Chapitre 23 Wayatt

171 14 0
                                    

Je déteste cette ville, les gens sont désagréables, ils te poussent et marchent comme s’ils faisaient un marathon. Je me sens étouffé et, clairement, je ne me vois pas vivre ici. Ma petite campagne me manque déjà alors que je viens juste d’atterrir. Tout le monde me regarde avec mon chapeau et mes santiags comme si j’étais un foutu extraterrestre. Pourtant, ils ont déjà vu de purs Texans, non ? Ou je suis leur attraction de la journée ?
J’ai trouvé l’adresse de ses parents sur le Net. J’espère ne pas me tromper, je ne suis pas encore au point avec toutes ces technologies. Je n’ai même pas réussi à dormir dans l’avion, je n’ai fait que regarder des photos d’elle. J’aimerai tellement que mon frère réussisse et que je puisse être enfin libre d’aimer et d’être avec qui je le souhaite.
Une fois devant l’immeuble, je m’arrête un instant, je me demande si on va me laisser monter. Je commence à pousser la porte quand je reçois un message de mon frère. Je recule de quelques pas pour regarder ce qu’il a bien pu m’envoyer, je suis le lien et les premières images me font sourire. Mon Dieu, il a réussi ! Il l’a mise dans son lit ! Je ne suis parti que depuis quelques heures et elle lui a déjà cédé. Soit il est vraiment fort, soit elle n’attendait que ça. Me dire que ma future femme est prête à coucher avec mon frère, je trouve ça immonde. En tout cas, il me confirme que c’est terminé et c’est serein que je peux enfin essayer de retrouver ma belle.
Je rentre dans l’immeuble et me dirige vers l’homme qui le surveille.
— Bonjour.
— Bonjour, monsieur.
Il me regarde de haut en bas comme si je m’étais trompé d’immeuble.
— Je voudrais parler à Zoé Clarks s’il vous plaît ou, si elle n’est pas là, à un de ses parents.
— Ils vous attendent ?
C’est une phrase type qu’il vient de me poser ? Car s’ils étaient au courant de ma visite, comme n’importe quel homme, j’aurais commencé en le lui disant.
— Non.
— Alors désolé, je ne peux pas les déranger.
— C’est moi qui suis désolé, mais il faut vraiment que je leur parle. Je suis un ami de leur fille, elle était avec nous au Texas, elle devait juste venir dans sa famille pour Thanksgiving, puis retourner chez nous.
Mais nous n’avons plus de nouvelles depuis et nous sommes tous inquiets.
Il vaut mieux que je lui dise la vérité. S’il sent que je mens, ça passera encore moins, surtout que je suis un très mauvais menteur. Il me regarde encore une fois et prend le téléphone.
— Qui dois-je leur annoncer ?
— Wayatt Mac Bryant.
Il me fait un signe de la tête et appelle enfin.
— Bonjour, madame Clarks, j’ai un certain monsieur Mac Bryant qui arrive du Texas et qui s’inquiète pour votre fille.
Il attend la réponse, puis, au bout de quelques secondes, il me lance :
— Vous pouvez monter.
Je suis un peu perdu, mais dès qu’il raccroche, il me demande de le suivre jusqu’à un ascenseur. Une fois dedans, il monte avec moi et y tape un code.
— Voilà, vous arriverez directement dans l’appartement des Jackson.
Comme dans les films ? La porte d’entrée, c’est la porte d’ascenseur ? Je n’avais jamais vu ça avant.
Quand la cabine arrive et que les portes s’ouvrent, je tombe sur un comité, dont l’ex de Zoé. Je suppose que la belle femme sur la droite, c’est sa mère et, à côté, son père. Il y a une autre jeune fille, mais je ne vois pas Zoé.
— Euh, bonjour.
— Entrez.
Leur accueil glacial ne me rassure pas du tout. Je fais quelques pas en avant et entre. Je regarde autour de moi et constate que la richesse de Zoé est bien plus importante que je ne le pensais. Comment une fille comme elle, qui a vécu dans un luxe pareil, pourrait accepter de venir vivre dans mon ranch qui est à mille lieues de ce luxe ? Pour le moment, ce n’est pas ma priorité, je veux juste savoir si elle va bien. Le reste, je verrai plus tard.
— Vous cherchez Zoé ?
— Oui, elle devait revenir pour organiser mon mariage et elle n’est jamais revenue.
— Et donc le marié vient directement chercher l’organisatrice à des milliers de kilomètres de chez lui ?
Je sais qu’ils savent, ils se moquent de moi, là. Je ne suis pas idiot. Cet air condescendant montre qu’ils savent tous que j’ai couché avec elle et qu’ils ont vu l’article. Qui n’est pas complet, heureusement ! Déjà que savoir que ma première fois a été prise en photo me fout assez les nerfs.
— Vous savez parfaitement pourquoi je suis venu.
— Mais vous n’êtes pas fiancé ?
Donc ils savent bien qui je suis, j’avais raison.
— Non, je ne le suis plus.
La mère regarde son mari.
— Laisse-la partir s’il te plaît ! Laisse-la vivre sa vie.
— Je…
Je ne sais pas de quoi ils parlent, mais je vois le père hésiter.
— Non, moi, je ne suis pas d’accord, c’est avec moi qu’elle doit se marier ! Pas partir avec un bouseux qui ne sait que traire des vaches.
— Elle est enceinte de cet homme. S’il te plaît, Henri, laisse-la donc partir et vivre sa vie.
— Elle est enceinte ?
Le choc de la nouvelle me tombe dessus. Pourquoi Zoé ne m’a rien dit ? Pourquoi m’a-t-elle caché ce secret ? Et sa propre mère dit qu’il est de moi ? Je n’arrive pas à le croire, j’ai besoin de m’asseoir avant de tomber raide. Je me déplace jusqu’au canapé, sans rien demander à personne, et j’enlève enfin mon chapeau, dont j’avais complètement oublié l’existence. Je regarde le sol, je ne sais plus quoi dire.
Zoé attend un bébé…
Je sens une main sur mon épaule.
— Vous ne saviez pas pour le bébé ?
— Non.
— Vous ne pouvez pas le laisser faire. Il y a quelques jours, vous vouliez la faire avorter de force, Henri. Si votre femme n’était pas intervenue, elle n’aurait même plus ce bâtard dans son ventre.
J’ai une montée de haine en moi qui me pousse à protéger la femme que j’aime et ce petit être qui symbolise notre amour. Je me lève d’un coup et mets une droite à cet enfoiré de Cole.
— Ce n’est pas un bâtard, vu que c’est mon enfant !
— On se calme, messieurs. Cole, je préfère que tu partes maintenant.
— Mais non.
Le père de Zoé lève un sourcil qui lui montre que le non n’existe pas pour lui. Cole souffle et part avec sa copine. Je me demande si ce n’est pas la soi-disant meilleure amie de Zoé. Elle est jolie, oui, mais très banale et je ne comprends pas comment il a pu se diriger vers cette femme quand il avait Zoé avec lui.
— Asseyez-vous, jeune homme, on va discuter.
On s’assoit tous dans le canapé, je suis encore un peu sonné, j’ai frappé un homme, j’ai du mal à me remettre de mon geste. Je ne suis pas violent en règle générale, mais, là, ce sont mes jambes et mon poing qui sont partis tout seuls.
— J’ai mal agi envers ma fille et je pense qu’elle ne me le pardonnera jamais.
J’ai déjà compris qu’il avait essayé de la faire avorter et, à la place de Zoé, effectivement, je ne lui pardonnerais pas.
— Quand j’ai vu vos photos, j’ai paniqué, car vous alliez vous marier avec une autre. Le scandale que ça a engendré a été très mauvais pour moi et ma réputation.
— Mais Henri, si elle l’épouse, le scandale sera étouffé.
— Je sais, j’y viens. Il faut que vous l’épousiez ! Si vous êtes vraiment libre et sans attache matrimoniale, je préfère qu’elle se marie avec vous. Autant pour ma réputation que pour elle. Je préfère qu’elle convole avec un homme qu’elle aime. Moi, j’ai épousé ma bien-aimée par amour et en étant pauvre. Ce n’est même pas le fait que vous n’ayez pas d’argent qui m’a poussé à tout ça, mais votre futur mariage.
— Oui, mais ce n’est plus le cas, monsieur. Et je n’aimais pas cette femme, elle me faisait du chantage. Mon frère a réglé cette histoire, je ne suis plus obligé de le faire.
— Avez-vous de bonnes intentions envers ma fille ?
— Bien sûr, je suis venu la chercher pour la ramener avec moi et ne plus jamais la laisser partir.
— Dis-lui où elle est.
Le mari regarde sa femme avec insistance.
— Tu me promets que tu n’iras pas la chercher, toi, hein ?
— Non, je suis pour cet accord. Il l’épouse et tout rentre dans l’ordre.
— Et pour Cole ?
— Ça, c’est mon affaire.
Elle finit par me regarder.
— Je l’ai aidée à s’échapper, je lui ai donné mon sac, mais j’ai mis un GPS dedans, je voulais être sûre qu’elle aille bien. Je vous envoie le lien pour la suivre.
Je lui donne mon adresse mail pour qu’elle me transmette l’information, puis je les remercie et repars sans perdre de temps. Je vais louer une voiture, mais même si l’endroit n’est pas très loin, j’espère que je ne vais pas m’endormir en route, car mes yeux se ferment tous seuls.
Il commence à neiger et la route devient de plus en plus glissante. Quand j’arrive devant l’hôtel que le traceur m’indique, je suis soulagé et sors de la voiture en m’étirant. Je tends la main et attrape les flocons de neige qui s’y déposent.
D’un coup, j’entends crier. Je regarde partout, mais je ne vois rien. Je laisse la porte de la voiture ouverte et me dirige vers les sons qui m’arrivent étouffés à présent, puis je reconnais la voix de Zoé et c’est alors que je vois Cole qui essaie de la faire monter dans une voiture. Je fonce sur eux sans réfléchir. Je la vois se débattre. J’arrive à leurs côtés, il me regarde, paniqué et, sans hésitation, je lui fous une châtaigne tellement puissante qu’elle le couche sur le sol.
Il est allongé et me regarde avec horreur.
— Dégage de là et laisse-la tranquille !
Zoé vient se protéger entre mes bras, alors que Cole monte dans sa voiture et nous laisse enfin seuls.
— Comment tu vas, Zoé ?
Elle pleure dans mes bras et n’arrive plus à me répondre.
— On va prendre tes affaires et on va rentrer à la maison, d’accord ?
Elle est choquée et incapable de prononcer un mot. Alors je l’entraine vers la chambre et, après avoir tout récupéré, on se dépêche de retourner à l’aéroport. Je veux rentrer chez moi et je suis sûr qu’elle veut être loin d’ici.
À l’aéroport, j’essaie de prendre des billets d’avion, mais nous sommes la veille de Noël et tous les vols sont pleins. Il ne reste que des places demain, alors nous décidons d’aller dormir à l’hôtel en attendant. Je la tire par la main, il neige encore beaucoup dehors et nous aurons bien le temps de discuter une fois que nous serons au sec et au chaud. D’un coup, elle me stoppe, je me retourne et la regarde.
— Il faut que je te parle maintenant, je ne t’oblige à rien et…
— Dis-le.
Je sais déjà ce qu’elle va me dire, mais je veux l’entendre de sa bouche.
— Je suis enceinte.
Je ne lui demande pas si c’est moi le père, je sais que c’est bien le cas. Je commence à m’approcher d’elle pour la prendre dans mes bras, lui dire que je suis le plus heureux des hommes et que je l’aime. Mais elle m’arrête en plein dans mon élan.
— Je sais que tu dois te marier, euhhh… demain, normalement. Je suis désolée de vous avoir gâché ça, d’ailleurs, je…
Je m’approche encore plus près et me colle à son petit corps tout gelé. La neige recouvre tous ses cheveux.
— Je vais bien épouser une femme, mais ce n’est pas celle que tu penses.
Elle recule encore et me regarde avec horreur.
— Quoi ?
— Omalé a trouvé un moyen de me dégager de mes engagements envers la famille Jackson. Je suis venu te chercher pour que tu rentres avec moi, pas comme organisatrice du mariage de Marsila et moi, mais pour le nôtre. Épouse-moi, Zoé, viens vivre avec moi et deviens ma femme.
— Mais, mais…
— Je suis le plus heureux des hommes d’apprendre que je vais être père, c’est le plus beau cadeau de Noël que tu puisses m’offrir.
— Oh, Wayatt…
Elle se jette sur moi et m’embrasse, là, au milieu des passants, dans la ville la plus connue des États-Unis.
— C’est un oui ? Tu vas m’épouser ?
— Oui, oui, bien sûr !
Je la porte et la fais tourner sur elle-même, en faisant bien attention à ce que ses jambes ne blessent pas les gens au passage. Je suis tellement content. Elle rigole et lève les bras vers le ciel. Quand on a fini de faire exploser notre joie, je la repose et la regarde dans les yeux.
— Je t’aime, Zoé.
— Je t’aime aussi, Wayatt.

Le Ranch Mac Bryant Où les histoires vivent. Découvrez maintenant