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Le lendemain, Victoria se leva, à la fois triste et énervée. Il en était assez. Elle voulait voir son mari avant le jour de leurs noces.
Elle ne l'avait pas vu depuis l'incident, et était attristée de constater que celui-ci n'avait rien entrepris pour essayer de la revoir avant le jour tant attendu.
Pourquoi donc le lui cachait-on ?

Palais Saint-James, 1er décembre 1761.

Au palais, les domestiques se hâtaient pour finir les préparatifs du mariage, présidés par la princesse douairière suivie de sa cour et conseillers.
Reynolds, qui se préparait à rejoindre le roi - qui avait du revenir malgré lui à la résidence royale principale -, surpris une conversation entre la princesse douairière et le premier ministre.
- On m'a fait part du désir de la future mariée de voir le roi, Votre Altesse... Elle s'impatiente...
La princesse douairière soupira.
- Pourquoi donc ? Tout se prépare pour le mieux. Et elle devrait avoir beaucoup de choses à préparer et à penser. N'est-ce pas ?
- Peut-être désire-t-elle voir son fiancé avant le grand jour ? répondit le premier ministre.
- Foutaises, elle sait à quoi il ressemble ! Nul besoin de le revoir !
Elle marqua une pause.
- À moins qu'elle n'ait des doutes au sujet de son roi ? Mon fils dégage-t-il une aura de quelqu'un que l'on ne veut pas marier ? dit-elle humoristiquement.
- Non, bien sûr que non, Votre Altesse.
La cour de la princesse acquiesça.
- Bien, alors nul doute qu'elle n'a aucun besoin de le voir.
Lord Bute resta silencieux un instant. Puis poursuivit :
- Elle doit être stressée à l'idée de devenir reine et de se marier. Il faut avouer que tout cela est arrivé si vite...
- Eh bien il fallait y songer avant de se compromettre dans mes jardins comme n'importe quelle... elle s'arrêta. Peu importe, qu'elle que soit son envie, je ne juge pas cela nécessaire.
- Bien, madame... Je leur ferai part de votre décision...
- De la décision du roi ! reprit la princesse douairière.
- De toute évidence... dit le premier ministre avant de quitter la pièce.

Lorsqu'arriva l'heure du déjeuner du roi, Reynolds resta en retrait quelques pas derrière ce dernier, comme à son habitude.
Il se demanda s'il ne devrait pas faire part au roi de la discussion qu'il avait surpris auparavant dans la matinée. Mais il se raisonna et décida de se taire.
- C'est terrifiant, dit George.
- Quoi donc, Votre Majesté ?
- Ce mariage. Il me terrifie, poursuivit le roi. Tout s'est passé si... brusquement.
- Vous ne le désirez pas ?
- Pardon ? dit George, manifestement surpris.
- Ce mariage, je veux dire, répondit Reynolds.
George se retourna et le fixa un instant.
Reynolds déglutit et lança :
- Pardonnez-moi, Votre Majesté. Je n'étais plus à ma place.
George pris une bouchée de son repas puis répondit :
- Si. Je pense qu'il est temps... Ma mère me sermonnait avec cela depuis des mois, mais je n'avais pas pris goût aux festivités et à l'idée de chercher une épouse.
Il laissa entrechoquer sa fourchette contre son assiette d'un mouvement souple du poignet.
- Mais elle m'a bousculé et...
- Et ? le questionna Reynolds.
George se retourna à nouveau vers lui, souriant.
- Et depuis ce jour je n'ai cessé de la regarder, de prendre plaisir à, je l'admets, l'embarrasser puis l'entraîner ensuite sur la piste de danse.
Reynolds lui sourit.
- Elle est radieuse, reprit George. C'est une demoiselle charmante, sans aucun doute. Et j'apprécie sa compagnie, tout comme elle semble apprécier la mienne. Mais... les circonstances qui ont poussé à notre mariage... Je n'étais pas encore prêt à faire ma demande à quiconque, alors...
Il soupira.
- S'ajoute à cela le fait que je ne l'ai pas vu depuis un mois...
Reynolds laissa s'échapper l'information qu'il se forçait de contenir depuis quelques minutes :
- Elle... souhaiterait vous voir avant les noces, Votre Majesté.
Et puis zut ! Il se devait de le dire au roi !
- Vraiment ? demanda George.
Reynolds acquiesça d'un signe de tête, puis poursuivit :
- Mais lord Bute a reçu l'ordre de dire à la famille de votre future épouse que vous ne la verrez pas.
- De qui a-t-il reçu cet ordre ? demanda George.
- De... Votre Majesté... dit Reynolds, embarrassé.
- Je vois... soupira le roi. Et comme d'habitude, Sa Majesté lui même n'est pas au courant... Et bien, vous savez quoi ? Je vais aller voir ma future reine. De ce pas.
Il se leva et demanda à ce que l'on lui prépare un attelage pour se rendre chez les Evans. Il marcha d'un pas rapide et décidé dans les couloirs du palais, suivi de Reynolds.
La princesse douairière le vit surgir dans le couloir, et sortit de la pièce dans lequel elle prenait le thé avec sa cour.
- Où allez-vous ? demanda-t-elle.
- Voir ma femme, répondit-il.
- Elle doit être très occupée à se préparer pour vos noces vous savez... Ne la dérangez pas.
- J'ai pourtant cru comprendre qu'elle m'avait demandé. Donc je m'exécute.
- Vous êtes roi, vous n'avez à obéir à personne, reprit sa mère.
- Oh mais c'est un choix, dit-il avant de commencer à partir.
- Mais George ! Nous avons encore tant de préparatifs à terminer !
- Je ne m'inquiète pas, vous savez très bien les présider sans moi visiblement, répondit George sans même se retourner.

Mayfair, 1er décembre 1761, demeure des Evans.

Une fois arrivé chez les Evans, Amelia fut confuse de devoir avouer au roi que sa fille s'était absentée, après avoir eu la désapprobation du palais concernant la possibilité de le voir.
George sortit de la demeure et franchit le portail d'entrée, toujours suivi de Reynolds.
Il s'apprêtait à monter dans son attelage quand Reynolds l'interpella :
- Votre Majesté.
George se retourna vers lui, et celui-ci lui désigna d'un signe de tête que sa fiancée était de l'autre côté de la rue, en train de converser avec sa femme de chambre. Elle semblait revenir vers la demeure.
George redescendit le marche pied de l'attelage et se dirigea vers Victoria.

My heart calls your name Où les histoires vivent. Découvrez maintenant