05. Témoins silencieux

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Ivoire Heart

9 septembre 2017...00h04...Salem.

Le bruit que fait la poignée de la porte de ma chambre lorsqu'elle s'abaisse, me fait tourner le menton. Mon regard s'offre au visage de ma sœur qui dépasse de l'embrasure de cette dernière.

A l'aide de sa main, elle pousse l'ouverture et la laisse s'ouvrir totalement avant de rentrer dans la pièce.

-Tu aurais dû venir.

Esther se laisse tomber sur mon lit, rebondissant légèrement sur le matelas.

-C'était...wow. Je n'ai pas les mots. Continue-t-elle.

Assise sur la chaise de mon bureau, je me lève quelques secondes afin de la déplacer pour lui faire face.

-Il y avait qui ?

Sa tête vire sur le côté et son bleu s'implante dans mon vert.

-Un tas de gens que tu ne dois sûrement pas connaître.

Ses pupilles brillent d'une drôle de façon et ses lèvres sont pincées l'une contre l'autre lorsque son regard se fixe de nouveau sur le plafond blanc de ma chambre.

-Il y avait un garçon.. Il était tellement beau.

-J'en doute. À chaque fois que tu trouves un garçon beau, il s'avère qu'il est repoussant.

-Je te rappelle que la beauté est subjective Ivoire. Heureusement pour toi d'ailleurs, sinon je n'imagine même  pas comment sera le reste de ta vie.

Elle se tait, me laissant apprécier le court instant de silence qu'elle me procure. Pour tenter de faire abstraction de sa parole cinglante, mes yeux vagabondent tels deux étoiles cherchant à prendre place dans le ciel.

Je l'ai cherché après tout, je n'aurais peut-être pas dû dire ça.

Au moment où ils trouvent le parfait emplacement sur l'un de mes posters, représentant une bouche entrouverte et recouverte d'un joli rouge avec une allumette fumante posée sur la langue elle reprend :

-Son déguisement le rendait encore plus beau, il a voulu danser avec moi en plus. Ensuite, il m'a embrassé...

A vrai dire, je me fiche un peu de ce qu'elle peut bien me raconter. Je sais que lorsqu'elle se rend à des soirées, elle plait. Elle a toujours plu, car de nous deux, Esther a toujours été la plus jolie. Toujours. Elle en a conscience, en joue et se donne un malin plaisir à me le rappeler quand elle en a l'occasion.

Un rire sort de sa bouche, résonnant dans la pièce éclairée par la lampe de mon bureau.

-Tais-toi, les parents dorment. Ne les réveillent pas.

Ses longs doigts manucurés prennent immédiatement place sur ses lèvres, tentant d'arrêter cet éclat de rire.

-Désolée, je viens juste de penser que toi, contrairement à moi, personne ne t'avais jamais embrassé.

Son index droit se promène sur son visage et vient essuyer une minuscule larme.

-J'ai un peu de peine pour toi quand même.

La vérité, c'est qu'elle a raison. Aucun garçon n'a jamais posé ses lèvres sur les miennes. En fait, aucun garçon ne s'est jamais véritablement  intéressé à moi. Ils ont pourtant essayé de me prouver le contraire mais je ne les ai jamais crus.

Il y en a un qui s'est intéressé à moi, spécialement pour se rapprocher de ma sœur. Un autre avec qui je m'entendais plutôt bien, cependant au moment où il a appris qui était ma sœur, il m'a quelque peu délaissée pour Esther car « deux pour le prix d'une c'est plus rigolo ».

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