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Un sentiment de culpabilité me submergeait, m'amenant au bord de la folie. Je m'accusais de ne pas avoir résisté, de n'avoir pas trouvé la force de le stopper.

Ses abus suivaient des règles cruelles, un jeu de dés dictant le temps qu'il pouvait me faire subir. Parfois, il me forçait à boire un verre d'eau contenant un somnifère qui m'endormait rapidement, effaçant tout souvenir clair.

D'autres nuits, il n'y avait pas de dé, pas de somnifère.

C'était encore pire.

Le refuge que j'espérais trouver dans la maison modeste de mon père était devenu un théâtre d'horreur, chaque coin obscur renfermant le poids insoutenable du secret qu'elle portait.

La mémoire de ce jour triste et malheureux persistait en moi, une cicatrice émotionnelle gravée dans les recoins les plus sombres de ma conscience.

Chaque détail, chaque nuance de cette journée, semblait être figé dans le temps, comme une peinture de désespoir accrochée aux murs de ma mémoire.

C'était un jour où le ciel semblait s'assombrir, reflétant l'ombre qui s'abattait sur mon âme.

Les lourdes gouttes de pluie tombaient impitoyables du ciel, semblant pleurer avec moi en ce mois d'octobre au parfum funeste.

Je me tenais seule en ce lieu maudit, un endroit que je ne fréquentais que lors de terribles occasions, mais qui était devenu trop familier. Le cimetière s'étendait à perte de vue, un champ silencieux de sombres stèles.

Vêtue d'une robe noire, dissimulant mon visage derrière des lunettes noires, je tentais en vain de cacher les larmes qui coulaient sans répit.

Sous un parapluie funèbre, je me tenais à l'écart de la foule qui s'était rassemblée autour de la sépulture.

Je me sentais étrangère, comme si je n'étais pas vraiment de la famille.

La tombe de mon frère était là, marquée simplement de son nom, de sa date de naissance et de sa date de décès. Ces mots laconiques semblaient inadéquats pour résumer la brièveté de sa vie. Cependant, les souvenirs de son sourire, de ses rires, de nos moments complices se mêlaient à la pluie incessante, ajoutant un poids insupportable à mon chagrin.

Notre père, présent mais absent, avait succombé à une guerre lointaine, emporté par le même chagrin.

Mais aujourd'hui, c'était le tour de mon frère, du frère que j'avais perdu, de l'innocence que j'avais perdue, des années de douleur que j'avais endurées.

Les funérailles touchaient à leur fin, les paroles de condoléances des proches se mêlant au bruit assourdissant de la pluie. Chacun venait vers moi, tentant de m'offrir réconfort et compassion. Leurs mots semblaient si futiles, car ils ne pouvaient pas apaiser la douleur qui me déchirait.

- Reste forte pour ton père, Tessa.

- La vie doit continuer, pour ton bien.

- N'agis pas sous le coup de la douleur, car ton père ne supporterait pas de perdre un autre enfant.

J'acquiesçais machinalement, hochant la tête alors que mes larmes étaient noyées par la pluie et cachées derrière mes lunettes.

La vérité était tout autre.

Alors que tout le monde s'éloignait pour laisser place au deuil, je m'approchais discrètement de la tombe de mon frère.

Mon bouquet de lys blancs, maculé de son propre bain de sang, ressemblait à un bouquet funéraire parfait. Les larmes coulaient sur mon visage, et je me forçais à étouffer mes sanglots.

C'était moi qui l'avais tué.

La farce avait duré bien trop longtemps, et je refusais de jouer un rôle dans ce drame déformé. Mon masque de complaisance se fissurait, incapable de cacher plus longtemps la vérité amère qui coulait dans mes veines. C'était le moment d'agir, de rejeter le voile illusoire qui enveloppait ma réalité.

Un soir, il a osé répéter ses méfaits, et là, j'ai décidé de ne plus être une actrice docile de son sadisme dévorant.

Sous mon oreiller, j'avais dissimulé un couteau de cuisine, un instrument de justice improvisé.

Chaque coup porté à son égard était une réplique cinglante à ses horreurs, une réponse sanglante à toutes les horreurs qu'il m'avait fait subir.

Son corps, jadis un outil de terreur, était devenu une toile de ma vengeance. Les coups de couteau pleuvaient comme une pluie acide, transformant son être en une œuvre d'art macabre, jusqu'à ce que la dernière goutte de sa perversion soit éradiquée.

Mon père s'était éteint sur le champ de bataille du chagrin profond, laissant derrière lui un vide palpable.

Ma mère, quant à elle, n'était présente dans ma vie qu'à travers des nouvelles teintées de tristesse, dévoilées lors de ses séances de jeux d'argent, accompagnées du fardeau de ses dettes.

Dans son regard, je n'étais rien de plus qu'un simple distributeur d'argent, un rôle auquel j'étais condamné.

Chaque annonce de mon nom résonnait comme une mélodie morne, jouée dans l'arrière-plan des jeux d'argent, soulignant le caractère futile de mon existence aux yeux de ma mère. Ses tentatives incessantes de me soutirer de l'argent étaient comme des refrains tristes, une litanie monotone d'une relation dégradée par l'appât du gain.

Devils Lovers Où les histoires vivent. Découvrez maintenant