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Palais de Kew, chambre du roi, 20 décembre 1761.

- Vous allez jardiner ? demanda Reynolds au roi, qui mettait son pantalon de fermier.
- Oui, j'ai le droit à un jour de répit, répondit George en souriant.
Avant qu'il n'ait le temps de sortir de la pièce, Reynolds l'interpella.
- Votre Majesté...
George se retourna vers lui et lui lança un regard interrogateur.
- Loin de moi l'idée de dire à Votre Majesté ce qu'elle doit faire...
- Mais ?
- Mais... Vous devriez consommer... , poursuivit Reynolds. Votre mère insiste à ce propos...
George soupira.
- Je sais bien... dit-il. La chambre des lords doit faire pression pour que nous produisions rapidement un héritier.
Reynolds hocha la tête en guise d'approbation et dit :
- En plus de cela, elle n'est protégée de rien...
- Que veux-tu dire ? répondit George qui paniqua à la seule prononciation d'une menace sur sa femme.
- Eh bien, Sa Majesté n'est pas encore réellement reine si vous n'avez pas consommé le mariage...
Reynolds avait raison. Comment avait-il pu ne pas y penser avant ?
Si sa mère, la princesse douairière, ferait tout pour que Victoria reste reine, car elle était son diamant et qu'elle avait tant voulu que George se marie, il n'en était pas de même pour les conseillers de La Couronne...
Il devait alors à tout prix protéger le statut de Victoria.
- Très bien, ce soir j'irai dîner avec ma femme, affirma George.
Il passa néanmoins la journée à cultiver dans les champs, cela faisait longtemps qu'il n'en avait pas eu l'occasion. Depuis qu'il s'était marié, en réalité.
Avant cela, et avant qu'il ne devienne roi, quelques mois plus tôt, après le décès de son grand père, il passait toutes ses journées dans les champs, et ses soirées à observer les étoiles dans son observatoire.
Cela n'était pas commun pour un monarque, et il en avait obtenu plusieurs fois la réflexion des conseillers de La Couronne. Pire, son grand père avait toujours exigé de George la perfection.
Une erreur dans une équation, un mauvais pas de danse, ne pas manger de petits pois, tout avait été la potentielle ruine de l'Angleterre.
George s'aperçut qu'il avait alors finalement toujours vécu dans la peur constante.
Si seulement il n'avait pas été roi...

Le soir même, pour l'heure du dîner, il se rendit au palais de Buckingham, prêt à retrouver Victoria.
- C'est un plaisir de vous recevoir, Votre Majesté, lui dit Brimsley en lui adressant une révérence.
Celui-ci fit un signe de tête à Reynolds, que George ne comprit pas, mais il ne s'en préoccupa pas.
Puis Brimsley partit et George alla s'assoir à sa place, en bout de table.
La main de George tremblait, mais ce n'était pas une crise. Il était à la fois anxieux et excité à l'idée de revoir Victoria. Elle lui manquait autant que ce qu'elle disait le manquer lui, sans doute même plus.
Mais peut être ne voulait-elle plus de lui ? Lui qui l'avait laissé seule et rejeté quelques jours plus tôt...
George fut arracher à ses pensées lorsque Victoria fit son entrée dans la salle à manger.
Elle était si belle. Il n'avait décidément jamais vu de femme aussi incroyable qu'elle.
Il se leva de sa chaise par usage et lui dit :
- Vous êtes magnifique...
Victoria ne pu s'empêcher de rougir, mais ne répondit rien, gardant sa fierté.
- Que faites-vous ici ? dit-elle, défensive.
- Je souhaiterais partager mon repas avec vous.
Victoria tourna sa tête en direction de Brimsley, sidérée. Comment George osait-il venir la bouche en cœur comme si rien ne s'était passé ?
Brimsley lui fit un signe de tête pour lui conseiller d'accepter.
En réalité, il comprenait la rancœur de la reine, mais lui et Reynolds s'étaient mis d'accord pour pousser le couple à consommer leur nuit de noces. Cela autant pour effacer leur mensonge à la princesse douairière, que pour sécuriser le statut de la reine, et George avait également grandement besoin de voir sa femme.
Alors cela devait se passer ce soir, rien ne devait y faire obstacle...
- Très bien, dit sèchement Victoria, qui ne semblait pas réellement convaincue.
George compris immédiatement que Victoria lui en voulait toujours. Et cela lui semblait légitime.
- Victoria je...
- Non, l'interrompit Victoria. Vous allez partager un dîner avec moi puis vous repartirez... Je le sais déjà George. N'ayez crainte, je l'ai compris.
Elle parlait doucement, attristée. Cela brisait le cœur de George, d'autant plus qu'il n'avait aucune envie de partir.
De toute façon, il ne partirait pas, pas ce soir.
- Non. Pas cette fois, dit-il.
Victoria releva la tête, étonnée par sa réponse.
George avança d'un pas décidé vers elle, puis, une fois face à elle, plaqua ses lèvres sur les siennes.
Ils échangèrent un baiser fougueux, témoignant du manque qu'ils avaient tout deux ressenti l'un pour l'autre.
- Vous m'avez manqué, dit George. Je vous l'assure.
- Je commence à le croire, dit Victoria en riant.
George lui sourit.
Elle était toujours aussi belle lorsqu'elle riait.
- Vous m'avez manqué aussi..., dit-elle timidement.
George posa tendrement sa main sur la joue de Victoria et la caressa, tandis qu'il lui dit :
- Je m'excuse de vous avoir laissé seule...
- Vous ne pouvez pas vous excuser vous même, mais vous pouvez me demander de vous excuser. Quelqu'un me l'a appris..., dit Victoria en lui adressant un sourire malicieux.
- Ce quelqu'un devait être fort agaçant, plaisanta George à son tour.
- En effet.
Il posa ses lèvres sur les siennes.
- Je vous aime aussi, Victoria.
Celle-ci lui lança un regard interrogateur.
- Pour ce que vous aviez dit à vos frères dans mes jardins, indiqua George.
- Vous aviez entendu...
- Oui...
Il marqua une pause et poursuivit :
- Je me suis éloigné pour vous protéger. Je vous le promets...
- Me protéger de quoi ? interrogea Victoria.
- Je ne veux pas que vous me détestiez...
- Je ne pourrai jamais vous détester, répondit-elle en posant à son tour une main rassurante sur la joue de George.
Il avait de la chance de l'avoir. Néanmoins, il ne pouvait pas lui révéler la cause de ses agissements.
Elle ne devait pas le savoir, où elle le rejèterait.
- Bien, dînons si vous le voulez bien. Ensuite, je vous emmènerai quelque part, dit fièrement George.
- Oh ! Où donc ?
- C'est une surprise.

My heart calls your name Où les histoires vivent. Découvrez maintenant