...comment tu sais...

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— Comment tu sais ? je ne vois rien, indique Sekani en scrutant le ciel, les sourcils froncés.

— L'air me pique le nez, dit elle, la tête toujours relevée.

Elle n'a pas l'air de mentir, sa cage thoracique se soulève à intervalles irréguliers et elle fixe le ciel, les yeux écarquillés à la recherche d'un signe, n'importe lequel, qui pourrait prouver son ressenti.

Elle est terrifiée.

Pourtant le ciel est bleu, le soleil tape au dessus de nos têtes comme il l'a fait ces derniers jours.

Aucun nuages n'annoncent de pluie.

— On doit se mettre à l'abris avant que ça tombe, insiste t'elle.

Sa voix tremble, elle ne feint même pas de le cacher. Je relève les yeux vers le ciel, espérant apercevoir le moindre signe de pluie pour la soutenir.

Mais rien.

Le soleil m'aveugle, ma transpiration me colle les cheveux à la peau et celle ci me démange de plus en plus. Je n'ai pas envie de m'attarder plus longtemps ici.

— On s'est déjà reposé tout à l'heure, on ne va pas s'arrêter maintenant, réplique Sekani en reprenant la marche.

Elle se précipite vers lui et lui prend la main, suppliante.
J'ai la langue pâteuse et la gorge sèche. Je sors de mon sac l'autre moitié du concombre et croque dedans pour me donner l'illusion d'avoir quelque chose à boire.

Tu ne tiendras pas comme ça.

— Je t'en pris, je ne mens pas, il va pleuvoir.

Pourquoi mentirait elle ?

Sekani la toise, peu convaincu. Une sueur froide me parcoure le long du dos.

Je sens la fièvre monter peu à peu. Je fouille dans mon sac à la recherche de mes pastilles blanches.
Rien.
Je fouille encore, dans toutes les poches, passant ma main dans tout les recoins.
Rien.

Tu n'as plus de morphine.

La panique me gagne. Il faut qu'on trouve un abris avant que je sois complètement hors de contrôle.

— On ne devrait pas prendre de risque, j'interviens.

La jonquille lève vers moi des yeux reconnaissants, soulagée qu'au moins une personne soit de son côté. En guise de réponse Sekani souffle fort, comme si le simple son de ma voix l'agaçait.

— Si elle a tort, on partira au bout de quelques minutes, mais si elle a raison on aura pas été pris par surprise.

— Ou alors, on peut juste continuer de marcher et se mettre à l'abri s'il y a des  nuages qui se pointent.

Son ton est froid, catégorique. Je fronce les sourcils.

— Si une seule goutte tombe sur la bouteille d'oxygène c'est fini pour nous, tu as vaiment envie de prendre ce risque ?

Après un silence pesant, il se contente de soupirer. Puis sans un mot il se dirige vers les immeubles  en ruines qui nous entourent, trainant derrière lui la bouteille d'oxygène.

— Merci Fayyisa, me glisse Maia en se replaçant près de moi.

— De rien.

— Je ne mens pas, je t'assure qu'il va pleuvoir, souffle t'elle en me fixant de ses grands yeux noirs.

Ne sachant quoi faire d'autre, je me contente d'acquiescer. Je devine un sourire soulagé sous son masque.
Une violente migraine me compresse le crâne. Je suis obligée de m'arrêter et de me tenir les tempes le temps que ça passe.

ALKEBULAN T.1.Le cœur du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant