Chapitre 17 Zoé

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Quand je me réveille, je suis dans mon lit, chez mes parents, et ma mère est assise à côté de moi et me regarde avec peine.
— Maman ? Il s’est passé quoi ?
Tout me revient alors même que je prononce ces mots. Mon ex-fiancé. Mon ex-amie. Eux qui m’ont trahie étaient là, à attendre, à m’attendre plutôt.
— Pourquoi sont-ils là ?
Elle tourne la tête pour ne plus me regarder.
— Maman ?
— Ton père t’en parlera après, repose-toi d’abord.
Elle se lève et commence à partir.
— Maman, s’il te plaît…
— Rappelle-toi juste que j’ai essayé, Zoé. J’ai bataillé pour toi, mais je n’ai pas réussi.
Je ne comprends rien du tout à tout ce cinéma. Je m’assois dans mon lit, j’ai la tête qui tourne. Je ne sais pas pourquoi je ne me sens pas bien, je sais juste qu’il faut que je me lève et que je règle cette histoire maintenant. Je me lève difficilement et les rejoins tous dans le salon.
Quand j’arrive, ils se taisent et me regardent.
— Tu n’aurais pas dû te lever maintenant, ça pouvait attendre.
Je ne réponds rien, m’assois sur le canapé et j’attends qu’ils parlent. Ils se regardent tous pour savoir lequel va commencer.
Celle que, moi, je regarde, c’est mon ancienne amie, Petra. Sa présence est celle qui me dérange le plus, car c’est celle que je considère comme la responsable. Non pas qu’il ne serait pas allé voir ailleurs si elle n’avait pas été là, mais c’était mon amie, ma confidente, ma sœur et c’est sa trahison, à elle, qui m’a fait le plus de mal. Je suis quelqu’un de gentil, mais, là, la voir devant moi me donne des envies de violence, j’ai envie de la frapper, de lui faire du mal. Même si c’est physique, alors qu’elle m’en a fait, elle, uniquement psychologiquement, ça me convient en cet instant.
— Ma puce…
Quand mon père commence comme ça, je dois toujours me méfier. Il ne commence jamais ses phrases en étant mielleux, sauf s’il a quelque chose à me demander.
— Tu sais que je te laisse toujours faire ce que tu veux, mais, là, tu es allée trop loin.
— Pardon ?
Il me lance un journal sur lequel je suis en couverture. Je lève un sourcil étonné, puis j’ouvre le magazine et je me vois, allongée dans l’herbe au ranch. Mon Dieu, mais comment ils ont réussi à avoir ça ? Et surtout, comment nous n’avons rien vu ? Je lis l’article qui me décrit comme une femme qui va se consoler de l’adultère de son fiancé dans les bras d’un autre. Plus je lis et plus je suis choquée.
— Ce n’est pas bon pour mon image ni pour mon entreprise.
Je suis estomaquée. Il ne m’avait jamais dit quelque chose comme ça. En général, il me soutient et m’aide, mais là, je sens que ce n’est pas ce qui va se passer.
— Nous en avons parlé.
— Avec qui ?
— Avec Cole, bien sûr.
— Et en quoi ça le regarde ?
De quoi il se mêle, lui ? Nous ne sommes plus ensemble, après tout, et cette histoire ne le concerne pas.
— Et la traîtresse ? Qu’est-ce qu’elle fait là ? Ce n’est même plus mon amie.
— Elle est venue pour Cole.
Je lève un sourcil, j’ai du mal à comprendre ce qui va suivre.
— Nous sommes tombés d’accord. Afin que notre réputation, à tous, soit maintenue, vous allez vous marier tous les deux et…
— Quoi ? Pas question ! Vous êtes tous malades ou quoi ?
Je me lève dans un bond. Mon état léthargique de tout à l’heure est, d’un seul coup, parti. Je ne vais sûrement pas me marier avec ce type.
— C’est un arrangement que l’on propose.
— Je m’en fiche ! Ces deux personnes-là m’ont traînée dans la boue, m’ont brisée le cœur et, comme si ça ne suffisait pas, ils l’ont piétiné. Et, toi, tu veux que je me marie avec ce type ?
— C’est exactement ce que je veux, oui. Je sais que ce n’est pas facile pour toi, mais…
— Pas facile ? Pas facile, vraiment ? Vous devriez tous avoir honte de ce que vous me demandez.
— Écoute, laisse-moi finir mes phrases, bon sang, ma puce…
— Il n’y a pas de « ma puce » ! Tu veux me réduire à épouser un homme qui n’a même pas de respect pour moi !
— Et il n’aura pas besoin d’en avoir.
— Quoi ?
Qu’est-ce qu’il a inventé encore ?
— C’est juste un mariage fictif, pour calmer ce scandale qui n’est pas bon ni pour vous ni pour moi.
— Et ensuite, quoi ? Il baisera tranquillement cette salope dans le lit conjugal ?
— Zoé !
Oui, ça m’a échappé, mais c’est exactement ce que je pense. Et c’est ce qu’elle est.
— Écoute, Zoé, j’aurais dû t’en parler avant…
— Ferme-la, Petra ! Je te conseille de la fermer avant que je prenne l’arrière de ta tête et que je le cogne sur cette table basse jusqu’à ce que tu perdes connaissance.
— Mais qui est cette fille ? Mon Dieu, quel langage !
— Je suis celle que vous avez élevée et à qui vous demandez de faire un mariage de raison avec cet homme horrible.
Mon père tape du poing sur la table. Je ne l’avais jamais vu autant en colère.
— Ça suffit ! Tu vas l’épouser et tu pourras aller te rouler dans le foin avec ton cowboy si tu veux ensuite. Mais discrètement et pas devant des caméras !
— Je ne ferai pas ça.
— Je t’assure que sinon… sinon…
— Sinon quoi ? Je n’ai pas besoin de ton argent, moi. Je n’ai besoin de rien du tout.
— Sinon ne reviens plus ici ! Cette traînée que j’ai comme fille, qui couche avec un homme presque marié, ne sera plus la bienvenue chez nous !
Je regarde ma mère qui se met à pleurer, et lui lance un regard peiné, mais je m’en vais. Je ne veux plus rester ici, avec ces gens qui sont complètement fous. J’attends l’ascenseur, mais avant qu’il n’arrive, je sens qu’on me touche l’épaule. Je me retourne sur Petra.
— Je suis désolée, je suis tombée amoureuse de lui et…
Elle n’a pas le temps de finir sa phrase que ma main atterrit sur son visage. Elle tient sa joue et me regarde, choquée.
— Entre enfoirés, vous allez parfaitement ensemble. N’oublie pas, s’il m’a trompée, c’est que c’est dans ses gênes et, un jour, il le fera avec toi. Le karma, Petra, n’oublie jamais ça !
Le ding de l’ascenseur me prévient qu’il est enfin là et je monte dedans. Elle est en pleurs et, juste avant que les portes ne se ferment, je lui fais un magistral doigt d’honneur.
— Tu seras malheureuse et ça sera bien fait pour toi.
Une fois en bas, je prends le premier taxi qui passe, il faut que je rentre chez moi tout de suite, que je me calme et que je réfléchisse à tout ça. Non, pas pour me marier avec cet homme horrible, non, ça c’est catégorique, mais de l’endroit où je vais partir. Ma décision est prise, juste après le mariage de Wayatt, je partirai dans un autre état, pour tout refaire, tout reconstruire. La branche d’ici, je vais la donner à quelqu’un d’autre et je vais créer une autre franchise ailleurs, là où personne ne me connaît et, de préférence, où ça sera plus calme. J’aimerais bien m’acheter une petite maison et avoir un cheval. Oui, pourquoi pas ? Je pourrais apprendre à monter. Ce qui est sûr, c’est que je ne veux pas rester ici, avec ces gens qui se servent de moi. D’accord, j’ai été prise sur le fait avec un autre, et alors ? J’étais célibataire, je couche avec qui je veux. C’est Cole l’infidèle dans l’histoire, pas moi. Les gens ont tendance à retourner la situation quand c’est une femme, mais, quand c’est un homme, ça ne gêne personne en revanche. C’est presque normal et ça me dégoûte cette mentalité patriarcale. Nous sommes égaux, je couche avec qui je veux, c’est tout.
Une fois chez moi, je regarde partout et ne m’y sens plus aussi bien qu’avant. Il faut que je parte, je ne peux plus rester ici. Je décide d’aller ailleurs pour pouvoir réfléchir et me détendre en même temps, alors je me prépare une valise dans laquelle je mets le plus important et je pars, en claquant la porte. En bas de chez moi, je hèle un taxi pour qu’il m’emmène vite à l’aéroport.
Une fois dans l’aérogare, je regarde les prochains vols possibles. N’importe où, mais pas trop loin du Texas, je ne veux pas avoir à faire trop d’heures d’avion pour retourner finir l’organisation du mariage de la miss Jackson. Je repère Victoria, au Texas, avec une escale à Dallas. Ce n’est pas très loin de Jacksonville, sans être trop près ni très loin de New York, j’y serai donc vite. J’attrape mon téléphone pour chercher la ville. Ce n’est pas une petite bourgade, mais c’est cosy et j’aime beaucoup les photos que je trouve. Allez, hop, je prends mon billet, c’est décidé.
L’aéroport est rempli, les gens courent partout, c’est la folie. Ces gens vont tous rejoindre leurs familles alors que, moi, je cherche à la fuir. Quand j’arrive à me frayer un chemin vers la porte d’embarquement, je suis soulagée. Je ne suis même pas triste en montant dans l’avion, je suis toujours en colère contre ma vie, contre ces gens que j’aime. Ma liberté, c’est toujours ce à quoi j’accordais une importance et ce n’est pas maintenant qu’on va m’imposer quoi que ce soit.
Quand j’arrive enfin dans cette ville, après d’innombrables heures de vol, je ne suis pas déçue, j’adore ce que je vois. Je tire ma valise jusqu’au premier hôtel que je vois où j’ai, au début, beaucoup de mal à comprendre ce que le concierge me dit. L’accent est encore plus présent qu’à Jacksonville et, pourtant, ils ont déjà un haut niveau là-bas. Quand je suis enfin dans ma petite chambre, je souris à pleines dents. Ce n’est pas un grand luxe, mais j’aime beaucoup cette simplicité.
Mon téléphone n’arrête pas de sonner et je me décide enfin à le regarder. Je me doute que plusieurs appels proviennent de ma famille, mais je n’ai même pas envie de savoir ce qu’ils ont à dire, mais, comme j’ai aussi une entreprise, je me dois d’être professionnelle. Bon, je n’ai reçu aucun appel depuis longtemps et je pense qu’après mon propre scandale, ils ne voudront plus engager la traînée, comme dit mon père, je garde quand même espoir. Mais ça devra attendre demain, car, pour le moment, la seule chose que je veux, c’est dormir.
Le lendemain, quand je me réveille, je décide qu’il est temps de regarder mon téléphone. Il y a mes parents, bien sûr, Cole aussi et un numéro que je ne connais pas. Je me demande tout de même si ce n’est pas un piège… Bah, au pire, je raccrocherai si c’est le cas, alors je rappelle.
On me répond au bout d’une sonnerie et ce n’est pas du tout quelqu’un à qui je m’attendais.
— Allô ?
— Il faut qu’on se parle.
— Euh… C’est qui ?
— Omalé Mac Bryant.
Je souffre intérieurement. Oh, il ne veut pas me laisser tranquille ? Maintenant, il me pourchasse.
— Écoute, je t’ai déjà dit que je n’étais pas intéressée.
— Je le sais, je n’appelle pas pour moi, mais pour mon frère.
— Ton frère ?
— Oui, Wayatt.
En entendant son prénom, mon cœur se met à palpiter plus vite.
— Pourquoi tu m’appelles de sa part ?
— Il ne sait pas que je t’appelle, il faut qu’on se voie, Zoé.
— Je ne vois pas pourquoi. Pour le mariage, je…
— Aucun rapport, je sais pour vous deux.
Les bras m’en tombent. S’il le sait, il y a des chances que la future mariée aussi. Je me demande s’il ne prêche pas le faux pour connaître le vrai, alors je préfère nier.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Oh si, tu le sais parfaitement, et j’ai besoin de te parler de ça.
— Écoute, même si ce que tu penses est vrai, ton frère va se marier et…
— Il ne faut pas qu’il le fasse.
— C’est son choix.
Oui, quoi dire d’autre ? J’aimerais que ce mariage soit annulé, que cet homme soit à moi, mais je sais parfaitement que ça n’arrivera pas.
— On pourrait se voir et en parler ? S’il te plaît ? Je fais ça pour mon frère, je ne peux pas le laisser se marier. Je peux venir à New York, pas de souci.
— Je n’y suis pas.
— Tu ne devais pas retrouver ta famille là-bas ?
— Si, mais… je suis à Victoria.
— Victoria… Au Texas ?
— Oui.
— Oh, mais c’est parfait, ça ! J’y serai dans cinq heures environ. Je t’appelle quand je suis en ville. À tout à l’heure.
Il raccroche avant même que je puisse dire quoi que ce soit. Je regarde l’heure, il est encore tôt. Je ne sais pas ce qu’il veut me dire, mais, en même temps, je suis curieuse de savoir. Je me demande si j’ai perdu mon job ou pas, car, faire des galipettes avec le marié, je suis presque sûre que c’est une clause pour rompre le contrat. Je rigole de ma bêtise, mais ce n’est pas drôle. D’un coup, tout le poids de la journée d’hier remonte dans mon estomac et je cours aux toilettes pour vomir. Je ne sais pas si dans l’avion, j’ai mangé quelque chose qui ne passe pas, mais je ne me sens vraiment pas bien du tout et je reste un long moment dans la salle de bain à me vider. Je me traîne ensuite jusqu’à la douche, où je me lave et essaie d’enlever l’odeur de vomi qui est imprégnée dans mes cheveux. Je réfléchis à ce qui aurait pu me rendre malade, mais, à part la nourriture, je ne vois pas, et puis, d’un coup, ça me fait comme un uppercut et je suis obligée de m’asseoir. Je n’arrive plus à rester debout après cette révélation : je n’ai pas eu mes règles ! Je suis pourtant toujours indisposée comme du papier à musique. Si je suis enceinte, ça ne peut être que la première fois où on a fait l’amour, cette fois qui a duré juste quelques secondes et qui a été immortalisée par le photographe.
Je réfléchis à toute vitesse…
Il faut que je sois sûre, que j’aille vérifier par moi-même. Je sors de la douche, m’habille vite, qu’importe le style, j’attrape mon sac et sors de l’hôtel. Je cherche une pharmacie et la vendeuse me regarde bizarrement quand je lui demande un test de grossesse. Ils ne font pas comme ça, ici ? Mais je m’en fiche, je ne pense plus qu’à une seule chose, je veux savoir. Je me dépêche de rentrer dans ma chambre d’hôtel et je n’ai même pas la patience d’attendre d’avoir enlevé mes chaussures pour aller le faire. Je cours dans la salle de bain, sors le bâtonnet, fais pipi dessus et j’attends. Je trouve que c’est interminable, les minutes passent pour des heures et quand je constate que c’est enfin bon, je prends le test pour le regarder.
Je ne sais même pas quelle réaction avoir… Déception ou joie ?

Le Ranch Mac Bryant Où les histoires vivent. Découvrez maintenant