Le ciel, lui aussi, crachait son mécontentement. Les quelques gouttes qui semblaient pourtant s'amenuiser s'étaient soudainement transformées en torrent démentiel. Certaines s'écrasèrent sur mes paupières, tandis que d'autres sur mes joues et mes lèvres crevassées. Mon corps, quant à lui, était douloureusement gelé. Mes doigts ainsi que mes ongles devinrent bleus et violets, tellement foncés, que je ne pouvais plus les mouvoir.
Quant à mes vêtements, ce fut la même catastrophe. Ma longue robe crème, ma veste, et mes dessous furent trempés à leur tour, et cela, autant que si j'avais plongé dans le lac Jacqueline Kennedy de Central Park situé à trois pâtés d'immeubles. Croyez-moi, j'étais gênée... Le tissu blanc mouillé laissait apparaître les courbes de mes hanches, la rondeur de mes seins et la pointe de mes tétons ; et bien que j'essayasse de me couvrir grâce à mon sac et de marcher à grands pas, les passants continuèrent à me dévisager, comme ils dévisageraient un revenant. J'avais d'ailleurs échappé de peu au remake d'une scène de Cendrillon dont je passerais les détails.
Je ne pouvais plus me retenir de rougir. Je sentais ma peau devenir brûlante malgré le fait qu'elle ait été refroidie par la pluie. J'avais honte et ne savais plus sur quel chemin me diriger. Cette ville était décidément trop grande pour une fille comme moi, et je ne m'y faisais toujours pas. J'essayais donc de trouver un endroit, qu'il soit simple ou vétuste. Un endroit où je pourrais au moins me glisser pour échapper au cataclysme saisonnier, même si je sais que le vent aurait pour autant l'envie de me suivre. Comme attendue, ce souhait fut vain, car la brume qui s'échappait du sol goudronné avaient également décider de barrer le chemin... Les immeubles aux larges vitres se transformaient soudainement en de lointains blocs difformes.
Perdue et paniquée, je tentais alors de poursuivre ma route sur la chaussée glissante et de composer le numéro de Maxence. Numéro, qui soudainement mit un certain temps avant d'apparaître sur mon écran. Il faut dire que la pluie avait inondé tout l'écran et que celui-ci n'était plus sensible ni aux tapements intempestifs, ni aux douces caresses.
J'appelais une première fois, attendant quelques secondes jusqu'à ce que le signal sonore ne se déclenche et que la messagerie de son téléphone s'active. Cependant, lorsque j'entendis sa voix, je restais accrochée à elle, sans même pouvoir sortir un mot, car ma gorge devenait tout à coup rugueuse et ma langue acide.
C'est alors que je décidais de raccrocher, puis, d'appeler une deuxième et une troisième fois, mais celui-ci ne décrochait toujours pas. Le silence m'accompagnait une fois de plus au bout du fil, et l'angoisse ne faisait que monter jusqu'à ce que ma poitrine ne se comprime et cela au point d'étouffer.
Le vent, de son côté, commençait à siffler et à souffler de plus en plus fort et des lattes en caoutchouc claquait contre des barres en fer. J'approchais alors une dernière fois le téléphone jusqu'au creux de mon oreille, espérant au moins entendre un bref chuchotement, mais un coup brutal fusela sur mon épaule et le téléphone se fracassa sur le sol. Rapidement, des fissures se faufilèrent à l'intérieur de l'écran et le rendirent quasiment inutilisable. Je l'essuie ensuite avec un vieux mouchoir, tout en étant accroupie sur le trottoir, puis me mit à courir en criant après une forte silhouette masculine aux muscles saillants et aux tatouages indélébiles.
Naturellement, celui-ci ne se retourna point, et préféra m'ignorer de la même manière que Maxence pourrait le faire, mais je ne me laissais pas déstabiliser et continuai de m'égosiller après ce drôle d'énergumène à capuche. Bien qu'il me semblât impossible qu'il ne se retourne pas, je poursuivais mon insolence. Je lui attrapais alors le bras, le regard rempli de rage, et le tira vers moi, comme un chien assoiffé de sang. Aussi étonnant que cela puisse paraître, celui-ci continua sa lancée sans même se retourner, pensant sans doute croiser une folle de plus sur son chemin.
Remplie de colère, je me dirigeai vers le premier bac de fleurs qui traînait prêt de grandes enseignes, et malaxais une boule de boue gluante que je le lui balançai sans réfléchir en visant l'omoplate. J'étais tellement maladroite, que celle-ci atterrit sans succès sur le parvis. Je décidais donc d'abandonner cette infortune et l'envie me prit de rentrer dans le grand bar aux belles peintures foncées et luisantes, devant lequel je venais de m'arrêter.
Je me posais prêt de la grande porte vitrée, regardais mes mains pleines de terre aux reflets carbones et décidais, car je suis souvent éprise des meilleures idées possibles, de m'essuyer les mains sur ma robe de coton. Je commençais sérieusement à m'en vouloir pour cette altercation, et je compris rapidement que cela n'allait pas être mon dernier regret.
Pour pouvoir calmer mes nerfs, je pris donc une longue inspiration, et j'entrais comme si de rien n'était, tout en me dirigeant vers la table du fond où je vis Maxence lymphatique. Étrangement, il était seul à sa table... Enfin, il était même seul dans toute la salle. Son garde du corps était aux abonnés absents, mais fort heureusement, aucun badaud n'était dans ce bar, et aucun journaliste ne semblait avoir vu Maxence affalé comme un oiseau mort sur la chaise.
Je pensais me sortir d'affaire rapidement ou même avoir de l'aide de la part de l'établissement, mais un des employés qui nettoyaient les tables aux chiffons me demanda d'une voix roque deux choses : de rapidement de quitter les lieux et d'emporter avec moi ce "déchet ambulant". Il me demanda également de le remercier de ne pas l'avoir mis dehors et que sa patience avait dépassé toute celle qu'il avait connue jusqu'ici, mais je le comprenais, car il n'était pas le seul.
Comme j'aurais pu me douter, Maxence avait bu, une bonne dizaine de verres, et son haleine empestait le mélange de Ponch, Whisky et de Jean. Le faire se lever, relever donc d'un exploit surhumain, mais je n'avais plus le choix. Je pris alors mon courage à deux mains, lui glissai son bras sur mon épaule, puis le trainai avec peine tout le long du chemin, et ceux jusqu'à ce qu'il s'évanouisse devant l'hôtel.
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Un Chanteur à New York
RomanceLola, 29 ans, doit suivre son fiancé dans une autre contrée contre son gré. Étoile montante en Europe, ce dernier ne désire qu'une seule chose : conquérir l'Amérique et par conséquent sauver sa petite sœur d'une grave maladie. C'est ainsi que notre...