'a pas la bienveillance que j'ai pu connaître par son rival. Sa forte carrure met à rude épreuve la chemise qu'il porte. Je m'attarde une petite seconde sur le sigle brodé sur la poche avant : MacLean, entouré d'un ovale bleu et noir. Si on m'avait dit l'année dernière que je me retrouverai dans ce bureau, je ne l'aurais pas cru.

— Si cela vous convient, nous étudierons un renouvellement de contrat après la saison à venir, lâche de sa voix grave le grand patron. Nous serons à la fin de la compétition et nous aurons une vision plus claire de votre avenir au sein de notre équipe.

Je serre la mâchoire, mais acquiesce. Pour l'instant, je suis encore troublée de changer d'écurie. Au fond de moi, je culpabilise. La saison vient à peine de finir, et je n'ai pas eu l'opportunité de parler de l'avenir avec Giuseppe avant son décès. La scuderia Adessi sans son mentor ne sera plus la même, et mon père a raison. Je n'ai pas eu de retour de Riccardo sur un nouveau contrat, ce qui signifie que ce dernier ne tient pas à me voir rouler une fois qu'il aura entièrement l'écurie. De toute manière, je sais que je ne gagnerai pas avec lui aux commandes. Ce trou du cul ne pense qu'à l'argent. Tout ce qui compte pour lui, c'est le gros paquet de fric que ramène l'écurie chaque année. Je ne serai même pas étonné qu'il décide de la revendre.

— Très bien, conclus-je.

— Parfait, si tout le monde est d'accord, nous pouvons signer, enchaîne l'avocat de l'écurie.

Je me demande ce qu'Erico en penserait ? Je ne l'ai informé de rien. Cela fait plus de dix ans qu'il est mon manager, mais il est aussi un fidèle de la Scuderia. Il n'aurait pas compris. Je suis en train de le trahir. Pourtant, je n'ai pas le choix. Il s'agit de ma carrière et je tiens à gagner ce championnat. Les seules écuries capables de m'emmener sur le podium ne sont pas si nombreuses. Soit, je patiente, en espérant que Riccardo réengage un nouveau contrat, tout en sachant que rouler sous ses ordres me donnera la nausée. Soit, je vais chez leur rival. L'écurie MacLean est la seule qui a les compétences pour me hisser au sommet. Après tout, leur précédent pilote a été sacré trois fois champion du monde.

Le choix est vite vu.

Je fronce les sourcils, plus déterminé et saisis le stylo à ma droite. Ma signature sur le papier est brève, précise, presque hargneuse. Je quitte la Scuderia. Je quitte ma famille de cœur, mais je prends en main mon avenir.

L'avocat récupère aussitôt le contrat avec un bref sourire, avant de le tendre à mon nouveau patron. Edward toussote gravement, attrape sa plume dorée et griffonne à son tour. L'homme à ma gauche se redresse aussitôt et saisit le contrat. J'ai oublié son prénom, mais je crois qu'il est le directeur technique.

POLE POSITIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant