Hayden.fr

Chapitre 15

PDV Marie :

Aujourd'hui j'ai parlé à Sacha. THE Sacha. J'étais sur le c*l. 

Elle avait semblé si abordable, si fragile avec son maquillage qui coulait sur les joues et elle aussi faisait de la couture ? Nous étions dans un monde parallèle. Je me pinçais, mais visiblement rien n'avait changé.

Elle m'avait touché, notre petite discussion m'avait donné un aperçu de qui elle était vraiment quand elle n'était pas avec ses amis. J'étais contente à ce moment là de ne rien avoir trouvé ni envoyé à Hayden sur elle. Je me demande pourquoi elle pleurait, j'avais décidé de ne pas poser de question car une chose était sûre dans ce lycée, tout se savait.

***

Dès le lendemain matin, je sus ce qu'il s'était passé. L'histoire de la clé USB avait fait le tour des Terminale, j'entendais les chuchotements "comment a t'elle pu faire ça à ses amis ?" et tout un tas d'autres remarques inutiles qui ne concernaient même pas la clé USB mais plutôt son physique ou son comportement. 

Au début je ne su pas trop quoi en penser. Puis au fur et à mesure que mon cerveau assemblait les pièces du puzzle une chose devint évidente : on ne se met pas dans des états comme elle était hier si on est coupable. Je la savais assez intelligente pour ne pas se balader avec la preuve même de ses crimes presque à la vue de tous. Sacha était populaire mais pas une connasse. 

Quand elle entra dans le lycée, toujours apprêtée et la tête haute, le silence se fit. Je me doutais que c'était une façade, ses mains tremblaient quand on regardait bien. Mon corps commença à marcher vers elle, sans que je ne comprenne vraiment ce qu'il se passait. Je m'arrêtais à une distance suffisante pour qu'elle me voit mais assez en retrait pour que ça ne paraisse pas louche aux yeux des autres élèves. Nous avions parlé dix minutes hier et à part une passion commune rien ne nous liait. Ha si, une tentative d'effraction du domicile de ses parents. Je devais me racheter pour cela.

Elle se dirigeait vers moi. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite car j'étais dans mes pensées, les autres élèves aussi avaient l'air bouche bée devant ce retournement de situation.

- ça te dit qu'on bouge d'ici ? Il y a des coins sympas et loin des regards dans les jardins de l'école.

Je la suivis, elle m'emmena dans un coin isolé, après m'avoir remercié de l'avoir aidé à sauver les apparences on commença à parler de tout et de rien. Des cours, de la couture, de la lecture. Quand la sonnerie retentit pour notre premier cours je fus surprise, le temps était passé si vite en sa compagnie.

- Je rêve ou tu traines avec une populaire, elle avait besoin d'un bouche trou. La voix moqueuse d'Alexandre me fit sourire.

- Je viens de lui sauver la vie devant tout le lycée monsieur, je te la présenterai ce midi si tu veux. Elle s'appelle Sacha pour info et elle n'est pas hautaine comme les autres filles populaires.

- Si tu le dis.

***

Le midi même Alexandre et Sacha se rencontraient, je savais qu'ils se plairaient mutuellement. Cupidon ayant accompli sa mission on s'installa dans le jardin sous un chêne en haut d'une petite montée. C'était l'endroit idéal pour avoir une vue sur tout le lycée et sa cour et en même temps rester à l'écart des autres. La conversation allait bon train entre nous trois. Sacha et Alexandre avaient tous les deux été bannis de leur bande, Sacha avait même été bloquée par tous ses anciens amis et retirés des conversations de groupe sur les réseaux sociaux. Cela la touchait beaucoup plus qu'Alex qui était clairement détaché, même si je soupçonnais qu'il y avait un fossé entre ses émotions et ce qu'il laissait transparaître. 

Personnellement, j'étais heureuse d'avoir un petit groupe, nous avions créé du lien durant ce dernier mois. Loin de la cohue. On s'échangeait nos livres, on débattait de sujets d'actualité, avec Sacha on se donnait des conseils couture, le thème du bal avait été annoncé mais comme elle en était l'organisatrice elle avait peur d'un boycott de la part des élèves.

Les listes avaient repris bon train, je continuais de les imprimer et de rayer les élèves mentionnés. Nous n'étions plus qu'une vingtaine à ne pas avoir été ciblés. L'étau se resserrait pour savoir qui était Hayden d'un côté, de l'autre, les groupes déjà tous mentionnés s'étaient détendus. Tout n'était pas rentré dans l'ordre mais l'ambiance s'était nettement détendue. A deux mois du gala et du bac, cela donnait une bouffée d'air frais à cette école. Ceux qui traquaient Hayden avaient cessé la chasse à la sorcière, en pensant sans doute que le dernier sur la liste serait le coupable. Cela m'inquiétait, C'était trop calme pour rester ainsi.

***

Les dons de voyance de Marie avaient encore frappé. C'était un jeudi, au moment ou la sonnerie de la pause déjeuner retentit, quelque chose se passa. Je sortais en même temps qu'Alexandre pour voir des visages ébahis, crispés. Une fille pleurait dans les bras de ses amis. Une liste. Un grognement retenti du bout du couloir, un mec en furie débarqua, arrachant toutes les listes sur son passage. Il était rouge de colère et me parut menaçant. Arrivé au niveau de la pauvre fille en larme, il beugla.

- C'est toi hein ? C'est toi qui as envoyé ça à Hayden ? On était tranquilles et t'as tout niqué. Tu te prends pour qui ? T'es qu'une ...

Un professeur intervint pour éloigner le garçon. Je ne l'avais jamais vu, pourtant sa carrure ne pouvait pas se louper. Ma curiosité était maintenant piquée et je sentais qu'à côté de moi Alexandre perdait patience. Je lui avais partagé la maladie du potin.

Mon Dieu.

Ce n'était pas un potin, c'était bien plus grave que ça. La liste comportait trois prénoms, trois prénoms de trop. Les larmes montèrent. C'étaient trois garçons. C'était la première fois qu'Hayden n'était pas sarcastique, c'était la première fois que c'était grave à ce point.

" Les trois prochains noms de la liste sont des personnes abjectes, à vomir, à bannir de ce lycée. Aujourd'hui, il n'y aura pas de potin, mais la présentation de trois coupables. 

- Thomas

- Ugo

- Camil

Ces trois êtres immondes sont coupables d'un v**l et d'agressions se**elles sur au minimum une des élèves de ce lycée et une autre du lycée public voisin. Une plainte est en cours, à toutes les victimes : nous vous croyons. J'espère que vous aurez le courage de témoigner et de porter plainte pour que ces personnes reçoivent la punition qu'ils méritent et soient jugées comme il se doit."

J'avais la nausée, ça allait trop loin. Alexandre m'accompagna jusque dehors, il avait lui aussi l'air secoué. On retrouva Sacha en pleure sous le chêne. Moi aussi, sans m'en rendre compte des larmes roulaient sur mes joues. On prit le temps d'en parler tous les trois pour trier nos émotions qui mêlaient de la rage, du dégout envers les agresseurs et de la pitié pour cette fille qu'on voulait soutenir. 

Hayden était hors de contrôle, d'une part d'exposer une victime qui voulait potentiellement rester anonyme et se reconstruire comme elle l'entendait et d'autre part de nommer ces agresseurs qui pourraient s'en sortir si un vice de procédure, du à la liste, était prouvé. Elle avait brisé l'équilibre fragile que nous avions bâti ce dernier mois et avait décidé de révéler des secrets qui auraient une incidence sur la vie, en dehors du lycée, de certains élèves. Nous étions montés d'un cran, j'avais peur du moment où mes amis et moi serions sur la liste si celle ci s'intensifiait. Je n'avais plus envoyé de noms ou de potins depuis des semaines, je savais que j'étais sur la sellette comme tout le monde.

Il ne me restait plus qu'une solution : trouver Hayden avant que mon nom ou celui de mes acolytes ne soient placardés sur un mur du lycée.