10 décembre

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" Un questionnaire de Noël, c'est comme une boîte de surprises révélant les préférences festives de chacun "


En tout cas, je peux dire que la soirée s'est terminée sur une meilleure note qu'elle a commencé, avec cette Ludivine. Ce dernier verre aura eu le mérite d'apaiser les tensions entre nous, enfin, du moins en partie.

Il paraît que l'alcool libère la parole. C'est un adage que j'ai en effet pu vérifier sur la jeune femme. Si elle ne m'a pas décroché un piètre mot de la journée, elle a explosé le quota à la moitié de son cocktail.

J'ai donc appris qu'elle compte un marquis parmi ses ancêtres, qu'elle a été élevée dans ce milieu qu'est la noblesse sans jamais se sentir à sa place, et que ses rapports avec ses parents sont plus que conflictuels depuis qu'elle a refusé son héritage.

Son unique histoire d'amour se résume à un tocard imbuvable qui la faisait tourner en bourrique ; ce qui explique sûrement la distance qu'elle mettait entre nous, car, également emporté par l'ivresse, j'ai tenté quelques gestes affectueux, un rapprochement subtil, sans trouver aucune réponse.

Je me suis endormi le cœur lourd.

Lourd de culpabilité. Lourd de doute.

Lourd, car le charme angélique de Ludivine m'invite à approfondir.

Lourd, car la légèreté de Bredele m'exhorte à découvrir.

Voilà maintenant que je cours sur deux tableaux, comme si une seule relation n'était pas assez compliquée.

Toujours est-il que ce matin, les filles ont quartier libre pour une séance shopping que j'ai savamment réussi à esquiver, porteur de sacs ne faisant absolument pas partie de mes attributions.

J'ai cependant hâte de les retrouver pour cette fameuse balade en traîneau après déjeuner.

En attendant, il faut que je checke le défi...

— Wesh gros ? Bien ? Ça dit quoi ?

À l'entrée de la station, la belle Isabelle version Aya Nakamura m'appelle avec un grand sourire.

— Désolé, Isa, j'dois charbonner, trop le seum. On s'capte plus tard ?

— Demain ? Sors les bif, on se met rapta, mon frère.

— Je suis charrette toute la semaine, c'est la D. Mais on se cale ça.

Je me précipite à l'intérieur en priant pour qu'elle ne me suive pas. Trois femmes à gérer c'est une chose, mais une Isabelle, c'en est une autre. En stage de snow intensif, je la croise tous les jours, et tous les jours j'essaye d'esquiver. Je n'ai pas pu échapper à ses cours de linguistique, et je reconnais malgré tout que j'ai fait des progrès dans le domaine. Heureusement que ce n'est qu'occasionnel, j'en aurais des migraines atroces, si je devais parler comme cela tout le temps.


***


Je talonne les filles sur le marché local.

Bras dessus, bras dessous, elles rayonnent. Il ne fait aucun doute que ces deux-là se sont rabibochées hier soir, l'histoire de la mousse au chocolat est bien loin, place au fromage pour ce dimanche matin.

— J'ai un faible pour le plus fruité, statue Aurore devant l'étal de comté.

Sa main virevolte d'une coupelle à l'autre pour goûter les produits. Puis ses doigts rencontrent ceux d'Estelle, qui rétorque :

Noël en terre inconnueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant