7 décembre

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" Les traditions de Noël sont comme des ancres qui nous ramènent chaque année à la chaleur de notre histoire familiale. "


Je crois que j'ai marqué des points auprès de mon match.

C'est avec cette certitude que je me lève ce matin.

Comme je l'avais pressenti, ma carte virtuelle a fait son petit effet. Mais rien en comparaison des vœux qui l'accompagnaient.

Et quand celle de Maxexeplorer m'est parvenue, les quelques mots qui l'ornaient étaient on ne peut plus clairs :

"Que ton humour trouve sa moitié, car homme qui rit... dans tes bras s'épanouit"

Je ne peux m'empêcher de sourire à nouveau. Sa carte ne ressemblait pas à grand-chose, mais il a visé dans le mille avec son côté poète : il n'est pas pour me déplaire, bien au contraire. Je ne sais pas si j'irai jusqu'au bout du challenge, mais, quoi qu'il en soit, j'envisage de plus en plus une rencontre IRL. Il semblerait que la stratégie mise en place par l'application soit efficace et j'en suis la première surprise. Le mystère derrière le pseudo arrive à m'émoustiller, alors que je suis plutôt vent debout contre le principe même de faire connaissance via un écran de téléphone.

D'ailleurs, celui-ci m'alerte à l'instant que LoveTrip me lance le prochain défi :

"partager une de vos traditions de Noël préférées."

Je tente de me remémorer un souvenir d'enfance. Pendant de longues minutes, je remonte le fil de mes pensées, à la recherche d'un moment convivial autour du sapin. Mais rien. Le néant. Sécurité financière ne veut pas dire affective, loin de là. Et bien que le personnel de maison ait toujours eu à cœur de garnir nos intérieurs de façon chaleureuse, il m'a sans doute manqué de ce que seuls mes parents pouvaient m'offrir : le cocon de leur bras, la tendresse de leur soutien.

Si la télévision m'était inaccessible la plupart du temps, j'entends encore mon père marmonner du André Malraux : " La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert ", Noël était l'une des exceptions à la règle. Le soir du réveillon, en attendant que nous soyons réunis pour dîner, j'avais la permission de regarder un film, dans le second salon de réception – le principal étant réquisitionné pour le repas en famille.

Attristée par ce constat, je cherche un GIF rigolo pour me remonter le moral et illustrer ma réponse au défi. Rapidement, je trouve l'image d'une vieille comédie romantique de Noël et l'envoie à mon match avec la phrase suivante :

"Quand est-ce qu'on partage un plaid devant cet incontournable des fêtes de fin d'années ?"


***


— Alors, comme ça, Maxence c'est breton ?

Après plusieurs tentatives en tant qu'agent matrimonial, Églantine est parvenue à me caser un rendez-vous avec sa mère.

En tant normal, j'aurais apprécié boire un verre avec une femme aussi cultivée que jolie telle que cette Josepha, mais ce date arrangé par une gamine de six ans ne m'emballe pas plus que ça. À la rigueur, un dîner avec la mystérieuse inconnue du parking aurait été plus animé. Pourtant, cette idée ne me passionne pas non plus.

À vrai dire, mes pensées sont toutes à ma Bredele depuis que j'ai reçu sa carte de vœux. Elle a clairement plus de talent que moi dans le domaine, et son message m'a surtout fait mourir de rire. À croire qu'elle est venue fouiller dans ma collection de pulls de Noël !

— Maxence ? répète Josepha. C'est breton, c'est bien ce que tu m'as dit ?

— Oui... enfin, non. Mes parents sont parisiens. Ils ont quitté la capitale pour Brest lorsque j'avais trois ans.

La brune repart dans un monologue que je n'écoute que d'une oreille, tandis que j'observe la fillette jouer avec sa poupée sur un tapis. Soudain, mon téléphone vibre sur le bar. Une notification de LoveTrip !

Le temps s'arrête.

Mon cœur palpite.

C'est dingue qu'un message me fasse autant d'effet. J'ouvre l'enveloppe... une soirée avec elle sous un plaid ?

Mes joues s'échauffent.

Mon bas-ventre aussi.

Les mains moites, je range mon portable dans ma poche en cherchant déjà quoi lui répondre.

— Une mauvaise nouvelle ? s'inquiète mon interlocutrice.

Saperlotte ! Je l'avais presque oubliée. Et elle, je lui réponds quoi ?

— Rien de grave, mais je dois y aller. J'ai été ravi de faire ta connaissance, bafouillé-je en réglant l'addition. Bon retour à Toulouse !

Je me précipite vers la porte lorsque sa voix s'élève dans la salle.

— C'est Marseille !

— Merci, à toi aussi.

Je réplique, mais je n'écoutais plus. Je saute sur mon vélo comme un cow-boy sur son destrier et ne pense qu'à la discussion qui m'attend.

C'est le bordel à l'intérieur de Sibylle. Mes fringues traînent partout, la vaisselle est sale... une séance de ménage s'impose, seulement il y a nettement plus urgent à l'heure actuelle. Je relis la dernière bulle pour être sûr de ne pas avoir rêvé, puis tape sur mon clavier.

" Tu m'invites si tôt sous ta couette ? Je ne suis pas un homme facile, tu sais. "

La réaction ne se fait pas prier et cela m'amuse beaucoup :

" OMG ! Non !!! C'était par rapport au défi, regarder un film sous un plaid avec un chocolat chaud... Enfin, ne te fais pas d'idées quoi XD "

" Avec des guimauves, le chocolat chaud ? "

" Y'a-t-il une autre façon de le déguster ? "

Elle est parfaite. Je crois que je suis amoureux !

" Dans ce cas, j'accepte l'invitation :D "

" Seulement si tu apportes tes cookies pour tremper dans le lait. "

" Cookies pour Bredele, c'est noté. Et je m'arrête au KFC avant d'arriver. "

" ??? "

" Une anecdote que je tiens d'un voyage au Japon, il y a quelques années. Une de leur tradition est de se réunir devant un feuilleton et de partager un seau de poulet du KFC (l'enseigne est très importante) en famille pour leur repas de Noël. Depuis, chaque fête loin de ma famille, je mate la télé en grignotant des pilons épicés. "

" Originale comme coutume ! Je raffole de leurs onions rings ;) "

Jackpot, mon Maxou ! T'as même droit au clin d'œil !

C'est le moment de conclure en beauté. Pour ça, il faut s'imposer sans qu'elle se sente obligée, mais sans vraiment lui laisser d'échappatoire.

" Alors, c'est décidé, si on se supporte jusqu'au dernier défi, on reste l'après-midi de Noël devant la télé, un seau rempli de poulet pimenté et des cookies à en frôler l'indigestion. Je doute que tu aies prévu un meilleur programme, tu ne peux qu'accepter. "

Et je sais de quoi je parle, j'ai sorti l'artillerie lourde sur ce coup !

" J'avoue que c'est une proposition alléchante. Difficile de refuser ;) "

Je crois bien que j'ai un rencard.

Si Sibylle n'était pas si basse de plafond, je sauterais sur mon lit, comme un gosse le jour des grandes vacances.


Noël en terre inconnueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant