Chapitre 6

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Les festivaliers commencèrent à marmonner dans un chaos intempestif. Ils s'agitaient les uns après les autres et demandèrent à quitter les lieux. Je paniquais à l'idée qu'ils s'éclipsent avant que l'on puisse arranger la situation et je n'étais pas la seule. Les artistes qui étaient restés sur le plateau tentaient de sauver la situation en allumant leur briquet et en entamant deux trois notes a capella sur les planches, mais l'odeur insupportable de chauffe n'aidait pas. Maintes ampoules avaient éclatées, laissant des débris de verre effilés sur la scène ainsi qu'une affluence de fils carbonisés qui parcouraient l'air jusqu'aux narines de chaque noctambule. Un vent de panique prenait tout le monde de court. Tout tournait plutôt mal.

De mon côté, malgré la lueur diffuse de la lune, je tentais d'allumer la petite lampe de mon téléphone portable. Cela était vain, car la coque étant trop abîmée, le flash éclairait que d'une faible intensité. Issan lui s'était évaporé, et je ne pouvais naturellement pas le joindre pour lui demander de rester auprès des musiciens. Cependant, je ne perdais pas espoir, je n'allais pas tout abandonner maintenant !

D'un pas décidé, je me rapprochai donc de la sortie à pas légers et demandai aux organisateurs d'être guidée vers le compteur électrique, le plus vite possible. Foncièrement, ils s'y opposèrent, sous prétexte que cela était trop dangereux, que la pluie avait inondé le terrain et que la boue était semblable à celle d'un vieux marécage. Je réalisai alors qu'il n'y avait rien que je puisse faire ; mais étant donné que je voulais rapidement régler le problème, je fis comme si je les avais écoutés et m'éloignais jusqu'à disparaître de leur champ de vision. Je poursuivis donc ma quête et fini par m'engouffrer dans une petite ouverture située entre deux anciennes bâches croulantes et croupies par les embouts en ferraille.

- Qu'est-ce que vous faites ? me fit une voix dont je reconnus le timbre suave et étranger.

- Je m'enfuis !

- Plus sérieusement.

- C'est Maxence qui t'envoie ?

Je me suis retournée, étonnée de voir Issan, avec sa torche, me fixer comme si je ne devais pas être là.

- Non. me répondit-il

- Pourquoi êtes-vous là ?

- Je veux vous aider.

- C'est moi qui suis censée vous diriger.

- Et c'est moi qui suis censé vous protéger !

- Je me débrouille bien, merci. marmonnai-je à demi-mots.

- Avec une lampe qui n'éclaire pas ?

- Vous devriez retourner voir vos collègues.

- Ils n'ont pas besoin de moi.

- Puisque vous le dites...

Tandis que je m'engloutis dans la pénombre, Issan m'éclaira le chemin. Les herbes étaient flasques et l'argile vaseuse. Ce qui me poussa à soulever la longue veste gris clair et à enlever mes chaussures noires à talons. Je ne croyais toujours pas à ce que j'étais en train de faire. Je pénétrai donc la zone en opérant de grandes enjambées, espérant ne pas sombrer, mais à chaque pas que je faisais, je m'enfonçais toujours un peu plus dans cette pâte putride et visqueuse. Ceci étant, je m'essoufflais à chaque effort, mais accélérais tout de même le pas pour qu'on ne nous remarque pas.

Une fois arrivée devant le compteur, j'empoignai un morceau de bois et tentai de forcer l'échancrure qui laisser apparaître le tableau de fusibles, mais la fragilité de cette brindille se transformait aussi en obstacle. Elle devenait plus frêle à chaque frottement qu'elle faisait contre la paroi et se brisa aussi rapidement qu'une allumette. J'affublai alors cette boîte de plastique d'un coup de poing et arrachai la lampe d'Issan pour briser la fermeture, mais je fus arrêté dans mon élan.

Un Chanteur à New YorkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant