Chapitre 1

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Il était très tôt ce matin-là, à l'hôtel Solstice Johnson Gard, et la lumière commençait déjà à percer les grandes baies vitrées de la suite dans laquelle je dormais depuis une semaine. Celles-ci plongeaient sur une vue qui donnait directement sur la ville de New York et de ses immenses immeubles aux couleurs miroitantes.

Ce faisceau lumineux, je le voyais naître entre les nuages rouges et dorés, en train de se faufiler sur les carreaux de chaque édifice, puis cavaler pour venir éclairer ma chevelure blond cendré, d'un éclat sanguinolent. Je me réveillais alors dans les draps blancs et glacés, immaculés par les rayons du soleil, engourdie et tremblante, oubliant les raisons mêmes qui m'avaient poussé à venir jusqu'ici.

Maxence m'avait, il faut bien le dire, encore laissée seule cette nuit... Mais je m'y étais habituée. Tellement habituée que je n'arrivais plus à me souvenir de la dernière fois où nous avons partagé la même couverture, et plus je cherchais dans mes souvenirs, plus j'avais la sensation qu'il n'avait jamais existé. Il avait disparu de ma vie comme un amant en peine le ferait et mon corps était tout simplement en train d'y effacer sa trace. Je ne me souvenais ni de la texture de ses doigts, ni de l'odeur de sa peau. Même son sourire était devenu une énigme. Le vide avait définitivement remplacé son absence.

Je tournais alors dans mon lit, frénétiquement, espérant trouver à nouveau le sommeil. Lorsque je crus enfin pouvoir me laisser emporter par le chant mélancolique de Morphée, mes yeux s'arrêtèrent sur une étrange enveloppe blanche abandonnée sur la table de chevet. Celle-ci était restée entre ouverte, légèrement froissée au niveau de l'entête et indiquait que la colle n'avait pas été humidifiée par son propriétaire. Il n'y avait rien d'écrit sur l'enveloppe, ce qui me poussa naturellement à ouvrir délicatement l'encoche de ce vieux morceau de papier, tout en restant avachie sur le sommier.

Celui-ci puait la poussière et une grosse somme y avait été déposée. Je ne voyais qu'une série de billets de 20, 50, 100 dollars, au point que je me demandais quelle était vraiment la somme que Maxence avait vraiment retirée et j'en étais profondément chamboulée. Sur quel compte avait-il récupéré tout cet argent ? Rien de ce qu'il faisait ces derniers jours ne me rassurait réellement. J'espérais que c'était pour une bonne raison, mais mon instinct doutait de lui comme il douterait d'un étranger.

Je m'assis alors avec stupeur et pris mon téléphone pour lui envoyer un message, mais je fus rapidement devancée par sa requête. D'une traite, il m'expliquait que je devais rejoindre la boutique de luxe, Sylver and Gold, située dans la rue adjacente de l'hôtel. Son texte était relativement court et je pouvais deviner qu'il ne voulait aucune question de ma part.

Je descendis alors les marches en marbre du palace dans lequel j'avais passé la nuit, avant de traverser le hall, dont le tapis et les lustres cristallins se fondaient dans tout le décor. Enfin, je rejoignis l'entrée. Sans perdre une minute, je propulsais la porte, sortis et me précipitais jusqu'à ce que la brume matinale me caresse tout le corps dans un frisson de fraîcheur.

J'avais soudainement envie de goûter la douceur humide de la rosée extirpée par les premiers faisceaux de chaleur. Car, bien qu'elle se mélangeât aux odeurs succinctes de pots d'échappements ainsi que des quelques enseignes de restaurant aux burgers frites, j'arrivais à distinguer, avec clarté, la couleur de ces petites perles d'eau entre mes narines. Je marchais donc, pas à pas, guidée par mon instinct, sans même me rendre compte de la direction que je prenais...

Je traversais alors des rues sans crier gare dans un silence pesant où un léger bruit de fond mécanique avaient toutefois glissé entre les murs et je m'étais retrouvée par chance devant une devanture ; dont certaines lettres avaient malencontreusement rouillé. Ce qui me laissait croire que je m'étais trompée de direction ou que le propriétaire avait un goût prononcé pour la nostalgie et l'Antiquité ; car malgré la richesse du quartier, certains s'étaient laissés aller à une créativité qui demandait que très peu d'investissements. Fort heureusement, j'avais décidé que rien ne m'arrêterait, et je continuais jusqu'à ce qu'enfin, je sois sûre d'avoir trouvé la bonne voie.

Une fois dans le magasin, car je l'avais enfin trouvé, je ne pouvais m'empêcher de regarder longuement les bagues disposées autour du comptoir. Elles étaient rangées de manière verticale, avec une minutie et parcimonie sans nom. J'en profitais pour décortiquer chaque reliure et pierre incrustée dans le bijou ; et tentais d'oublier par la même occasion toutes les promesses de cet homme dont les paroles me revenaient comme un couteau planté dans une plaie acide et dont le sang en aurait rouillé la pointe. J'essayais de cacher, ces larmes, et fit comme ci de rien était. J'étais tellement forte à cet exercice que la jeune vendeuse qui se tenait devant moi était persuadée que je n'étais venue que pour ces belles perles.

— May I help you ? (Puis-je vous aider ?)

Troublée, je restais silencieuse un moment avant de lui tendre l'enveloppe et le nom de celui avec lequel j'étais censée vivre. Puis, je la regardais comme si tout ceci ne me concernait pas.

— Oh Max ! He came Yesterday night ! I'm going to give your present, just wait a moment please. (Oh Max ! Il est venu hier soir ! Je vais vous donner votre présent, attendez juste un moment s'il vous plaît)

Elle partit soudainement dans l'arrière-boutique située en contrebas, les talons claquants sur l'escalier en pin avant de revenir vers moi, le bras tendu et le paquet délicatement ficelé.

— Et voilà ! ajoute-t-elle avec un accent approximatif. I hope he will like it. (J'espère qu'il aimera.)

Je l'espère aussi. Enfin, tout du moins pour lui. Pointilleux comme il est...

C'est ce que j'avais envie de répondre, mais je m'abstins rapidement et préférais disparaitre sans ajouter ne serait-ce qu'un mot de plus à cette conversation. Je me demandais ce qu'il avait encore pu commander... Et, bien que quelques gouttes de pluies commençaient à s'étreindre sur la vitre, l'envie de quitter la salle se fit aussi rapide qu'une bourrasque fraîchement arrivée.

Un Chanteur à New YorkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant