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Je résidais donc avec mon frère et notre père dans une modeste maison. Elle était un reflet délabré de ce que l'on aurait pu appeler un foyer.

Le mobilier, usé par le temps et le poids de secrets inavouables, était devenu le décor lugubre d'une tragédie silencieuse.

Chaque objet portait les marques de l'usure, des stigmates d'une existence en lambeaux. Les chaises, une fois réunies autour de la table familiale, semblaient maintenant être des sièges de jugement, rappelant les moments où la confiance avait été trahie.

Les couloirs, autrefois empreints d'une atmosphère chaleureuse, étaient devenus des passages étroits où la culpabilité et la honte semblaient se faufiler entre les fissures du plancher.

Mais l'ombre de mon calvaire s'était étendue jusque-là. Étant colonel militaire, il était plus souvent une figure lointaine qu'une présence paternelle. Son absence chronique était le prélude à une période sombre de ma vie.

Le fardeau de ma douleur s'aggravait à mesure que le comportement de mon frère prenait une tournure toxique et malsaine.

Dans une complicité perverse avec notre mère, il me soumettait à des abus chaque nuit, déguisant l'horreur dans le masque déformé d'un jeu secret. Les instants de terreur nocturne étaient suivis d'injonctions traumatisantes, m'incitant à perpétuer ce cycle destructeur plus tard dans ma vie.

Lui, âgé de seize ans, moi, une innocente de dix ans.

Au fil des nuits, des questionnements obsédants traversèrent mon esprit, des réminiscences d'une noirceur persistante qui continuaient de hanter mon sommeil.

Pourquoi la porte n'avait-t-elle pas émis un seul grincement, et comment avais-je négligé de la verrouiller, cette porte qui deviendra le symbole de mes cauchemars ?

Les souvenirs pénibles m'assaillaient et me détruisaient.

Pourquoi n'avais-je pas crié à l'instant où la conscience émergeait, quand ses mains osaient franchir les limites de mon intimité ?

Pourquoi n'avais-je pas opposé de résistance quand l'opportunité offrait encore une fenêtre de fuite ?

Pourquoi mes membres n'ont-ils pas trouvé la force de se débattre, de repousser l'intrusion de l'obscurité dans ma vie ?

Chaque nuit, je m'interrogeais sur le silence assourdissant qui avait enveloppé ma douleur, sur la paralysie qui m'avait clouée sur ce lit d'agonie.

Pourquoi n'avais-je pas résisté, n'avais-je pas lutté contre cette injustice qui s'était emparée de ma jeunesse ?

Les ténèbres qui hantaient mes songes m'assaillaient de questions, me poussant à revisiter ces instants où l'innocence a été dérobée. Mon cœur portait le poids des regrets, et chaque battement résonnait comme un reproche, une supplique silencieuse pour un passé qui refuse de se taire.

Au fil des heures qui ont suivi, étendue là, mon corps était une toile de douleur, la marque indélébile de ces nuit d'horreurs. Mes yeux, trop lourds pour trouver le réconfort du sommeil, erraient dans l'obscurité, fixés sur les ombres dansantes qui semblaient revivre le cauchemar.

Les images indésirables se bousculaient, des mains intrusives, des limites transgressées. Je sentais encore la moiteur collante des draps, comme une empreinte persistante de l'infamie qui s'était déroulée là. Un feu dévorant irradiait de mes cuisses, une douleur incommensurable qui me plongeait dans l'agonie.

Puis vint le silence, seulement troublé par le battement irrégulier de mon cœur, un tambourinement chaotique qui résonnait dans l'obscurité oppressante de la chambre. Mon souffle s'accélérait, une symphonie discordante de panique. Mes doigts erraient sur ma peau, cherchant la réalité tangible, une confirmation que tout cela n'était qu'un cauchemar.

Soudain, les larmes jaillirent, des larmes qui semblaient s'extraire du plus profond de mon être, débordant comme un torrent incontrôlable comme si chaque goutte pouvait emporter avec elle la douleur qui me consumait.

Mes pleurs résonnaient dans l'air étouffant de la pièce, une symphonie désespérée. Et puis, l'impensable se produisit : mes pleurs devinrent écarlates, une teinte sombre et visqueuse qui marquait l'ampleur de ma douleur.

Dans le silence qui suivit, je me laissai envahir par un vide déchirant. Mes membres tremblaient de terreur, la réalité s'effondrant sur moi comme une pluie de débris. La porte, autrefois anodine, était désormais une barrière poreuse entre moi et l'horreur insoutenable.

Pourquoi n'avais-je pas trouvé la voix pour dire non, pour m'opposer à cette atrocité déguisée en confiance familiale ?

Je cherchais désespérément à me convaincre que c'était un rêve, une illusion grotesque.

Pourquoi, une question sans réponses, imprégnait chaque pensée, chaque souffle volé par l'ombre de ce frère qui était supposé être protecteur ?

Je m'enfermais dans une quête éperdue de justification, cherchant des réponses dans les coins sombres de mon esprit torturé.

Dans cette danse macabre entre la nuit et le jour, je cherchais désespérément les mots, les justifications qui me permettraient de comprendre pourquoi je n'avais pas été plus forte.

Pourquoi la voix du refus s'était-elle tue dans ma gorge, une question qui continue de me hanter, me poursuivant dans les interstices de ma mémoire défaillante.

Dans le miroir, je scrutais un visage dont l'innocence avait été dérobée, et je me perdais dans un labyrinthe de "pourquoi" sans fin, où chaque réponse semblait se dérober à mes doigts.

Pourquoi moi, une question qui résonnait au-delà des cicatrices, au-delà de l'obscurité, un écho douloureux d'une tragédie personnelle.

Je m'accrochais à l'espoir fragile que la quête de réponses finirait par me libérer de ce fardeau intolérable, m'offrant la clarté dont mon cœur avait désespérément besoin.

- Je n'en peux plus.

Les mots résonnaient dans le silence de ma détresse, une confession murmurée à l'univers indifférent. Chaque soupir était une supplication muette pour la cessation de cette souffrance. Mes forces s'amenuisaient, épuisées par une lutte quotidienne contre une douleur qui semblait ne jamais prendre fin.

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