Chapitre 4

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Il était déjà 8h et le temps passait. J'attendais donc avec impatience que Maxence s'assoit et face entrer les deux pauvres candidats qui attendait dehors sous le givre. Si cela avait été ma décision, ils seraient déjà là mais je n'y pouvais rien. Il paraissait que souffrir faisait aussi partie du métier et qu'il fallait, pour ce titre, une ténacité à toute épreuve. C'est ainsi que se sentant peu concerné par la douleur qu'il provoquait chez les autres, cet énergumène que j'avais pris pour fiancé se contentait de faire les cents pas pour se réchauffer. Cependant, je me demandais tout le long de cette mascarade si là où nous étions était le meilleur endroit.

À l'intérieur, l'ambiance était lugubre, et entre quelques reflets bleutés, des outils métalliques, tels que des clés à Mollettes, des pinces coupantes et encore des marteaux, agrémentaient les murs de béton. L'odeur, de son côté, imprégnait mes narines, tellement, que je pouvais presque deviner le goût de l'essence sur ma langue. La poussière, quant à elle, me piquait la peau et je commençais instantanément à me gratter le bras sans pouvoir m'arrêter.

Alors, pour me changer les idées, je parcourais les autres recoins du plafond, mais sans succès. En soi, je pensais naïvement que nous serions mieux loti dans le sous-sol, mais cela n'était guère plus supportable. Je souhaitais, par conséquent, que tout se passe le plus rapidement possible et que cette parenthèse devienne de l'histoire ancienne. Maxence, lui, s'activait. Je le voyais s'installer sur une chaise bancale et grinçante située tout juste à côté de moi. Il se tenait droit comme un chevalier bravant la guerre, mais je savais au fond qu'il était désespéré, et qu'il faisait tout pour montrer une assurance infaillible. Il était vraiment pressé et ne tarda plus à le faire sentir.

- Vous pouvez entrer ! clama-t-il d'une voix presque éteinte

Le premier compétiteur entra dans la salle. Il était grand et corpulent, avec muscles herculéens. Il avait la peau basanée, les yeux gris clair, et les cheveux d'un blond décoloré.  Un véritable athlète taillé sur mesure... Une de ses oreilles était même percée, et enjolivée d'une croix en argent. Bien que cela était presque trop pour moi, ceci semblait assez pour Maxence qui affichait un sourire rassuré.

Il s'appelait Issan. Je pouvais le voir sur la fiche que Maxence tenait dans ces mains. Quant à l'autre compétiteur, il était plutôt longiligne et chétif. La peau blanche et les cheveux bruns avec des dreads. Il s'appelait Noah. Maxence débuta rapidement l'entretien avec nonchalance et une guitare à la main qu'il tambourina en faisant parcourir ses doigts sur la table d'harmonie.

- Qu'est-ce qui te pousse à venir jusqu'à moi ?

- La curiosité. répondit Issan la voix rauque.

Issan, visiblement bilingue, restait imperturbable. Maxence ne pouvait pas s'empêcher de vouloir continuer son aparté, il paraissait déjà l'apprécier, alors qu'il n'avait sorti que deux mots.

- As-tu déjà fait ce métier ?

- Non.

Maxence posa soudain son instrument et se mit à pouffer. Puis, amusé par la situation, il lui posa une dernière question. Une question qui suscita chez moi, un brin de frayeur.

- Serais-tu prêt à mourir pour moi ?

Issan, toujours imperturbable, resta silencieux et enchaîna.

- Je suis déjà un homme mort.

Maxence afficha un large rictus, et demanda à ce qu'Issan s'avance sur la scène, et d'enlever sa chemise. Ce qu'il fit sans même rechigner. C'est ainsi qu'il ôta chacun des boutons cousus sur le tissu de soie, jusqu'à ce que son torse, son nombril, et son abdomen soit dénudé, et que chacun de ses pectoraux soit ostensible. J'essayais de tourner les yeux, mais mon instinct en décida autrement. Mon regard resta collé à sa peau, et je tentai de déchiffrer les drôles de hiéroglyphes qui étaient gravés dans les crevasses de son épiderme, surtout ceux qui se prolongeaient au-delà de ses épaules, dont ses biceps et poignets.

Un Chanteur à New YorkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant