22 décembre

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"Enveloppe-toi de glamour et de promesses, car la tenue du réveillon est le prélude étincelant d'un nouveau départ "


Un désastre.

Cette soirée était tout simplement un désastre.

Le guet-apens échafaudé par Estelle et Aurore pour m'imposer un face-à-face avec Ludivine n'a pas du tout eu l'effet escompté. Je dois reconnaître que c'était bien pensé, une balade en bateau d'un romantisme parfait.

La nuit est claire, nous longeons le quai des bateliers tandis que l'animateur en costume de lutin commence à raconter les origines de Noël :

— Nous sommes le 1er décembre 1570 et, suite à la réforme protestante, il est décrété que la distribution de cadeaux ne devait plus être effectuée par Saint-Nicolas, mais par le Christ en personne, afin de célébrer sa naissance. Le Klausemärik se transforme cette année-là en Christkindelsmärik, qui s'apprête à ouvrir ses portes. Imaginez les marchands de poupées et de jouets divers qui font rêver les enfants, des ciriers proposant chandelles et cierges de toutes tailles, des vendeurs de pain d'épices et de sucreries qui embaument la grand-place...

J'écoute le guide d'une oreille peu attentive, trop perturbé par la présence de Ludivine à bord. Elle me tourne le dos et observe les maisons à colombages qui longent l'ILL, accoudée à la balustrade. Estelle et ma sœur, côté proue, me font signe de la rejoindre, aussi discrètes que des mouettes qui survolent un chalutier.

Poussé par une force intérieure – et surtout par le besoin de clore le bec des deux piafs en quête de miettes à picorer –, je m'avance vers la poupe et m'appuie sur la rambarde sans savoir quoi dire. Ludivine serre les dents, la tension est palpable. Je ferme les yeux pour trouver le courage de me lancer.

Soudain elle pivote, son regard émeraude qui me sourit, ses bras qui m'enlacent, ses lèvres qui se posent sur les miennes, son goût sucré, son parfum fleuri...

— Je suis désolée, Max, mais je n'ai aucune envie de te voir pour l'instant.

Je rouvre les yeux. Mon rêve s'envole et la réalité me fait l'effet d'une douche froide sous haute pression.

— Peut-être plus tard, continue-t-elle. Mais j'en ai pas le courage aujourd'hui. C'était une mauvaise idée de vouloir nous imposer un face à face sans me demander mon avis.

Sa voix claque dans mes tympans, résonne le long de mon échine pour venir se planter dans mon cœur comme un piolet dans un glacier. Elle tourne les talons sans me donner le temps d'ajouter quoi que ce soit, me laissant seul au bout du bateau, au bout du rouleau, au bout de ma vie.

De retour au van, je n'avais qu'une obsession. J'ai attendu le petit matin que ma sœur parte travailler, puis installé au volant de Sibylle, j'ai repris la route.


***


Franchement, quelle idée saugrenue, cette tentative de réconciliation forcée en bateau !

Je reconnais ici le talent d'Estelle pour les manigances. En à peine une soirée, elle a réussi à me gâcher le plaisir d'une activité que je chéris à Strasbourg. Et apparemment, elle n'était pas l'unique responsable de ce camouflet puisqu'Aurore était accompagnée de son frère. C'est donc bien face à Maxence que j'ai dû à nouveau cohabiter le temps d'une croisière. Pour ne rien cacher, cette confrontation a nécessité un certain self-control de ma part qui ne demandait pourtant qu'à se faufiler de mon épaule jusqu'à ma paume et atterrir du plat de ma main sur la joue rougie par le froid de mon nouvel ex.

Noël en terre inconnueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant