Noël en terre inconnue

19 décembre

" Dresser une table de Noël, c'est comme composer une symphonie visuelle où chaque couvert est une note de bonheur et de gourmandise. "

" Je me demande si on ne va pas trop vite "

Voilà les mots qui tournent en boucle dans mon esprit depuis mon réveil.

Je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé hier soir au restaurant.

Tout se déroulait bien jusqu'à ce que Maxence prononce cette sentence, suivie de celle-ci, pire encore :

" Je pense simplement que ça serait bien de prendre un peu de recul toi et moi. Pour savoir ce qu'on ressent réellement l'un pour l'autre "

Cette histoire était trop belle pour être vraie et les larmes baignent une fois de plus mon visage à cause d'un homme. Entre deux reniflements, je m'étudie dans le miroir de la salle de bain et découvre qu'avec mes yeux rougis, j'ai l'air d'un panda croisé avec un lapin russe.

Pour camoufler les ravages de ma petite nuit et mes cernes trahissant chaque heure de sommeil échappée, je sors l'artillerie lourde. Un camion volé ne serait pas mieux maquillé, et si j'osais ne serait-ce qu'une dose de plus de fond de teint, je crois que même les voitures de police s'arrêteraient pour me demander des conseils de beauté.

Après quelques ronrons de compassion de la part de Christian avant mon départ, c'est la mort dans l'âme que je me dirige vers mon boulot. Mes talons claquent sur la chaussée, et tout me paraît subitement fade et sans saveur. Les maisonnettes en bois sont ternes à cette heure-ci de la journée. Et à mesure que je progresse, je n'aperçois que les poubelles qui débordent des détritus laissés par les visiteurs de la veille, et les SDF qui jalonnent les rues, de façon éparse.

Cesse de voir le verre à moitié vide, Ludi. Maxence n'était sans doute pas fait pour toi, next.

Je ne suis d'humeur à rien.

D'autant plus quand le bruit d'une notification interrompt mes ruminations.

Si c'est Maxence, qu'il aille au diable.

Si c'est Maxence qui s'excuse, même sentence.

Et s'il me demande pardon, eh bien, j'aviserai.

(Pas la peine de faire celle qui résistera, je me connais, je céderai.)

Je décide de l'ignorer pour l'instant, sinon, je vais ruiner mon maquillage. Et qu'est-ce qu'il y a de pire après une rupture ? D'avoir l'air d'un mannequin qui se transforme en épouvantail.

Girl power, meuf.

À mon arrivée au boulot, je glisse mes solaires sur mon nez, redresse les épaules et avance dignement jusqu'à ma place. Avec une lenteur calculée, je tire mon fauteuil et allume mon ordinateur.

Jusqu'ici, tout va bien.

Puis Estelle déboule, toute pimpante, et me demande :

— Alors ce resto avec Maxou, c'est comment ?

Aussitôt, je me tends.

Je la sens monter en moi, cette vague.

Celle qui menace de traverser mes paupières à tout moment.

J'inspire profondément, mais c'est vain : la digue se brise et j'éclate à nouveau en pleurs, derrière les verres ombrés de mes montures qui recouvrent mon visage.

***

Accroupi au milieu de la cuisine, j'éponge l'eau bouillante qui inonde le carrelage à l'aide de mon bras valide, en maudissant cette journée. Depuis ce matin, rien ne va. Je dirais même, depuis hier soir.