Louis compte les jours depuis qu'il a déposé sa candidature au Conservatoire de Paris. Grand passionné de danse, il a bien l'intention de mettre à profit les vacances d'été pour se perfectionner et atteindre le niveau de ses idoles.
Malheureusement...
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— Tu viens te promener un peu avec moi ?
J'ai du mal à mettre mes idées en ordre, mais je hoche la tête. Je m'apprête à enfiler mes chaussures avant de faire demi-tour. Je me précipite vers la cuisine, trouve un stylo et un papier, et je griffonne quelque chose à l'attention de Harry.
Je suis sorti avec ma mère, ne t'inquiète pas. Bisous, Louis
Je reviens devant ma mère qui est un peu surprise de me voir réapparaitre dans l'embrasure de la porte, mais c'est bon, je suis prêt. Elle reste d'abord silencieuse, réfléchissant probablement à chacun de ses mots. Nous descendons tranquillement la côte, en direction de la rue principale de Manarola.
— Je ne voulais pas t'en parler au début. Puis je me suis dit que tu es assez grand pour comprendre, et que tu as le droit de savoir.
Je me tais, et je m'efface.
— Je tiens en premier lieu à te présenter mes excuses, mon chéri. J'ai été en colère contre toi de me reprocher ces vacances en famille. Mais j'ai essayé. Vraiment.
Je baisse la tête, un peu honteux de mon comportement.
— Pardon. Je n'aurais pas dû dire ça.
— Ça n'a jamais été facile d'être tout le temps la méchante. Mais j'ai été obligé de prendre ce rôle. Je suis consciente d'avoir souvent été sévère avec vous, mais... Dans l'éducation, il y a des "non" qui sont légitimes. Je ne dis pas que les miens l'ont tous été, mais j'ai toujours dû faire la balance face à...
Mon père. Je sais qu'elle ne dira pas du mal de lui devant moi, et ça me rassure. Je n'ai pas envie de me sentir écartelé entre deux pôles contraires.
— Ça allait mal avec ton père depuis des années, on s'est juste voilé la face. Il n'arrivait pas à satisfaire mes exigences, je n'arrivais plus à être la douce et tendre Abby qu'il a connue au détour d'une permission. Les enfants viennent complètement chambouler un couple. Parfois ça le renforce, d'autres fois, le quotidien nous happe, et on s'oublie. Surtout pour nous, les femmes, qui avons malgré toute la responsabilité d'un foyer sur les bras.
Soudainement, je pense à Chloé qui est toujours derrière Mael, malgré leur faible écart d'âge, à Emma qui malgré tout gère d'une main de maître la routine bien huilée d'elle et de son fiancé. Je ne m'en étais pas rendu compte. J'ai longtemps imaginé que ma mère avait une autorité naturelle, étoffée par l'armée, et que mon père était un grand hippie dans l'âme.
— Pourquoi vous me l'avez caché ?
Elle soupire alors que nous passons à côté de petites boutiques pleines de produits locaux, de salons de glace, et des restaurants de marins typiques qui ouvrent pour offrir un petit déjeuner aux touristes.
— Louis, ça prend du temps de savoir nous-mêmes que notre couple va mal, alors comment aurais-je pu t'en parler ? Ce n'est pas aussi binaire. Ce n'est pas : un jour ça va, et puis tout à coup tout sombre dans le chaos. Ce sont de minuscules choses qui s'accumulent, et qui finissent par faire moisir un mariage.
