1. Passer un entretient

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Jane

Dans un vieux préfabriqué au bord du désert du Nevada. Octobre 2022, un mercredi matin :

-- Enfiles ça, aboie Lyroïd. Essaie de ressembler à quelque chose au moins et ne me fais pas honte !

Je lui prends la robe des mains qu'il me tend sans rien dire. Je ne parle pas, en fait je ne parle plus depuis des années. Je n'ai jamais pu dire non ou manifester mon désaccord alors j'ai préféré ne plus prononcer un mot. Ce qui avait tout de suite plu à mon détenteur lorsque j'avais pris cette décision. Il peut me faire faire ce qu'il veut sans que je ne dise rien, se sont ses clients qui sont contents.

-- On part dans dix minutes alors dépêche-toi.

Je hoche la tête et me dirige vers la miteuse salle de bain que je partage avec les autres filles qui habitent dans cette bicoque pourrie. Il me barre la route en affichant un sourire salace.

Ce sourire je le connais par cœur, il a certainement envie de profiter de moi une dernière fois. Je m'arrête et baisse les yeux sur le lino taché en attendant de voir quel sort il me réserve.

-- Changes toi ici ! claque-t-il. N'aies pas peur je ne vais pas te toucher, nous n'avons plus le temps pour ça, mais je vais te reluquer en me branlant. Alors grouilles toi de te foutre à poil !

Je m'exécute. Je sais que si je n'obtempère pas, il finira par faire bien plus que de se branler en me regardant. Je déglutis difficilement en enlevant mon pantalon, puis j'enlève mon pull. Il a déjà baissé sa braguette, il agite devant moi son sexe hideux qu'il astique rapidement.

Je fixe le sol en enlevant ma culotte ainsi que mon t-shirt. Je ne porte pas de soutien-gorge, ma petite poitrine n'en a jamais vraiment eu besoin. Et personne ne m'a jamais donné les moyens d'investir dans des sous-vêtements, ni même dans des habits dignes de ce nom.

-- Attends avant de mettre la robe, je n'ai pas fini, m'ordonne-t-il en haletant.

J'attends patiemment sans bouger. Je sens des larmes montées, je les réprime. Je sais que si je pleure, il me frappera. Je m'imagine un endroit où il n'y aurait personne, surtout pas d'hommes.

C'est ce que j'ai appris de Nina, la fille avec qui je partage une chambre depuis deux ans maintenant. Quand elle a un client qu'elle trouve rebutant, elle imagine un super endroit en attendant qu'il finisse sa petite affaire.

-- C'est bon, tu peux t'habiller ! reprend-t-il alors que mon esprit est déjà parti sur cette petite barque qui flotte au bord de l'eau.

Il arrive rapidement vers moi. Il attrape mon bras pour me secouer en m'hurlant dessus.

-- Tu m'entends demeurée, vas t'habiller !

Je me reprends, je file à toute allure dans la salle de bain. Je passe cette robe en quatrième vitesse ainsi qu'une culotte propre. Je me regarde dans le miroir, j'ai une tête horrible, un corps horrible.

Je suis dégueulasse, je me dégoûte, ils ont laissé leurs empruntes sur moi. Je n'ai pas le temps de m'autoflageller mentalement que des coups résonnent dans la porte, ce qui me fait sursauter, c'est Lyroïd.

-- Tu te dépêches, on n'a pas toute la journée, crie-t-il. J'ai autre chose à foutre que d'escorter une pute.

Je m'attache les cheveux à la va vite en queue de cheval avec un élastique avant d'attraper mon sac que j'ai préparé ce matin. C'est un sac poubelle que j'ai rempli avec mes affaires personnelles. Il contient : deux livres, un jean, quatre culottes, deux t-shirts et un pull. Voilà tout ce que je possède, ni plus, ni moins.

JaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant