Chapitre 13 : Espoir et fatalité

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L'angoisse était un sentiment étrange, mais non moins puissant. Plus fort que la menace, et parfois plus intense que l'amour, la peur pouvait révéler la vraie nature des gens. Certains restaient tétanisés face à elle, d'autres trouvaient le courage de la contrer, mais d'aucun ne pouvait rester de marbre face à son emprise. Magnus Lightwood-Bane-Fell ne s'était jamais représenté comme quelqu'un d'angoissé : c'était même plutôt le contraire. Longtemps, le Grand Sorcier de Brooklyn avait vécu au jour le jour, sans jamais se soucier des lendemains. Comme beaucoup d'immortels avant lui, il s'était convaincu dans ses jeunes années que rien ni personne ne pourrait l'atteindre. Ce qui était faux, bien évidemment. Et ça, il l'avait découvert près de vingt ans plus tôt lorsqu'il avait épousé Alec. Le noiraud avait rappelé, bien qu'inconsciemment, à l'Indonésien qu'il n'était rien de plus qu'un homme, un être humain avec une longévité bien supérieure à celle des autres, mais non pas moins mortel pour autant. Ce constat s'était accentué avec l'arrivée de Max dans leur vie, suivit par celle de Rafael. L'asiatique avait fini par comprendre que la vie était précieuse, que tout pouvait basculer au moindre instant, et qu'il ne servait à rien de perdre son temps à se mettre en danger inutilement. Malgré tout, entre les différentes épreuves qu'ils avaient traversées, les ennemis, les maladies, les pertes, Magnus avait développé un fort sentiment d'anxiété presque permanent, redoutant à chaque instant la prochaine catastrophe qui leur tomberait dessus. Vingt ans en arrière, le descendant d'Asmodée aurait réagit en moins d'une seconde, cherchant par tous les moyens à se protéger et à se défendre. Mais aujourd'hui ? Aujourd'hui Magnus se retrouvait à genoux, sanglotant comme un enfant, le cœur déchirant sa poitrine alors que son fils cadet s'avançait vers lui, prêt à le tuer sans aucun remord comme s'il ne le connaissait pas. Max avançait dans sa direction sans une once d'hésitation, sa magie noire et épaisse s'échappant de ses mains comme la fumée, dangereuse et menaçante. Son esprit tournait à plein régime, une sueur glaciale coulait le long de son échine et son estomac se tordait de panique. Il allait mourir, tuer de la main d'un être qui n'était plus son enfant, mais qui en avait gardé la cauchemardesque apparence. Pire encore, il mourrait sans avoir pu sacrifier la reine avec lui et libérer Kieran. Un sanglot douloureux et déchirant lui échappa, faisant ricaner son cadet.

Cependant, l'angoisse pouvait être moteur de courage et de hardiesse. Ce fut le cas d'Alec qui, malgré ses nombreuses interrogations sur les dernières paroles de Max, sentit une vague de colère monter en lui. Personne ne pouvait s'en prendre à son mari. Personne. Alors, avant même que la magie opaque et obscure de l'immortel ait pu s'en prendre à l'Indonésien, il déploya brusquement ses ailes pour créer un effet de surprise, faisant trébucher le sorcier à la peau anthracite. Max jura en langue démoniaque alors qu'il basculait à la renverse et le noiraud profita de l'opportunité créée pour se placer devant son époux et le protéger. Malheureusement pour lui, l'efficacité de son geste fut de bien courte durée. En effet, le jeune homme s'était déjà redressé d'un bond et venait de se glisser furtivement dans son dos pour l'agripper par le col et le traîner au sol, face contre terre. Le Chasseur d'Ombre tenta de se défendre mais, avec un hurlement terrifiant et animal, Max saisit ses ailes à pleines mains et les tordit avec force pour les lui briser. Le cri que poussa le Nephilim déchira le cœur de ses proches qui ne purent, à leur grand regret, que détourner le regard de ce triste spectacle. Il avait l'impression qu'on venait de l'amputer à vif de l'un de ses membres. Son cœur battait dans sa gorge, lui donnant envie de vomir, et sa tête tournait furieusement, le sang pulsant à ses tempes comme un tambour fou. Sa respiration s'accélère dangereusement et il ne put retenir ses larmes qui dévalèrent ses joues en cascades pour venir mourir à même le sol, son visage pressé contre la terre mousseuse de la Cour des Lumières. Magnus tenta d'appeler à lui sa magie pour intervenir, mais elle refusait une nouvelle fois de lui obéir, lui rappelant sa condition de condamné par le cancer. Il fondit en larmes en appelant le nom de son mari, encore et encore, l'implorant d'utiliser sa propre magie, de se relever malgré la douleur insupportable, de tenir bon. Mais Alec n'en pouvait plus. Lui aussi était épuisé et à bout. C'était fini, Max avait gagné, la reine avait gagné. Ils avaient déjà perdu un fils, possédé par un démon, et Magnus était malade. Quel espoir leur restait-il encore, alors que la moindre étincelle de chance venait de s'éteindre ? L'Indonésien, vaincu, se laissa lui aussi tomber à terre, ses yeux plongés dans ceux de son homme. Ils ne pouvaient pas se toucher, mais au moins seraient-ils ensemble pour leurs derniers instants. Alec, lui, le regardait sans même le voir, mais sentait sa présence.

Can Love Do Magic ? {Malec Tome 11}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant