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Mayfair, 28 septembre 1761, résidence des Evans.

Cette nuit là, Victoria eut du mal à s'endormir. Elle repensait à cette soirée fort embarrassante, et se mit à penser au fait que le roi était tout de même très plaisant, bien que taquin, parfois même un peu trop.
Mais lorsqu'elle pensa au baiser qu'il avait déposé sur sa main, des frissons la parcoururent à nouveau. Elle espérait alors malgré tout qu'il revienne lui parler. Non pas car elle appréciait sa compagnie, sûrement pas ! Mais plutôt pour prendre sa revanche sur lui.
Le lendemain, elle fut réveillée par sa mère, qui entra dans sa chambre sans frapper. Elle sursauta.
- Debout, hâtez-vous ! Vous avez des visiteurs !
- Comment ? dit Victoria, à peine réveillée.
- Des prétendants. Allons, levez-vous ! rétorqua Amelia avant de sortir de la pièce.
Des prétendants ? Bien que certains hommes se soient déjà montrés aimables avec elle, Victoria donnait raison à son frère lorsqu'il avait dit une semaine plus tôt qu'aucun d'entre eux ne serait convenable comme mari. Et puisque plusieurs d'entre eux avaient le même âge que son père, et donc que lord Treck, elle n'appréciait guère leur compagnie, car elle trouvait cela malsain.
Elle dû néanmoins s'habiller, puis elle descendit dans le séjour.
- Miss Evans ! s'exclamèrent trois hommes.
Victoria leur fit une révérence en signe de salut.
L'un d'entre eux s'avança vers elle et lui tendit un bouquet de fleurs :
- Pour vous, mademoiselle.
- Oh, merci... répondit-elle.
Amelia était enchantée de ces visiteurs surprises.
Victoria en revanche, se questionnait sur leur venue, et commençait à croire que n'importe quelle jeune fille de la société aurait apprécié recevoir des prétendants, sauf elle. N'était-elle alors décidément pas encore sûre de vouloir se marier ?
William, son frère aîné, se pencha discrètement vers elle et lui dit :
- Ces messieurs ont dû fortement apprécier de te voir danser avec le roi.
- Je vois... répondit Victoria.
Bien sûr ! Ces prétendants l'avaient vu danser avec le roi la veille et ont été convaincu que si elle intéressait le roi, c'est que eux aussi devraient la courtiser !
Or, le roi ne la courtisait pas. Enfin, cela, ils ne le savaient pas, et puisque sa mère était enchantée de recevoir des visiteurs... Elle n'allait pas gâcher ça.
- Asseyez vous sur le divan, je vous en prie, dit Amelia.
Les prétendants s'exécutèrent.
S'en suivit de longues conversations que Victoria trouva ennuyeuses, tout en sirotant du thé et en acquiesçant à chacune de leur parole. C'est comme cela qu'elle avait été éduqué. C'est par ailleurs ce que voulait ou plutôt exigeait la haute société. Alors, sans répliquer, Victoria se contenta de se montrer polie, souriante et agréable. Qu'elle souhaite se marier ou non ne comptait pas en cet instant.
Quelques heures plus tard, une fois ces messieurs partis, Amelia l'interrogea :
- Alors, à lequel d'entre eux envisageriez-vous d'accorder une danse au prochain bal ? Et qui puisse par la suite profiter de l'occasion pour vous demander votre main, dit-elle, excitée.
Victoria en revanche, déglutit. Elle ne se voyait passer le reste de ses jours avec aucun d'entre eux ! Elle était alors définitivement persuadée de ne pas vouloir se marier de sitôt.
William répondit à sa place :
- Aucun d'entre eux ne l'épousera.
- William ! s'exclama Amelia.
- Il a raison mère, aucun d'entre eux ne mérite d'épouser notre sœur ! ajouta Charlie.
Amelia soupira.
- Je me dis parfois que vous êtes bien trop exigeants mes garçons, répondit-elle. Votre sœur devra se marier un jour...
- Elle a le temps pour cela, répliqua William. Vous souhaitez notre bonheur à tous, n'est ce pas ? Et pour cela, il ne faut pas se précipiter vers les premiers venus.
- Bien sûr, c'est pourquoi je vous ai déjà laissé être bien trop exigeants à propos du mariage de votre autre sœur...
- Mais elle est heureuse désormais, dit Ethan.
- C'est vrai, répondit Amelia, et c'est tout ce qui compte. Bien, comme vous voudrez Victoria...
Victoria ne remercia jamais autant ses frères intérieurement qu'à ce moment là.
- Il n'empêche que, reprit sa mère, vous avez attiré l'attention du roi hier soir.
- Maman, enfin ! Il ne m'a accordé une danse que pour m'embarrasser ! répondit Victoria.
- T'embarrasser ? Voilà un drôle d'adjectif pour qualifier une danse avec le roi, dit William.
Il semblait que celui-ci apprécie la fréquentation de Victoria avec le roi, et soit visiblement résigné à défendre davantage sa sœur.
- Il a vu que je ne l'avais pas reconnu directement, voilà tout ! dit Victoria.
- Comment ?! manqua d'étouffer Amelia.
- Vous aviez vu que je ne l'avais pas reconnu, puisque vous m'avez fait signe de lui faire une révérence...
- Je vous ai fait ce signe car il était d'usage de saluer le roi tandis que nous le faisions ! Oh... soupira-t-elle en déposant ses doigts sur ses tempes.
Ethan et Charlie manquèrent de dissimuler leurs rires devant l'expression désespérée de leur mère.
- Il faudra décidément que je tâche de vous escorter plus souvent tout au long de vos soirées de bal désormais... rétorqua celle-ci, au plus grand bonheur de ses fils, mais non à celui de Victoria.
Cette dernière vint s'assoir sur le divan à côté de ses frères et sœurs cadets.
- La princesse douairière semble beaucoup t'apprécier. Elle ne t'aurait pas introduit au roi autrement, dit William.
- Oui, c'est un véritable honneur, répondit Victoria.
- Peut-être deviendras-tu reine ! s'exclama Millie, folle de joie.
- Je cherche un mariage avec un gentleman avec qui je m'entendrai bien, avec qui je partagerai des centres d'intérêt. Je n'essaye pas d'obtenir un quelconque statut.
Millie soupira, déçue.
- Et puis ce serait une bien trop lourde tâche que d'être reine, poursuivit Victoria. J'ai déjà assez d'obligations en tant que femme dans la société sans avoir à m'en rajouter davantage...
- Puis-je l'épouser à ta place, dans ce cas ? demanda la cadette.
- Millie ! s'indigna leur mère.
- Je te le présenterai volontiers, rit Victoria en prenant sa sœur dans ses bras.

My heart calls your name Où les histoires vivent. Découvrez maintenant