SCUDERIA ADESSI - O POINTS

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Je transpire comme un petit cochon. La chaleur écrasante de Bahreïn finira par avoir ma peau. Ce circuit planté au beau milieu du désert est le premier grand prix de la saison. Et si j'avais su qu'il ferait si chaud, je n'aurais pas mis un jeans. À peine avoir mis les pieds sur le tarmac que j'ai eu du mal à respirer tant l'air est étouffant. En route vers le circuit, la climatisation de notre taxi n'est d'ailleurs pas suffisante.

— S'il vous plait, pouvez-vous mettre plus fort ? demandé-je à notre chauffeur.

Ce dernier jette un regard dans son rétroviseur, avant de sourire, hocher la tête et me répondre « oui » en arabe. Dans la foulée, il augmente le volume de la musique. Je lève les yeux au ciel et jette ma nuque en arrière, dépitée. Un bref ricanement sur ma droite me fait toutefois tourner la tête. Installé à côté de moi, Riccardo ne quitte pas son sourire alors que la musique résonne plus fort.

— Ce n'est pas drôle, je crève de chaud, rechigné-je.

— Il fera plus chaud sur le circuit, j'espère que tu as prévu des tenues légères.

Ce dernier arque un sourcil avec un rictus malsain.

— Pourrais-tu arrêter ça.

— Arrêter quoi ? s'agace-t-il.

— Tes allusions pourries, craché-je. Je ne suis pas ton quatre heures.

L'italien ricane faussement.

— Je n'ai pas envie de te manger, j'ai surtout envie que tu dégages.

Son franc parlé à au moins le don d'être honnête. Je soupire, excédée.

— Ouais, ça je l'ai bien compris, mais désolé, tu vas devoir faire avec moi toute la saison, alors tu ferais bien de serrer les fesses. D'autant plus que pour l'instant, tu n'as pas grand-chose à me reprocher.

Les yeux de Riccardo se plantent dans les miens. S'ensuit un jeu de regard. Nous nous dévisageons. Je ne m'étonnerai même pas si nous en venions aux mains tant l'atmosphère est empli de haine réciproque. Toutefois, Riccardo s'enfonce à nouveau dans son siège et remonte les manches de sa chemise.

— Ouais, j'avoue que ton coup était pas mal. Sans ingénieurs compétents, MacLean aura du mal à suivre la cadence. J'ai même hâte d'être à cette conférence de presse.

Je le toise, en pinçant les lèvres.

— N'espère même pas récolter les lauriers, le mis-je en garde. C'est mon fric qui a fait la différence.

— Oui, d'ailleurs c'est une idée stupide.

— Autant que de me nommer à la tête ? Notre cher père avait peut-être plus confiance en moi qu'en toi, craché-je.

Ses deux yeux ne sont plus que deux fentes.

— Nous ne sommes pas frères et sœurs, siffle-t-il entre ses dents.

— Et heureusement pour toi, réponds-je. Parce que si tu étais mon demi-frère, j'aurais moins de remords à t'arracher les yeux.

La mâchoire serrée de Riccardo m'indique qu'il aimerait certainement bien m'en coller une. Mais moi aussi j'ai bien envie de lui faire fermer son caquet, qui pour l'instant me montre à quel point mon père biologique avait plus confiance en moi qu'en lui. Riccardo n'a pas bougé le petit doigt à l'annonce de la démission de Clay. Il n'a rien fait non plus ces dernières semaines pour rattraper le tir. C'est moi qui étais dans l'usine tous les jours à suivre les progrès des ingénieurs. C'est moi encore qui ai débauché les ingénieurs de Maclean. Certes, les chèques que j'ai dû faire ont fait trembler mon banquier, mais c'était la meilleure option pour espérer rester en tête. Aucune course n'a encore démarré et pourtant avec la trahison de Clay, nous étions déjà mal engagés. J'ai juste trouvé une parade. Et j'ai aussi décidé de qui le remplacerait. Ces dernières semaines Riccardo n'a fait que critiquer mes décisions, mais il va de soi que moi, au moins, j'ai agi. Alors je commence à en avoir marre de devoir me montrer sympathique avec lui. Pourtant, je ne vais pas tenir toute l'année comme ça. C'est soit je me retrouve avec un corps à cacher après l'avoir découpé en morceaux, soit je fais la paix avec lui.

POLE POSITIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant