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Palais de Buckingham, 10 décembre 1761.

Lorsque Victoria se réveilla, la lumière du jour paraissait à travers la fenêtre. Elle se redressa sur le lit, seule, encore une fois.
Elle soupira.
Cela faisait déjà cinq jours que ses noces avec George s'étaient déroulées, et elle n'avait toujours pas passé la nuit avec lui. Même pas un seul jour, à vrai dire.
Ses journées consistaient à se lever, être habillée, déjeuner, lire dans la bibliothèque, se promener dans les jardins, être préparée pour le dîner, dîner, puis aller se coucher.
C'en était trop, elle devait faire quelque chose.
Victoria fit appeler son majordome.
- Vous m'avez demandé, Votre Majesté ? dit Brimsley.
- Où est mon mari ? demanda-t-elle, comme chaque matin.
Et comme chaque matin, Brimsley lui répondait :
- Le roi est dans sa résidence, Votre Majesté.
- Il ne vient donc décidément jamais ici...
Brimsley déglutit, avant de lui répondre :
- Eh bien, en effet... Sa Majesté demeure au palais de Kew, où il s'occupe avec diverses... activités.
Victoria haussa un sourcil, exaspérée. Une pensée lui traversa l'esprit : poursuivrait-il sa réputation de libertin ? Est-ce pour cela qu'on ne lui disait rien sur les activités du roi à Kew ?
Quoi qu'il en soit, elle ne comprenait pas pourquoi il n'avait pas voulu qu'elle réside avec lui...
- Je vois... répondit-elle. Faites appeler mon habilleuse.
Brimsley hocha la tête, lui adressa une révérence, puis sortit de la pièce.
Lorsque, quelques minutes plus tard, elle fut préparée entièrement, elle sortit en trombe de son dressing et se dirigea vers la sortie du palais, Brimsley à sa suite.
- Où allez-vous, Votre Majesté ?
- Voir mon mari, répondit-elle.
- Ne souhaitez-vous pas déjeuner, avant cela ? demanda Brimsley, pris au dépourvu.
- Non. Demandez à ce que l'on prépare mon attelage.
Brimsley s'exécuta, bien que surpris par l'initiative de la reine. Il angoissait déjà quant à la réaction qu'allait avoir le roi et Reynolds lorsqu'elle arriverait au palais de Kew.
Victoria monta dans son attelage, et partit en direction du palais de Kew.
Lorsqu'elle fut arrivée, elle fut accueillie par Reynolds, qui avait été averti à peine quelques minutes plus tôt de l'arrivée de la reine.

Palais de Kew, quelques minutes plus tôt.

- Votre Majesté ! s'écria Reynolds, à peine arrivé dans l'observatoire dans lequel se trouvait le roi.
- Que se passe-t-il, Reynolds ? demanda George.
- La reine, elle arrive !
- Comment ?
- Je ne sais pourquoi, mais elle est en chemin...
- Aidez-moi à débarrasser tout ce bazar, dit George en désignant les différents objets qui s'étaient accumulés dans la pièce au fil des jours.
Dès le lendemain de leurs noces, George avait passé toutes ses journées dans l'observatoire. Il y mangeait et parfois même, s'y endormait...
- Dois-je l'autoriser à venir ? demanda Reynolds.
- Oui.
- Bien, Votre Majesté, dit Reynolds avant de quitter la pièce.
Lorsqu'il accueillit Victoria, celle-ci s'empressa de lui demander où était le roi, à peine descendue de son carrosse.
- Sa Majesté est... assez occupé... dit Reynolds.
- Dites-moi simplement où il est, répondit Victoria.
- Dans l'observatoire, Votre Majesté.
- Bien. Laissez-moi y aller seule, dit-elle à l'intention de Reynolds et Brimsley.
Elle partit dès lors rejoindre George dans l'observatoire. Lorsqu'elle entra, elle le trouva concentré sur plusieurs cartes stellaires.
- Oh, bonjour Victoria, dit George qui fit mine d'être surpris.
- Je suis persuadée qu'on vous a mise au courant de mon arrivée.
Elle le connaissait bien.
- Vraiment ?
- Reynolds semblait stressé, précisa Victoria.
- Ah...
Il lui sourit.
- Et que me vaut l'honneur de cette visite ? ajouta George.
- Vous me manquez... beaucoup...
George soupira avant de lui répondre :
- Je ne peux pas vivre avec vous, Victoria...
- Mais expliquez-moi pourquoi ! s'exclama Victoria.
- Je ne peux pas ! cria George, énervé.
Elle lui manquait aussi, énormément. Seulement cinq jours s'était écoulé depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vu, mais elle lui avait manqué dès le premier jour. Il ne passait pas une minute sans qu'il ne pense à elle.
Mais il disait vrai, il ne pouvait pas vivre avec elle, pas tant qu'il ne serait pas guéri.
- Je pensais que nous étions ami... dit tristement Victoria.
- Nous le sommes...
- Vraiment ? Je ne pense pas. Si nous l'étions, vous ne me laisseriez pas seule.
- C'est justement parce que je tiens à vous que je ne peux pas vivre avec vous.
Victoria le regarda, outrée. Elle n'arrivait pas à le croire.
- Vous rendez-vous... dans un bordel ? osa demander Victoria.
- Quoi ? Je... Non ! dit George, ahuri.
Elle se tut, embarrassée.
- Comment connaissez-vous cela ? la questionna George.
- J'en ai vaguement entendu parler, même si je ne sais pas précisément en quoi cela consiste... Mais quand on connait votre ancienne réputation...
- Non, je ne me rends pas dans un bordel, Victoria, dit George pour seule réponse, défensif.
- Alors que faites-vous ici ?
- Je regarde les étoiles.
Victoria étouffa un rire agacé.
- Vous regardez les étoiles ? répéta-t-elle.
- Oui, et je les étudie.
- George, je préfère que vous me disiez que vous allez dans un bordel...
- Or, j'observe les étoiles.
- Vous me laissez à Buckingham, seule, pour observer les étoiles ?! dit Victoria, sidérée.
- Non... Enfin, il est vrai que je passe mes journées à l'astronomie, car c'est une de mes passions, et à jardiner aussi.
- À jardiner ?
Victoria échappa définitivement un rire d'agacement.
- Pourquoi cela vous énerve-t-il ?
- Pourquoi ?! s'indigna Victoria. Vous préférez les étoiles à ma présence ! cria-t-elle.
George se tut quelques secondes, avant de lui répondre :
- Ce n'est pas pour cela que je ne vis pas avec vous... Mais je vous assure que si je trouve la solution, je pourrai enfin.
- Mais le pourrez-vous seulement un jour ? demanda Victoria, attristée.
George ne répondit pas. Il ne pouvait pas lui promettre qu'il réussirait à guérir un jour, car il ne savait pas si c'était possible.
- Je vois...
Elle commença à se diriger vers la sortie de la pièce, mais se retourna un instant et lui dit :
- Je ne sais pas si votre mère est au courant que vous... observez les étoiles, mais sachez tout de même qu'elle attend de nous un héritier.
Puis elle sortit de l'observatoire.
Brimsley et Reynolds la virent revenir vers son carrosse, à l'entrée du palais devant lequel ils étaient encore positionnés, énervée. Cela n'annonçait rien de bon.
- Nous rentrons, Brimsley, dit-elle avant de monter dans son carrosse.
Brimsley et Reynolds se lancèrent un regard qu'eux seuls comprenaient. Un regard qui voulait dire « La situation est tendue ».
Brimsley inclina la tête en guise d'au revoir à Reynolds, qui fit de même, puis il partit avec la reine.

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