...prise de panique...

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Prise de panique, je me précipite à l'extérieur, comme si, sur un coup de chance, je pouvais apercevoir ma sœur dans la foule. Mais rien.

Sans surprise.

L'air me manque, la panique me gagne de plus en plus au point de me comprimer les poumons et l'estomac. J'espère encore me tromper, j'espère avoir tort et la voir débarquer avec son air désabusé. Mais rien.

Autour de moi, je sens des regards indiscrets et des murmures que je peine à remarquer. Je suppose qu'il s'agit des témoins. Leur présence m'oppresse encore plus, je me sens sur le point de craquer. Toutes les décisions que j'ai prises n'ont plus aucune importance sans Yemaya.

Ce voyage n'a plus de sens.

Une sensation de défaite me pèse sur les épaules.

Tout ça pour rien.

— N'ai pas l'air aussi surprise fille de lumière, je t'avais prévenue.

Dans un sursaut je me retourne vers la voix rocailleuse qui s'adresse à moi. Je suis surprise de tomber sur Madame Konaté qui, depuis que je la connaît, n'a jamais quitté sa tente de velours.
Elle se tient pourtant là contre une canne de fer blanc et me fixe avec un de ses sourires narquois, un masque peint du rouge lui mangeant la moitié du visage.

— Qu'est ce que tu veux ?

Elle plisse ses yeux puis s'avance difficilement vers moi. Sa canne frappe le sol de terre d'un coup sec à chacun des 7 pas qu'elle fait vers moi. Elle doit faire 2 têtes de moins que moi, les creux que forment ses rides sur son visage m'apparaissent de façon plus clair, ses bras tremblent légèrement, elle n'a jamais autant ressemblé à une vieille femme et pourtant elle n'en est que plus effrayante. Ses yeux me transpercent et ses doigts s'agrippent à la canne comme des griffes acérées.

— tu es retourné au marché noir, dit elle simplement en se plaçant juste devant moi.

J'ouvre la bouche pour baraguouiner une explication, mais elle m'arrête d'un geste.

— tu as trouvé ce que tu cherchais ?

Dans ses yeux je vois danser une lueur de malice.

— oui, me contenté je de répondre.

Elle acquiesce, puis me fait signe de me baisser à son niveau. Voyant mon hésitation, elle me saisit le bras afin que mon visage soit à son niveau. Puis dans un souffle elle me glisse à l'oreille.

— tu auras besoin d'aide sur ton chemin

Je la sens glisser un objet dans la paume moite de ma main.

— tu tomberas forcément sur un camp de femme, montre leur ça et dit que tu viens de la part d'Adélaïde.

Je resserre mes doigts autour de l'objet froid, avec la sensation de ne pas mériter la rare gentillesse de mon interlocutrice.

— je ne peux pas partir sans Yemaya

Konaté me laisse me redresser, pour ensuite me fixer d'un air désabusé.

— je n'ai pas dis le contraire
— ils l'ont pris, c'est fini, ça ne sert plus à rien de partir

Elle soupire et balaie ma remarque d'un geste avant de lentement faire demi-tour.

— arrête de perdre ton temps à t'apitoyer sur ton sort et trouve une solution, tu as toutes les clés en main, personne ne va s'en servir à ta place. Adieu fille de lumière.

Je regarde l'objet qu'elle a placé dans ma paume, une bague, gravée de symboles.

Tu as toutes les clés en main.

ALKEBULAN T.1.Le cœur du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant