Chapitre 9 Zoé

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Je n’arrive pas à le comprendre, tout allait bien pourtant. Pas de dispute, une bonne camaraderie et, là, d’un coup, il m’a jetée comme si je lui avais fait quelque chose. Bon, ce n’est pas mon ami non plus, mais son comportement a changé du tout au tout et je n’ai pas envie que ça mette une mauvaise ambiance dans ce mariage, déjà que rien ne va avec la mariée qui me bassine pour un oui ou pour un non. Mademoiselle ne peut pas aller à sa séance d’essayage, dans deux jours, comme je l’avais prévu, car son masseur vient. Elle ne va pas me dire que se faire masser est plus important que de choisir la robe de sa vie, quand même ? Je n’ai jamais vu une mariée qui ne pense qu’à l’apparence de ce mariage, mais qui se fiche du reste. La robe, c’est ce dont toutes les femmes rêvent, la robe blanche de princesse, de conte de fées. Bon, pour elle aussi, vu qu’elle souhaite la robe de Cendrillon, mais elle n’est pas du tout intéressée de la voir rapidement. Cette femme est bizarre. Non, ils sont tous bizarres. Je comprends mieux pourquoi ces deux-là sont faits pour être ensemble, ils sont aussi fous l’un que l’autre.
Je repars vers la maison, regarde vers chez lui, mais il est déjà rentré. En arrivant, je vois que la future mariée est devant l’entrée, prête à partir.
— Je m’en vais faire un petit voyage revivifiant.
— Quoi ?
— Je pars trois jours pour me reposer.
Je me demande bien pourquoi se reposer, vu qu’elle ne fout absolument rien de ses journées. Et elle me laisse là, avec son mariage à la noix, à préparer seule.
— Vous ne voulez plus vous marier ?
C’est la première question qui me vient à l’esprit, évidemment. Comment elle peut être aussi détachée ? Elle me regarde, choquée.
— Bien sûr que si, mais mon teint est mauvais, tout ce stress n’est pas bon pour moi.
Je me demande si je dois rire ou pleurer. C’est moi qui suis stressée.
— Très bien. J’ai des rendez-vous demain pour présélectionner l’ensemble. Je pense repartir à Dallas, juste après, le temps que vous rentriez.
— Vous n’aimez pas notre petite ville ?
— Je préfère les grandes villes.
— Comme je vous comprends.
— Je voudrais louer une voiture au centre-ville, comme ça, je serai plus indépendante.
— Un taxi ne passera pas ici. Attendez.
Elle sort son téléphone et appelle quelqu’un.
— Wayatt, mon chou.
Je lève les yeux au ciel en entendant le petit nom ridicule qu’elle vient de lui donner.
— Oui, si tu pouvais l’emmener au centre de location de voitures. Oui, oui, je lui dis. À plus, mon amour.
Cette dernière remarque me fait bizarre, j’ai comme un coup de chaud qui me traverse le corps et ça ne me plaît pas du tout. Elle finit par raccrocher et me sourit.
— Mon fiancé vous emmènera demain chercher votre véhicule. Tchao, à plus tard !
Elle me fait coucou de la main en partant. J’ai envie de la trucider. Qui a dit que je voulais que ça soit lui qui m’emmène ? Je devrais plutôt demander au seul ici qui a l’air d’apprécier ma présence, le fameux Omalé, celui qui n’arrêtait pas de me draguer l’autre soir. Il vaut mieux un dragueur qu’un homme exécrable. Bon, je verrai ça demain… J’irai récupérer une voiture, je ferai ce que j’ai à faire et, demain soir, je partirai sur Dallas où je serai enfin seule et dans une grande ville.
Je reste un peu dehors, après son départ, pour prendre le soleil. C’est dingue, à New York, à cette époque, il ne fait pas beau et là, il y a encore du soleil et de la chaleur dont je souhaite profiter.
Depuis que je suis ici, j’ai à peine vu madame Jackson, pourtant, elle est ici. Encore son mari, je comprends, il travaille, mais, elle, elle ne sort pas de ses pièces. C’est comme si elle n’habitait pas ici. Cette femme est un fantôme, à moins qu’elle ne soit, elle aussi, partie se détendre quelque part. Je n’en sais absolument rien, elle ne m’adresse jamais la parole, et ne s’investit absolument pas dans le mariage de sa fille.
Je retire mon pantalon, j’espère que ça ne va choquer personne ici, j’ai un maillot de bain en dessous. J’enlève aussi le haut pendant que j’y suis. De toute façon, je suis seule, les voisins ne doivent pas venir avant demain, donc je ne devrais pas être dérangée. Je suis tellement bien que j’ai fini par m’endormir.
Je suis réveillée par un cheval qui hennit à côté de moi. J’ouvre les yeux doucement, retire mes lunettes de soleil et rencontre les yeux du fiancé, qui me regarde avec colère.
— Quoi encore ?
— Non, mais vous n’avez pas honte de vous montrer à moitié nue comme ça ?
Je lève un sourcil et, le temps que l’information me monte au cerveau, je laisse un laps de temps.
— Mais de quoi je me mêle, vous ? Vous allez me lâcher à la fin ? Vous êtes toujours énervé après moi comme si je vous avais fait quelque chose. Je bronze, c’est tout et, d’ailleurs, vous me faites de l’ombre là, alors du balai !
Je suis en général très polie et bien élevée, mais, là, je commence à perdre patience. J’étais tranquille, seule, à faire la sieste au chaud et, lui, il vient m’embêter alors qu’il ne devrait pas être là.
— Je voulais vous inviter à dîner, car je suppose que vous allez être seule ce soir.
— Un dîner… Vous et moi ?
— Moi, et ma famille, évidemment.
Ouf, j’ai eu peur, j’ai cru que lui aussi me draguait. Même si je sens au fond de moi un peu de déception, je ne m’y attarde pas.
— Non, merci.
— Comme vous voulez ! Au cas où vous changeriez d’avis, on mange à 18 h. Et pensez à vous habiller, il y a des enfants.
Je prends mes lunettes et lui balance, mais, comme je suis nulle au tir, elles atterrissent juste par terre.
Je suis très en colère et parfaitement réveillée maintenant, à cause de lui. J’ai envie de lui enfoncer ces fameuses lunettes dans l’œil. Je me lève et me rhabille. Non, je ne vais pas manger avec eux. Déjà, sans sa fiancée, je ne trouve pas ça correct, même s’il y a le reste de la famille. Et je ne connais pas ces gens. Je veux juste partir à Dallas pour me reposer, et réfléchir. Je souhaite partir de cette campagne profonde même si je ne m’y ennuie pas, mais j’ai besoin d’aller dans un magasin et de penser à autre chose qu’ici. En même temps, depuis que je suis là, ces chamailleries m’ont complètement fait oublier mes histoires de chez moi, je ne pense même plus à mon ex-fiancé et à mon ancienne meilleure amie et je trouve que c’est une belle avancée du coup.
Je rentre et monte directement dans ma chambre, prends une douche et réfléchis encore à si j’y vais ce soir. Je n’ai pas spécialement envie, mais, d’un, ça m’évitera d’être seule, il a raison et, de deux, je pourrais peut-être mieux les connaître et voir ce que, eux, attendent du mariage. De toute façon, je pars demain loin d’ici pendant quelques jours, donc je peux bien les supporter une soirée, non ?
Quand l’heure est proche, je décide d’y aller. Devoir me préparer le repas ou manger avec monsieur et madame Jackson, dans les deux cas, je n’en ai pas du tout envie. Je descends, mais ne rencontre personne, alors je sors sans prévenir et vais jusqu’à la maison d’à côté. Je reste un long moment statique devant la porte, j’hésite encore, puis je finis par souffler un grand coup et frapper. C’est le jeune garçon qui m’ouvre.
— Omalé, c’est ta copine.
— Quoi ?
C’est la première chose qui me vient. Omalé arrive rapidement, me regarde de haut en bas, puis me fait un grand sourire.
— Ouais, tu as raison, Matias, c’est bien ma copine.
— Non, absolument pas !
Wayatt arrive lui aussi, ouvre la porte et me regarde.
— Laissez-la entrer, vous deux !
Ils se poussent et je peux enfin découvrir l’intérieur de cette maison que je ne connais pas encore. C’est sûr que c’est moins luxueux qu’à côté. Là, on est vraiment dans une ferme, mais je trouve ça plus chaleureux et je préfère.
— Asseyez-vous, on va manger.
— Vous avez besoin d’aide ?
— Non, c’est bon.
Je suis le groupe qui va s’asseoir et la petite fille me saute dans les bras dès qu’elle me voit. Je n’arrive pas à me souvenir de son prénom. En même temps, les prénoms, ce n’est pas vraiment mon truc.
— Ana, laisse-la tranquille.
Ah ben voilà ! Elle s’appelle Ana.
— Dis-moi, Zoé…
Oh, maintenant on s’appelle par nos prénoms avec cette petite demoiselle ? Elle me fait rire.
— Oui, Ana ?
— Toi qui habites dans la grande ville, est-ce que c’est comme dans les films ?
— Tu n’es jamais allée à Dallas ?
— Non, seulement à Jacksonville.
— Eh bien, oui, c’est comme dans les films. Moi, je viens de New York, tu le savais ?
— Oui.
— Oui ?
— Tu es dans les quartiers riches, ceux qu’on voit dans les séries. Tu sais où les femmes sont avec des robes qui moulent et tout le reste.
— Laisse-la tranquille, Ana, elle n’a peut-être pas envie de répondre à tes questions.
Je regarde Wayatt qui fixe sa sœur avec de gros yeux.
— Non, ça ne me dérange pas. Effectivement, je vis à Manhattan dans l’Upper East Side.
— Waouhhh, j’ai déjà vu des séries dessus et…
— Et voilà, servez-vous !
Le maître de maison nous coupe la parole et pose un plat sur la table. Ça m’a l’air très bon.
— Désolé, ce n’est pas du niveau de vos grands restaurants, je ne suis pas vraiment doué, mais je pense que c’est mangeable.
— Je suis sûre que ça va être très bon. Merci.
Il sert tout le monde, ils mangent en parlant tous à un autre. Sauf Omalé qui me scrute avec un regard qui me gêne. Je fais comme si je ne le voyais pas et regarde mon assiette. Une fois que j’ai fini, je suis très contente, c’était effectivement très bon.
— C’était très bon, merci, Wayatt.
Il lève la tête, me regarde et me sourit.
— Mais de rien, Zoé.
Je tilte à la prononciation de mon prénom, mais c’est moi qui l’ai appelé ainsi la première, donc c’est normal qu’il le fasse.
— Je vais vous aider à laver la vaisselle, si vous le souhaitez, avant de partir.
— Non, c’est gentil de votre part, mais Omalé et Ana vont la faire.
— Mais je voulais la raccompagner.
Omalé se tourne vers son frère et se met à bouder comme un enfant.
— Non, c’est moi qui vais la ramener. Toi, tu laves la vaisselle.
Wayatt se lève et m’attend.
— Vous n’êtes pas obligé de me raccompagner, je peux parfaitement rentrer seule.
— Il fait nuit, ce n’est pas éclairé et il y a des animaux qui se baladent à cette heure. Je préfère vous ramener.
— D’accord, comme vous le souhaitez.
Je le suis. La lune éclaire bien, j’arrive à voir mes pas. Enfin ça, c’est ce que je pense avant de me prendre les pieds dans quelque chose, sur le chemin, et commencer à basculer en avant. Je me prépare déjà psychologiquement à tomber et me fracasser le crâne à terre, mais je sens des mains me rattraper et je suis collée à un torse ferme. Il me faut un long moment pour reprendre mes esprits.
— Merci.
Je me retourne, toujours dans ses bras. Nos visages ne sont qu’à quelques centimètres, on se regarde droit dans les yeux. J’ai comme une envie irrésistible de m’approcher de lui, de l’embrasser. À ce moment-là, je ne réfléchis plus à rien. Je sens que ma tête avance toute seule vers lui, je n’arrive plus à la contrôler, c’est plus fort que moi. Quand ma bouche est juste devant la sienne, il me lâche et recule.
— Ce n’est rien. Venez, je finis de vous raccompagner, mademoiselle Clarks.
Oh, maintenant, il me vouvoie alors qu’il y a quelques minutes encore, il m’appelait par mon prénom. Je comprends qu’il reprenne ses distances, on n’aurait jamais dû aller aussi loin, on ne se connaît même pas et il est fiancé. Bon sang, je suis là pour organiser son mariage, pas voler le marié ! J’ai honte de moi d’un coup et me dirige vers la maison des Jackson sans même l’attendre. Je veux juste lever cette ombre de culpabilité qui me colle à la peau et je suis à deux doigts de courir pour lui échapper. C’est juste la peur de m’écrouler encore une fois qui me fait tenir à marcher vite seulement. Je sais que je ne suis pas seule, j’entends ses pas derrière moi. Il avait raison tout à l’heure, ça fait peur de rentrer seule, j’entends des loups qui hurlent dans la nuit.
Une fois devant la maison, je ne l’attends pas, et commence à ouvrir la porte, mais il me retient par le bras.
— Je suis désolé.
— De quoi ?
Je ne comprends pas de quoi il devrait l’être, c’est moi plutôt qui suis honteuse.
— De ce qui s’est passé. Ça n’aurait pas dû arriver, je ne sais pas ce qui m’a pris.
— Euh, vous n’avez rien fait…
— Mais j’ai failli… Enfin, je tenais à m’excuser, ça ne se reproduira plus. Je vous souhaite une bonne soirée, Zoé.
Je le regarde partir sans vraiment comprendre ce qui vient de se passer. C’est moi qui ai failli faire une bêtise et c’est lui qui s’excuse ? Je ne comprends rien à ces familles de toute façon. Le mieux, c’est d’aller me coucher et de réfléchir à ça demain, quand je serai reposée.
J’entre dans la maison et vais directement dans mon lit. J’essaie de ne pas trop réfléchir et je m’endors rapidement.

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