Chapitre 7 Zoé

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Je déteste l’injustice comme ça. J’ai vite compris, en discutant avec cette femme, qu’elle était horrible. Elle est imbue d’elle-même et d’un égoïsme sans nom. Je n’ai jamais vu une personne aussi moche à l’intérieur, et pourtant, j’en ai rencontré des gens et des riches. Elle, je pense que c’est une des pires. Elle ne parle que d’elle. À aucun moment, elle n’a parlé de son pauvre fiancé qui n’a pas le droit à la parole, car c’est son mariage, comme elle le dit si bien. Moi, je pense que, pour se marier, il faut être deux, mais bon. Le pire, c’est quand elle a refusé que sa belle-sœur puisse être avec elle dans la calèche et plus particulièrement quand elle s’est moquée de son poids. Comment peut-on faire ça ? C’est une enfant et, la voir pleurer, m’a brisé le cœur et je me suis sentie obligée d’intervenir même si je n’en avais pas le droit. En y repensant, je n’aurais pas dû m’en mêler, mais je ne regrette rien et tant pis si je vais perdre un peu d’argent. Je suis sûre d’être remboursée quand je verrai la petite Ana sur son propre carrosse, elle est si mignonne et a l’air si gentille.
Je me prépare pour la balade. Il ne m’a pas dit d’heure et je n’aime pas du tout ne pas savoir. Mais apparemment ici, ils ont l’air de ne jamais se donner d’heure. Vive les grandes villes ! Je prends mon carnet, mes crayons et mon téléphone. Je vais en profiter, en l’attendant, pour appeler pour la robe, le traiteur et tout le reste. Une journée ici et ça me suffit, je veux retourner à Dallas le plus vite possible. Je ne suis pas prête à rentrer à New York, mais Dallas m’a beaucoup plu et j’envisage d’y rester jusqu’à la fin du mariage, bien sûr quand je ne serai pas ici.
Je commence à appeler quand j’entends des bruits de chevaux. Je sais qu’il y a des écuries ici et, au début, je me dis que c’est peut-être un palefrenier de ce ranch, mais quand je lève la tête, je reconnais Wayatt. Un frisson parcourt tout mon corps à sa vue. Même si ça m’ennuie de le dire, cet homme est beau et je comprends tout à fait pourquoi l’autre pimbêche veut l’épouser. En revanche, à l’inverse, je n’ai pas encore compris, même si ça ne me regarde pas. Quand il arrive devant moi, il enlève son chapeau de cowboy. Sa chemise est à moitié ouverte et je vois sa peau qui… Mais pourquoi je remarque ça, moi ?
— Mademoiselle Clarks, vous êtes prête pour ma balade ?
— Euhhh… Oui.
J’avale ma salive restée coincée en travers de ma gorge. Je prends tout ce dont j’ai besoin pour prendre des notes et le mets dans la poche de mon jean. Du haut de son cheval, Wayatt me regarde de la tête aux pieds, puis revient à mes yeux.
— Vous êtes déjà montée sur un cheval ?
— Non, jamais.
Il souffle et semble énervé.
— Écoutez, je n’ai pas beaucoup de temps là, vous faire une leçon va au moins nous prendre une heure.
— Pourquoi ne pas y aller en voiture ?
— C’est trop boueux et non praticable en voiture.
C’est ce que j’avais cru comprendre quand sa fiancée m’en avait parlé.
— Je peux essayer au moins ?
Il descend du cheval et m’attend à côté.
— Venez.
Je m’approche de lui et écoute ses explications.
— Vous mettez votre pied là, je vais vous aider à passer l’autre au-dessus.
Je fais exactement ce qu’il dit, mais, quand il m’aide à passer la seconde jambe, la première suit le mouvement et, boum, je me retrouve par terre sur les fesses de l’autre côté. Ce cowboy infernal, au lieu de m’aider, rigole. Heureusement, je n’ai pas l’air de m’être fait mal.
Je me mets debout, dépoussière mon postérieur et fais le tour de ce maudit canasson.
— C’est fini de vous moquer de moi ?
— Mais c’est trop drôle.
— Non. Quand les deux parties ne pas, ce n’est pas marrant, c’est méchant.
Il s’arrête instantanément de rire et me regarde intensément.
— C’est vrai, vous avez raison.
Il part attacher celui qui devait être mon cheval à une barrière, puis remonte sur le sien. Je vais marcher à côté de lui comme une esclave ?
— Vous allez monter avec moi.
— Pardon ?
— Je n’ai pas le temps de vous faire un cours, et moi qui parlais d’une heure, vu comment vous êtes dégourdie, je pense que j’en ai pour deux bonnes heures rien que pour vous montrer comment monter dessus… sans tomber.
— Comment osez-vous être aussi méchant ?
— Montez, vous pourrez dire tout le mal que vous pensez de moi pendant qu’on chevauchera et, surtout, quand j’aurai le vent dans mes oreilles pour ne plus vous entendre.
— Quel… Grrr !
Il me tend la main et je la prends en bougonnant. Wayatt m’aide à me mettre devant lui et n’attend même pas que je m’installe correctement qu’il part déjà. Je m’accroche à ses avant-bras, mon dos tape sur son torse. J’essaie de m’asseoir du mieux que je peux, mais c’est impossible. Je suis à moitié allongée sur lui, je ne dirais pas que ce n’est pas agréable, car je sens tous ses muscles dans mon dos, mais ce n’est pas correct. Je trouve qu’on est dans une trop grande intimité, lui et moi, ainsi. Avec un ami, ça ne m’aurait pas dérangé, mais, lui, je n’arrive même pas à le supporter. J’essaie de me mettre mieux tout le long du chemin, mais je n’y arrive pas et il va encore plus vite quand j’essaie de me remettre droite. Je suis sûre qu’il le fait exprès, juste pour m’embêter. Une fois qu’il ralentit enfin, je me dépêche de me redresser, mais je veux tellement aller vite que je bascule vers l’avant. Je me vois déjà la tête écrasée par terre quand il me rattrape au dernier moment.
— Vous êtes vraiment dingue, vous !
— C’est votre faute aussi, si vous m’aviez laissé me relever avant.
— Si je ne l’ai pas fait, c’est justement pour ça, vous êtes maladroite. Je n’avais pas envie que vous vous tuiez.
— C’est très gentil de votre part.
— Oh, c’est surtout que je n’ai pas envie d’expliquer ça au shérif du coin.
Il descend du cheval, puis m’aide à faire de même. J’ai envie de le gifler tellement c’est un être abject, mais je suis vite arrêtée dans mon élan quand je constate la vue devant moi. Je comprends mieux pourquoi la pimbêche veut se marier ici, la vue est magnifique.
— C’est superbe !
Il ne dit rien, mais, quand je me retourne sur le côté, je constate qu’il me regarde, moi, et non le paysage.
— Vous voulez me demander des choses pour le mariage ? C’est le moment. Ça vous évitera de me pourchasser partout pour me poser des questions qui ne m’intéressent pas.
— Pourquoi êtes-vous si désagréable avec moi ? Je ne vous ai rien fait.
— Je n’aime pas les gens comme vous, ce n’est pas personnel.
— Les gens comme moi ?
— Riches, égoïstes, imbus d’eux-mêmes. Je n’aime pas les gens de votre espèce.
— Pardon ?
J’ai du mal à croire ce que j’entends. Il ne me connaît même pas, nous n’avons jamais parlé ni même échangé plus de deux mots. Comment ose-t-il me juger ? Et puis, ce n’est pas lui qui se marie avec une femme qui paraît avoir de l’argent ? Je trouve que c’est déplacé de me dire ça.
— Vous ne me connaissez pas ! C’est vous qui vous pensez supérieur aux autres, vu comment vous me traitez. Vous ne connaissez rien de ma vie ni qui je suis. Vous ne m’avez même pas adressé la parole. Je veux rentrer maintenant, j’en ai assez vu.
Je l’attends à côté du cheval, je n’ai pas encore envie de me ridiculiser. Il m’aide à monter et, cette fois-ci, je me penche et me couche sur le cheval, je préfère tomber qu’il me touche. Il nous ramène doucement, j’ai l’impression que c’est sans fin alors que, tout ce que je veux, c’est m’éloigner de cet homme.
Arrivée à bon port, je m’accroche au cou du cheval et descends, certes comme une nulle, mais, au moins, j’y arrive seule. Je pars en courant dans la maison que j’ai hâte de quitter, et monte faire mes bagages, il faut que je parte maintenant, je… Bon sang, non ! Je n’ai rien à me reprocher. Moi aussi, j’aurais pu le juger parce qu’il ressemble à un bouseux, j’aurais pu, par exemple, prendre l’accent qu’ils ont tous ici, ce truc affreux qui m’oblige à utiliser mon traducteur interne. Je m’assois sur mon lit et souffle. Elle est où la mariée, d’abord ? Elle ne travaille pas, mais elle n’est soit jamais ici, soit elle a plein de personnes qui viennent lui faire mille et une choses. Il ose penser et dire que je suis pire que sa fiancée, en plus ? S’il l’épouse et qu’il me critique, c’est qu’il doit bien penser ça. Je souffle et me mets la tête entre les mains. Il va falloir que je boucle vite ce foutu mariage et que je parte d’ici, ma santé mentale est en jeu.
Je passe le reste de la journée à téléphoner à tout le monde. J’ai rendez-vous demain pour négocier avec le traiteur avant d’en parler à ma cliente et, après-demain, dans une boutique de mariage pour présélectionner des robes et des costumes pour tout le monde. Pour le coup, je ne sais toujours pas ce que souhaite le marié, mais je m’en fiche, je ne veux plus rien savoir de lui. On frappe à ma porte.
— Oui ?
Quand elle s’ouvre sur la fiancée, j’ai envie de souffler intérieurement. Je la regarde et attends de savoir ce qu’elle veut. Je n’ai pas envie de la voir, mais je suis chez elle.
— Excusez-moi de vous déranger.
— Ça ne me dérange pas.
Si, mais je ne vais pas lui dire. Avant qu’elle ouvre la bouche, je lui raconte tout de suite ce que j’ai fait aujourd’hui pour qu’elle ne pense pas que je me crois en vacances.
— J’ai appelé le traiteur et le magasin de robes de mariée. Je vais faire une présélection de tout, pour vous faire gagner du temps et, quand vous aurez choisi votre robe, je vous proposerai la décoration qui va avec.
— Je veux un mariage à la Cendrillon.
— La même robe de mariage qu’elle ?
— Oui, à peu près.
Il faut que je regarde ce foutu dessin animé alors ! La dernière fois que je l’ai vu, j’étais une enfant, je n’ai aucun souvenir des détails de l’histoire, juste de l’ensemble. Une pauvre fille traitée en esclave par sa belle-mère après la mort de son père, qui, un soir, avec l’aide de sa marraine la bonne fée, va au château où elle rencontre un prince charmant. Elle y perd une pantoufle, le prince la récupère, cherche à qui elle appartient, la retrouve et… fin. Voilà tout ce dont je me souviens. Mais, quand j’y pense, en fait, elle me prend pour sa marraine bonne fée ! Cette femme a vraiment des idées saugrenues.
— Je vais m’en inspirer pour tout alors.
— Merci.
Je reprends mon cahier pour noter quelques petites choses et espère que ça la fera partir plus vite. Mais non, elle reste là.
— Vous vouliez me dire quelque chose ?
— Oh oui, Wayatt nous invite à dîner, chez lui, ce soir.
Je la regarde, gênée, car j’espère que ça ne m’inclut pas. Je n’ai pas envie de le voir ni sa famille.
— D’accord, passez une bonne soirée.
Je baisse la tête pour faire semblant de relire ce que je suis censée avoir écrit.
— Il vous invite aussi.
Oh non ! J’étais sûre que la conversation allait en venir là.
— Je suis désolée, je suis fatiguée ce soir. Est-ce possible que je n’y aille pas ?
Oui, je suis surtout fatiguée de tous ces gens.
— Oui, oui, bien sûr, je vais le prévenir. Reposez-vous et, si vous avez faim, faites comme chez vous surtout.
— Merci.
Cette fois-ci, elle part et je peux enfin souffler. J’ai pu éviter de passer une mauvaise soirée et j’en suis bien contente. Je passe un long moment à tout mettre au point, puis me couche, je n’ai pas faim, juste envie de dormir. Je mets un short avec un haut, puis me glisse dans les draps et m’endors rapidement.
Je suis réveillée par quelqu’un qui me secoue. J’ouvre un œil, entrevois une ombre devant moi qui me fait asseoir d’un seul coup et je crie. La lampe s’allume et je le vois devant moi, à me regarder ment.
— Mais qu’est-ce que vous faites ici ? Dans ma chambre, en plus ! Vous êtes dingue ?
Je constate que mon drap est baissé, que mon haut est carrément de côté et qu’on voit ma poitrine. Je suis complètement choquée et recouvre au plus vite ce qu’il n’aurait pas dû voir.
— Dégagez de ma chambre, espèce de taré !
Il continue de me regarder sans rien dire. Je vérifie que mon haut est bien remis, puis me lève, mais je ne m’approche pas trop près de lui, de peur qu’il soit venu en fin de compte m’agresser. Je recule jusqu’au mur.
— Je ne vais rien vous faire, il fallait que je vous parle.
— Et, donc, vous avez décidé de venir jusque dans mon lit.
— Non, pas le lit, juste la chambre.
Et il sourit. Ce mec est complètement malade.
— Bien… Parlez et partez !
— Je voulais m’excuser.
— Ça ne pouvait pas attendre demain en pleine journée ?
— Non.
Il s’avance vers moi, je suis coincée par le mur, j’ai peur et, en même temps, j’ai l’impression qu’il ne va pas me faire de mal. Une fois qu’il est devant moi, il me sourit.
— Je suis vraiment désolé, je n’aurais pas dû dire ça. Vous avez été très sympathique avec ma famille et moi, je n’ai pas été juste. Mais je vais faire un effort. Demain, on retourne à l’endroit, si vous le souhaitez, et on parlera même de ce que vous voulez pour le mariage.
Pas un son ne sort de ma bouche, je reste hypnotisée par ses yeux.
— D’accord ?
— Hum… Euh, oui d’accord.
Il sourit une dernière fois et me laisse là, sans savoir si c’est réel ou si j’ai rêvé.

Le Ranch Mac Bryant Où les histoires vivent. Découvrez maintenant