Chapitre 12

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- Appel -

- Allo, que puis-je faire pour vous?

- J'ai des informations sur une cache pour la vente de drogues.

- Je vous écoute monsieur...

- Fin appel -

PDV Marie


Il fallait franchement que je pense à me réorienter et à postuler à la DGSI. Depuis le début de cette aventure j'avais déniché une dizaine de secrets. Je n'étais pas désolée, tous ceux que j'avais visé l'avaient mérité d'une manière ou d'une autre. Certains s'étaient moqués ou m'avaient insultés, d'autre avaient profités de moi pour arriver à leurs fins. C'était le cas d'une des filles de ma classe qui avait volé un de mes projets pour remonter sa moyenne par exemple. Son nom était sur la dernière liste "Madeleine Thomas, nous savons tous que tu aimes faire la fête mais la prochaine fois que tu renverses un piéton avec ton scooter pense à ne pas faire un délit de fuite. Monsieur XX est dans la chambre 108 de l'hôpital Salpêtrière si tu veux prendre de ses nouvelles".

J'avais fait une liste des personnes dont je devais m'occuper. Il y avait une quinzaine de noms, ma mission était donc presque complète. Mon mode opératoire était rodé : je récupérais l'emploi du temps de la personne pour le comparer avec le mien. Lorsque celle-ci était en cours et que c'était une pause pour moi, je me faufilais jusqu'aux casiers pour farfouiller. Tout le monde laissait trainer plein de choses intéressantes là-bas. Quand mes trouvailles n'étaient pas concluantes, je suivais la personne discrètement pour écouter ses conversations. Bon, autant vous le dire tout de suite, mes révisions pour le bac étaient passées en second plan depuis le début de cette épopée.

J'avoue avoir poussé un peu loin parfois.

L'autre jour par exemple, j'ai surpris une conversation entre Lily et Charli. Ça avait l'air plutôt secret et ça a vraiment piqué ma curiosité. Il s'agissait de Sacha, je n'avais rien contre elle, malgré sa richesse et sa popularité elle avait toujours été gentille avec moi le peu de fois ou nos chemins s'étaient croisés. Sauf que j'avais besoin de ce gossip. Pas par esprit de vengeance, non, plutôt pour ne pas apparaître sur les listes. A force d'écouter les conversations et après avoir scruté les listes je m'étais rendu compte que tous ceux qui avaient révélés un secret n'avaient, pour le moment, pas été mis sur une liste.

Je regrette ce que j'ai fait ce jour-là, mais l'obsession presque maladive d'échapper à la liste et d'enfin remettre à sa place tous ceux qui étaient sur un piédestal depuis trop longtemps était tentante. Pour la première fois de ma vie j'avais suivi une personne jusqu'à son domicile. Sacha avait dû avoir peur quand elle m'avait aperçu dans sa chambre. Les semaines qui ont suivi j'avais même peur qu'elle reconnaisse ma silhouette si je venais habillée tout en noir à l'école. Une vraie parano.

Ma mère m'avait fait plusieurs remarques sur mes absences répétées et sur le fait que je rentrais de moins en moins directement après les cours. Elle avait perçu un changement sans même connaître l'existence des listes. Plusieurs mois s'étaient écoulés, même si les listes continuaient de sortir, les parents restaient à l'écart de cet événement majeur de nos vies. Les professeurs avaient d'abord informés la directrice qui avait décidé qu'il ne fallait pas affoler plus de monde. La vérité c'est qu'elle voulait préserver la réputation du lycée, on le savait tous. Une des listes était parue la semaine avant les portes ouvertes, elle ne pouvait pas se le permettre. Je comprenais sa tactique d'une certaine manière, elle devait soutenir l'école et ce qu'elle représentait. Dans un même temps, elle avait claqué la porte aux élèves listés qui, pour certains, avaient besoin d'aide, d'un accompagnement ou juste de conseils de la part d'un adulte.

C'était dommage.

Oui tout le monde était plus focalisé sur les cours (bon sauf moi qui devais dégotter les potins) et les moyennes générales avaient grimpées mais le moral était bien bas et l'ambiance générale morose. Certains élèves avaient parlé à leurs parents, notamment ceux qui faisaient partie des représentants des parents des élèves. Ce sont les seuls qui avaient déboulés dans le bureau de la directrice pour lui demander des comptes. Encore une fois rien n'avait changé devant les arguments des notes en hausse et la baisse des heures de colles.

Aucun adulte ne nous aiderait.

Dans ma classe, considérée comme marginale puisque nous étudions la littérature, l'ambiance avait fait un virage à 180° depuis que Nathan était apparu sur la liste. C'était le tout premier L à y être et c'est moi qui avais envoyé son secret. Pas par méchanceté, mais plutôt pour que quelqu'un réagisse et lui vienne en aide, à lui et sa mère. Ses propres potes, les garçons avec qui il était le plus proche n'avaient même pas idée de ce qu'il se passait chez lui. J'avais découvert par hasard que son père était violent. Un soir en rentrant d'un cours de soutien sous une pluie battante j'avais entendu une porte claquer violemment. Pensant que le vent avait ouvert le portillon à l'arrière de la maison, j'étais partie le fermer. Sauf que le portillon était clos.

A quelques mètres, en face, un homme imposant se tenait. Il faisait peur et était tellement grand que je n'avais au début pas remarqué la silhouette recroquevillée à ses pieds. J'étais impuissante face à ce spectacle. Comme il ne m'avait pas remarqué je m'étais rapprochée pour savoir si appeler la police était nécessaire.

« Sale petit merdeux, plus jamais tu te dresses entre ta mère et moi. Je fais ce que je veux dans ma maison c'est compris ? Tu me refais une fois ça, je te mettrais à la porte définitivement. »

Ces mots vociférés étaient d'une violence inouïe. Le garçon se releva tant bien que mal en tenant ses côtes. C'est à ce moment-là que j'avais reconnu Nathan. Lui, toujours joyeux subissait des violences dans son foyer. En espionnant discrètement par une fenêtre j'avais compris qu'il n'était pas le principal concerné des coups, sa mère pleurait. Elle était dans une robe de chambre bien trop fine pour la saison, les manches courtes révélaient un énorme hématome sur ses bras frêles et il ne semblait pas être la seule tâche bleue sur son corps. J'étais stupéfaite.

Je pensais vraiment lui venir en aide en envoyant un message à Hayden, sauf que ça avait été tourné en moquerie. Depuis le jour où la liste était sortie, il n'était plus revenu en cours et cela ne risquait plus d'arriver du tout puisque la semaine dernière la police avait perquisitionné son domicile pour y trouver des stupéfiants. Je n'en savais pas plus, mais ce qui était sûr c'est que son année était gâchée.

J'avais essayé de me rapprocher de son meilleur ami Alexandre pour prendre de ses nouvelles. Je me sentais quand même coupable pour cette révélation.

Alexandre était fermé, il ne voulait pas parler de Nathan et j'avais l'impression que lui aussi se sentait coupable. C'était vraiment un gars bien, discret mais très gentil. On se parlait peu mais j'avais décidé de le soutenir dans cette épreuve, c'est pourquoi pour deux projets de groupe je lui avais proposé qu'on bosse ensemble. Il avait une bonne moyenne ce qui m'arrangeait bien aussi pour augmenter la mienne. J'espérais que mon karma s'améliore un petit peu grâce à cette bonne action.



Hayden.frOù les histoires vivent. Découvrez maintenant