POLE POSITION

MACLEAN - 15 POINTS

Müller a été pénalisé. Mon ingénieur de course me le confirme à l'instant alors qu'il me reste la moitié du tour. Cinq secondes en moins lui coûtera le podium. Ce qui signifie que je monterai dessus pour la première course. Certes, ce n'est pas la place que j'espérais, mais je vais devoir me contenter de la troisième position. Je ramène ma monoplace devant le panonceau 3. Je ne sors pas tout de suite de ma voiture. La frustration. Voilà ce qui anime chaque parcelle de mon corps. Je sais que j'aurais pu mieux faire. Mais j'ai aussi conscience que j'ai été pénalisée par ma bagnole. Sans une voiture performante, je ne pourrais pas soulever la coupe de champion du monde. Une brève inspiration, et je souffle lentement, cherchant à faire le vide dans mon esprit.

— Ce n'était que la première course, me rassuré-je.

— Oui, et tu as fait une belle course.

Je ne m'attendais même pas à la réponse de mon ingénieur dans l'oreillette. Je parlais pour moi-même. La seconde suivante, je relève la tête et retrouve un léger sourire. Liam et Lorenzo se jettent dans les bras l'un de l'autre, euphoriques. Malgré ma déception, je tire tout de même une satisfaction à la joie de mon meilleur ami et de Liam. Ils le méritent tous les deux. Je lève soudain mes deux mains, attrape les barres de protection et me hisse. Je m'extirpe de la monoplace tandis que j'observe Lorenzo enserrer Emy plus loin. Elle doit être au summum de sa joie elle aussi... Je détourne le regard et reporte mon attention vers mon staff. Tous agglutinés aux grillages, ils sont toutefois heureux de cette première course. Je trottine vers eux, et leur rend leur joie. Oui, nous ne sommes pas premiers, mais chaque podium a son importance. Et aujourd'hui, malgré l'abandon de mon coéquipier, je vais apporter quinze points à mon écurie. Ce n'est que la première course, alors qu'il y en a encore une vingtaine qui m'attendent. Je sais que je vais devoir me défoncer davantage avec une bagnole bancale. Mais je pose aussitôt ce début de compteur pour moi-même. Je viserai toujours le podium, car je n'ai pas le choix. Les dix premiers pilotes comptabilisent des points, certes. Mais les trois sur le podium en récupèrent le plus, autant pour eux, que pour leurs écuries. Heureusement, il y aura encore d'autres occasions tout au long de l'année. J'arriverai à passer en tête du championnat pilote. Tout peut encore arriver.

Je serre plusieurs mains, fait un nombre incalculable d'accolades, avant de souffler un bon coup et de me diriger vers la direction de course. Liam et Lorenzo déjà en place, suivis par plusieurs autres pilotes, s'avancent pour leur pesé de fin de course. Je retire mon casque. Dégoulinant de sueur, j'ôte également ma cagoule. Malgré la température, l'air devient une bénédiction pour mon visage. Je retire également mon équipement technique. Mes écouteurs sont posés sur une table à l'entrée, alors que Donatello s'avance vers moi. Le Brésilien, d'une écurie de bas de peloton me félicite. Je serre plusieurs mains de pilotes pour leurs courses. Les uns derrière les autres, je n'ai même pas le temps de venir vers Lorenzo. Je m'avance à mon tour et me pose sur la balance, espérant ne pas avoir trop perdu durant cette course. Cette pratique a été instaurée principalement pour deux raisons. L'aspect médical et technique. Les courses sont si intenses qu'un pilote perd en moyenne jusqu'à quatre kilos. Le fait de monter sur la balance m'a parfois coûté des complications. Une trop grande perte de poids équivaut à un suivi médical rigoureux les jours suivants. Cela aidera surtout mon préparateur physique et indiquera mes prochains entraînements. À cela s'ajoute la pesée de ma monoplace. Elle aussi va avoir le droit à un suivi de sa ligne. Si cette dernière est plus lourde que ce que demande le règlement, je peux être disqualifié. Toutefois, j'espère qu'au moins, les ingénieurs n'ont pas oublié cette règle.

Je scrute brièvement mon poids sous l'œil d'un agent de la FIA(1) et sourit. Trois kilos en moins. Pas trop mal. Je peux déjà savoir ce qui va m'attendre comme entraînement les prochains jours. Je récupère mon casque que j'avais posé et retrouve un peu plus loin Edward. Je m'éloigne de l'effervescence de fin de course pour le rejoindre. Le PDG carre les épaules avant de faire un pas vers moi et de me tendre la main pour une accolade.