11. Foule en colère

20 2 0
                                    

Thème donné par Sica1014

Musique d'inspi: "Gasoline" de Maneskin

Je vous conseille de l'écouter pour vous mettre dans l'ambiance.


25 février 1917.

Dans les rues de St Pétersbourg, les ouvriers ont envahi les rues. Parmi les uniformes ouvriers, ceux de l'armée ont commencé à se mêler à la foule. Les femmes ne réclament plus du pain, elles marchent les premières des fourches et des pierres à la main. Bientôt la fumée recouvre l'air, l'odeur de brûlé se mêle à celle du sang. Plus personne n'arrive à discerner clairement si ce n'est avec les oreilles. Les pierres fusent de toutes parts, les coups de feu se perdent.

L'enfant est là, dans sa salopette sale, il se joint à ses aînés contre la grille du manoir du premier soutien du Tsar. La foule s'écrase presque contre les barreaux en fer protégeant le domaine. Il se sent suffoquer, mais son esprit est ailleurs.

Il n'a pas peur de mourir, il ne sait pas vraiment pourquoi, il est juste pris de cette envie meurtrière de tout ravager.

La colère qui gronde dans la foule est contagieuse: c'est comme si tous les hommes présents ne formaient plus qu'une entité vengeresse s'acharnant contre les ferronneries qui les séparent de l'objet de leur convoitise.

Bientôt la grille cède et vomit la foule.

Dans les jardins, les ouvriers se précipitent armés pour cerner la propriété.

A l'intérieur, l'autre enfant peut sentir les clameurs secouer les murs. Son maître est parti depuis longtemps, il a pris sa fortune avec lui sans prévenir personne.

Les membres de la famille sont en proie à la panique, ils courent, il entend la fille de la duchesse pleurer pendant que sa mère crie au téléphone des insultes en russe.

Lui ne se mêle pas à la paranoïa générale. Law sait que les vitres vont bientôt céder et que dans quelques instants, le téléphone ne percevra plus que le silence et les impacts de balles.

Il est dans le placard de la chambre, roulé en boule. Il ne prie pas, son maître ne le lui a jamais appris. Il n'a pas de plan, juste que la tempête passe sans que personne ne remarque sa présence.

Après tout, il ne fait pas partie de la famille, l'archiduc se sera bien gardé de révéler la présence de son mignon un peu trop jeune, même pour la bonne société tordue du Tsar.

Les éclats de verre sont arrivés, il entend la foule s'engouffrer et envahir les couloirs. Les insultes se sont transformées en cris puis en silence. Les pleurs ont suivi.

De l'entrebâillement, il peut voir les anciens domestiques indiquer aux ouvriers les cachettes des survivants, prenant au passage les bijoux de famille et les chandeliers en argent. Puis, au milieu de toutes ces silhouettes rageuses, il aperçoit une fourche et au bout une tête qu'il reconnaît.

La duchesse trop fardée ressemble à une poupée de cire sur son nouveau perchoir. Cet ornement macabre lui suffit pour retourner son estomac, il sent des vertiges le prendre. Il fait un mouvement un peu trop brusque, le bois craque, il se fige.

Aucun bruit près de lui, il se pense tiré d'affaires. Puis il relève la tête et tombe sur deux yeux perçants qui le fixent entre les deux portes.

Il sent son cœur s'arrêter, le garçon à la chevelure écarlate ne bouge pas, il ne crie pas pour alerter les autres.

Un temps infini se passe, Law ne peut pas se détacher de ces yeux qui ont à cet instant droit de vie ou de mort sur lui.

Puis, la frimousse de l'enfant ouvrier s'en va comme songe au réveil sans un bruit.

Law reste figé, il n'a pas respiré pendant toutes ces longues minutes. Il finit par vomir dans sa cachette, les larmes coulent sans pouvoir s'arrêter.

Calendrier de l'Avent 2023 -KidlawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant