...mon esprit est embrumé...

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Mon esprit est embrumé.
Je ne réagis pas quand on se trouve enfin sur le bateau, mes pieds foulent le sol en fer sans vraiment y croire.

Vous partez.

Mon corps tout entier semble coulé dans du béton, comme si toute la fatigue accumulée depuis plusieurs jours s'abattait sur moi d'un coup.

Vous partez.

Je ne dis rien quand on nous fournit de nouvelles capsules d'oxygène, c'est à peine si je profite de l'eau et de la nourriture qu'on nous propose.

Tout était vrai. Tout, de la carte

Au bateau,

Une boule se niche au creux de mon estomac, une mélange d'excitation et d'appréhension. L'existence d'Alkebulan se confirme de plus en plus.

C'est indéniable.

Yemaya est allongée dans une des cabines qu'on nous à fournit, sans doute avec Sekani à son chevet. Je ne sais pas où se trouve Tara, mais je suppose qu'elle ne peut pas aller bien loin.
Un vent timide et gorgé de sel s'engouffre dans mon cou et mes cheveux. Le bateau trempe dans l'oçan, l'eau clapote contre la coque et scintille de mille feux à mesure que la journée se poursuit.
Ça fait maintenant plusieurs heures qu'on est arrivé et pas une minute ne s'est écoulée sans que des déserteurs montent à bord.
Des femmes et des hommes venus des quatre coin du continent, j'aperçois même des enfants, assoiffés, la peau sur les os et me demande à quel point le voyage à dû être difficile.
Les visages sont tous creusés, les corps affaiblis, mais tous sans exception sourient, des sourires que je n'ai jamais vu à La Muette, des sourires remplis d'espoir.

Il n'y a aucun Nervidien.

Je suis la seule sur ce bateau, la seule sans doute à avoir une raison de fuir un système qui ne me contraint pas. Je croise parfois des regards mais je n'arrive pas à savoir s'ils sont juste surpris ou

Haineux.

Soudain, je remarque parmis les nouveaux arrivants, une personne dissimulée sous une capuche sombre, le tissus est bien trop épais pour la chaleur étouffante qui nous entoure.
Je fronce les sourcils lorsque je remarque ses mains.

Blanches comme du lait.

Mes pensées vont à la chasseuse, mais elle ne prendrait pas un tel risque. De plus l'inconnu a les épaules plus carrées et deux bonnes têtes de plus.

Qu'est ce qu'un Caucasoïde fait sur un bateau en partance pour la vieille terre ?

Je continu de l'observer longtemps, laissant les soupçons creuser un chemin empoisonné dans mon esprit.

— C'est rare de voir une Nervidienne sur mon bateau.

Je me retourne, étonnée qu'une personne daigne s'adresser à moi. J'étouffe un hoquet de surprise lorsque je constate que mon interlocuteur est un Caucasoïde, de longues dreadlocks grises sont réunis en chignon sur sa tête. Il me fixe curieusement avec le seul œil qui lui reste, d'un noir profond. Le masque qu'il porte est transparent avec vitre embuée laissant entrevoir le bas de son visage. Il a croisé ses bras fin dans son dos et esquisse un sourire en voyant que je le dévisage.
Il est très peu couvert, portant seulement un pantalon blanc, son torse strié de tatouages aux significations inconnues est totalement exposé au soleil.

Audacieux pour quelqu'un susceptible d'en mourir.

— Je suppose que ça doit aussi être rare de croiser un Caucasoïde au soleil, réplique t'il devant mon silence.

— Je m'excuse, je ne voulais pas...

— Ne t'en fais pas, je suis conscient de ce que mon apparence renvoie, mais je suis capitaine de ce bateau depuis au moins 40 ans et je ne suis jamais tombé malade.

ALKEBULAN T.1.Le cœur du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant