Le Ranch Mac Bryant

Chapitre 18 Omalé

Je suis parti de chez moi sans donner plus d’explication à mon frère, je ne veux pas qu’il sache que je veux plus d’informations sur cette histoire. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi il épouse une femme qu’il n’aime pas et, surtout, pourquoi il ne se bat pas pour être avec celle qu’il aime. Mon frère pense que je ne le sais pas, mais je suis parfaitement au courant qu’il se sacrifie pour nous. Il fait tout ce que faisait notre père, mais, lui, il avait de l’aide, alors que Wayatt fait tout et seul. J’ai toujours été égoïste, mais cette histoire m’a ouvert les yeux et ça ne peut pas continuer comme ça. Il a besoin d’être heureux et moi, de prendre enfin mes responsabilités. Il ne m’a jamais rien demandé, il ne m’a jamais obligé à rien, mais, en y réfléchissant, ça va me coûter quoi de prendre enfin mon rôle ?
Je me passe une des mains dans les cheveux…
Je suis le pire des frères au monde et je veux arranger tout ça. Nous sommes une famille très liée et, moi, j’ai lâché tout ça. Pour quoi finalement ? Pour des femmes qui n’en valent pas la peine. Mon frère est malheureux et je ne l’avais même pas vu avant hier. Comment j’ai pu passer à côté de ça ? Il ne parle pas beaucoup, n’exprime pas ses sentiments, d’accord, mais c’est mon frère, mon sang. Nous avons été élevés ensemble et nous sommes censés nous connaître par cœur. Je me suis éloigné de lui et je le regrette. C’est pour ça que je vais voir Zoé, je veux savoir exactement ce qu’il s’est passé. Il l’aime et, malgré ça, il en épouse une autre. Ce n’est pas normal surtout que, Wayatt, on ne l’a jamais vu avec une fille avant qu’il nous annonce qu’il allait se marier avec Marsila. J’étais étonné, mais pas tellement, car je sais qu’elle lui a toujours couru après et je pensais juste qu’il avait cédé et qu’il en était finalement tombé amoureux. Même si j’avais du mal à comprendre ce choix, car, cette femme a beau être belle, c’est un poison. Si moi, je n’ai jamais voulu y tremper mon biscuit, alors que j’en ai eu maintes fois l’occasion, c’est qu’il y a une bonne raison. Cette nana est une mante religieuse, si elle t’a une fois dans son lit, elle ne lâchera pas l’affaire tant qu’elle ne t’aura pas dans sa vie. Surtout nous. Il y a que mon frère qui pouvait l’épouser, car un homme normal, lui, n’en voudrait pas. Wayatt, lui, il est tellement introverti que tout est possible de sa part.
La route me semble interminable, pourtant, ce n’est pas très loin. Je me demande pourquoi Zoé n’est pas dans sa famille. C’est ce qu’elle nous avait dit, à Marsila et à nous, et on sait tous que sa famille est de New York. Tous ces secrets et ces questions me font mal à la tête.
Une fois arrivé à Victoria, je rappelle Zoé.
— Tu es où à Victoria ?
Quand elle me donne le nom de son hôtel, et que j’ai entré l’adresse dans mon GPS, je me dépêche de la rejoindre. Elle m’a donné le numéro de sa chambre, donc, dès que je suis devant, je tape dessus avec énervement. Non pas que je sois en colère contre elle, mais je veux des réponses rapidement, je n’aime pas être dans le flou. Quand elle m’ouvre, je me rappelle d’un coup pourquoi je voulais la mettre dans mon lit. Cette fille est sublime et je peux comprendre pourquoi mon frère en est tombé amoureux. C’est difficile de lui résister.
— Bonjour, Zoé.
— Omalé.
— Oh… On a avancé, tu me tutoies et tu m’appelles par mon prénom.
— Je l’ai déjà fait au téléphone, non ?
— Oui, mais en face, c’est tellement plus beau.
Je fais exprès de la charrier, je sais qu’elle n’aime pas ça. Et je ne veux surtout pas la draguer maintenant que je connais les sentiments de mon frère pour elle.
— Si tu es venu pour me draguer, tu perds ton temps.
— Non, je te taquine. Si je suis venu te voir, c’est pour te parler de Wayatt.
Son visage s’assombrit d’un coup et elle détourne la tête. C’est bien ce que je pensais, il s’est passé des choses pour que mon frère en soit tombé amoureux.
— Entre !
Elle se pousse pour que je puisse pénétrer dans sa chambre et je regarde partout. Je pensais qu’une fille de la ville, riche de surcroît, aurait choisi autre chose.
— Je t’écoute.
— Mon frère t’aime et je voudrais savoir pourquoi il en épouse une autre.
Elle ouvre la bouche, et ses yeux, en grand.
— C’est ce qu’il t’a dit ?
— Oui, il m’a dit qu’il t’aimait, mais il ne veut rien me révéler de plus.
— C’est à lui de te parler de tout ça.
— Non, il est trop introverti, il ne lâchera aucune information et, moi, je veux l’aider.
— C’est son choix.
Non, non, non, je ne vais pas partir d’ici sans avoir toutes les infos, ça, c’est sûr.
— Oui, et c’est le mien de vouloir l’aider, alors je t’écoute.
— Je n’ai pas le droit de dire les secrets de ton frère.
— Commence par me raconter votre relation…
Zoé regarde le sol.
— Ce n’est pas moi qui vais te juger, tu sais. Je passe de fille en fille sans aucun sentiment. Une fois ma petite affaire finie, je m’en vais, alors même si c’est ça, avec Wayatt, je…
— Non, mais, ça ne va pas ?
— Quoi ?
— Je ne suis pas comme ça.
— Et même si tu l’étais, moi, je suis pour l’égalité homme-femme. Les femmes ont autant le droit de collectionner les hommes que l’inverse.
Elle me regarde, choquée. Je sais parfaitement que ce n’est pas ça avec mon frère, mais elle ne me dira rien si je ne la pousse pas à se justifier.
— J’ai vraiment des sentiments pour ton frère !
— Pourquoi tu ne quittes pas ton fiancé pour lui, alors ?
— Je ne suis plus fiancée depuis longtemps.
J’ai du mal à comprendre toute cette histoire. Elle nous a donc menti ?
— Je ne comprends pas pourquoi tu nous as dit le contraire alors.
— Quand tu as commencé à me draguer, j’ai préféré dire que j’étais fiancée pour que tu me laisses tranquille.
Elle est vraiment forte, j’y ai vraiment cru à son histoire.
— Alors, pourquoi tu ne peux pas être avec mon frère ? Il n’a qu’à dégager Marsila, et voilà, affaire réglée.
— La vie n’est pas toujours aussi simple, Omalé.
— Alors, explique-moi, bon sang ! Comment mon frère en est arrivé à se marier avec une femme qu’il n’aime pas ?
Elle se déplace pour aller ranger quelque chose qui est déjà à sa place. Elle cherche à gagner du temps.
— Je t’écoute, Zoé ! Comment mon frère se retrouve dans cette situation ?
— Je ne sais pas tout, il n’a pas voulu me dire pourquoi, mais, à ce que j’ai compris, cette famille lui fait du chantage et il est obligé de l’épouser.
— Quoi ?!
Je me lève et m’avance vers elle.
— Pourquoi ? Quelle est la raison ?
— Je n’en sais pas plus, Wayatt n’a pas voulu me le dire.
— Et, toi, tu le laisses en épouser une autre, alors que tu l’aimes ?
— Je n’ai jamais dit que je l’aimais…
Au vu de son regard fuyant, je suis persuadé que si. Mais qu’est-ce qui lui a pris d’accepter ça et, surtout, de prendre toute cette responsabilité sans m’en parler ?
— Tu ne sais rien de plus ?
— Non.
— Pourquoi tu n’es pas avec ta famille ? Tu nous as menti.
Je lui dis ça de façon un peu sèche alors que je n’ai pas envie de m’énerver contre elle. Elle n’y est pour rien dans cette histoire et je peux comprendre que, si elle a menti, c’est qu’elle ne voulait pas rester dans la même pièce que mon frère pour les fêtes.
— J’ai mes propres problèmes avec ma famille, j’y étais, mais je suis partie pour venir me reposer ici.
Je vois une larme couler sur sa joue, puis une autre. Je m’approche d’elle et la prends dans mes bras.
— Je sais que je ne suis pas très mature avec toi, mais, si tu as besoin de parler, je peux être là.
— Merci, mais ça ira. Je veux juste que ce mariage se finisse pour partir loin d’ici. Loin de tout le monde.
— Ne sois pas si sûre que ce mariage va avoir lieu, je vais tout faire pour l’annuler.
— Ne fais pas de bêtise ! Si ton frère fait ça, c’est que ça doit être important.
Je me recule et retourne m’asseoir. Je ne suis pas débile, je sais que pour qu’il en arrive à cette extrémité, c’est qu’il y a une bonne raison. Il faut juste que j’arrive à trouver laquelle, avant ce mariage à la noix, et contrecarrer.
— Je vais te laisser tranquille, je vais retourner chez moi et régler ça.
— Tu ne devrais pas t’en mêler.
— Tu n’aimerais pas que mon frère soit libre et qu’il aille avec toi ?
— Bien sûr que si ! Mais je me suis faite à l’idée que ça sera avec une autre qu’il va se marier et, qu’en plus, c’est moi qui vais organiser leur mariage.
J’avoue que c’est dramatique, car, s’il se marie en fin de compte, elle va être aux premières loges pour le voir faire. Il faut que j’arrive à les sauver… Au moins, ça sera une mission dans ma vie qui, pour le moment, est vide et sans but.
Je lui dis au revoir et monte dans ma voiture direction Jacksonville. Je réfléchis tout le long du chemin. Je suis à la fois triste et outré que mon frère ne m’ait pas parlé de tout ça. C’est encore pire que je le pensais. Je n’arrive pas à trouver une raison assez importante pour que les Jackson fassent pression sur lui. Si… La ferme ou nous. Il n’y a que ça qui pourrait faire perdre la tête à mon frère.
Je continue mes réflexions jusqu’à ce que j’arrive à la maison. Je cherche Wayatt et le trouve à faire le même travail qu’il fait toujours seul, chaque jour. Il travaille dur sans jamais rien demander à l’un de nous. Certes, j’ai dû le remplacer quelques fois… D’ailleurs, en y réfléchissant, je pense que c’est pour Zoé. Il ne m’en a jamais demandé plus et, pourtant, je sais le travail important qu’on a ici. Wayatt se lève tôt, s’occupe du ranch, de nos frères et sœurs, sans jamais se plaindre. Le poids qui repose sur ses épaules est tellement énorme… Je me demande comment il tient et ça me renvoie à ce que moi, je fais, c’est-à-dire… rien !
Je m’approche de lui et lui touche l’épaule.
— Oh, tu es là !
Il me sourit, mais il y a quelque chose que je n’avais pas remarqué avant, une certaine tristesse.
— Oui. J’ai réfléchi et ça va changer ici.
— Comment ça ?
— Je vais t’aider plus.
Il baisse la tête, comme gêné.
— Tu n’es pas obligé.
— Oh ça, je le sais, mais j’ai envie de travailler avec toi. J’ai assez profité de la vie.
— D’accord.
Je sais qu’il n’en rajoutera pas plus, les émotions, ce n’est pas son fort. Et, justement, c’est le moment de le tester.
— J’ai vu Zoé.
Il se relève d’un coup et me regarde.
regarde.— Quoi ?
— Elle est à Victoria, je suis allée la voir.
— Pourquoi tu as fait ça ?
— Il fallait que je lui parle.
— Et de quoi ?
Je le vois serrer les poings. La colère qui oxyde ses yeux me fait sourire, la jalousie qui émane de lui est évidente.
— Ça ne t’intéresse pas de savoir pourquoi elle est au Texas ?
— Après. Pour le moment, je fais dans l’ordre.
J’éclate de rire. Si je ne lui dis rien de plus, je me demande s’il va finir par me frapper.
— Je voulais juste savoir si elle t’aime autant que toi, tu l’aimes…
— Mais de quoi je me mêle ? Tu n’as pas assez d’histoire croustillante dans ta vie ?
— Bien sûr que si, mais la tienne est la plus palpitante du moment.
— Ce n’est pas drôle !
— Tu ne veux même pas savoir ce qu’elle m’a dit ?
— Non.
Je sais qu’il a envie de savoir, mais qu’il ne me le dira pas. Qui voudrait connaître les sentiments d’une personne avec laquelle vous ne pouvez pas être ?
— Pourquoi est-elle au Texas ?
— Je ne sais pas vraiment.
— D’accord.
Il se retourne et continue son travail. Je décide qu’il est temps qu’il se bouge et qu’il trouve une solution pour être avec celle qu’il aime. Je pose ma main sur son épaule et il se retourne avec violence.
— Quoi encore ?
— Elle t’aime, Wayatt, elle me la dit. Elle t’aime vraiment.
Je n’aurais peut-être rien dû lui dire. Je regrette quand je vois dans ses yeux la tristesse. Elle semble tellement profonde que j’ai mal au cœur pour lui.
— Raconte-moi tout, Wayatt, je peux peut-être t’aider…
— Non, tu ne peux pas.
— Je suis sûr que si ! Nous sommes frères et on va trouver une solution ensemble, d’accord ?
Une tempête intérieure fait rage en lui, je le vois bien. Et puis, il se décide enfin.
— Viens, on va à l’intérieur boire un café et je vais tout te raconter.
Une fois à la maison, j’écoute son récit et je me rends compte, à chaque parole, que nos voisins sont les pires pourritures que je connaisse. Comment peut-on faire un chantage si monstrueux ?
— On va trouver une solution, je te le promets.
C’est même sûr. Il n’est pas question que je laisse mon frère épouser cette harpie.