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Victoria, qui s'apprêtait à rentrer dans sa demeure après une escapade dans le quartier avec sa femme de chambre, vit George marcher dans sa direction.
Que faisait-il ici ? Maintenant ? Après l'avoir laissé sans nouvelles pendant un mois.
Lorsqu'il arrive face à elle, elle s'inclina.
- Votre Majesté...
Il lui adressa une révérence à son tour.
- Vous m'avez demandé, alors me voilà, dit-il.
- Comme c'est aimable à vous, rit Victoria, agacée.
- Comment ?
Elle étouffa un nouveau rire moqueur.
- J'aurais apprécié une de vos visites plus tôt, c'est tout.
- Mais je suis là, maintenant. Nous avons été très occupés par les préparatifs...
Victoria savait que c'était faux. Il était presque évident que George n'assistait pas aux préparatifs. Encore moins avec une mère comme la sienne. Elle en avait bien assez témoigné durant ce dernier mois à côtoyer la princesse douairière qui se chargeait de lui dire ce qu'elle devait faire à chaque instant...
- Eh bien, merci d'être venu alors, dit Victoria qui entreprit de traverser la route pour rejoindre sa demeure.
George fut surpris, il ne comprenait pas son attitude.
- Mais... Victoria ! Attendez ! Que se passe-t-il ? Vous semblez contrariée...
Victoria s'arrêta et revint vers lui en échappant un rire sidéré.
- Contrariée ? Vraiment ? Je ne devrais pas être contrariée d'après vous ?!
- Je me suis déplacé pour vous, répondit George, défensif.
- En effet. Merci, Votre Majesté, d'avoir fait le déplacement pour me voir, moi, votre future femme, à quelques jours de nos noces et après un mois sans n'avoir eu aucune nouvelle de vous. C'est bien trop aimable à vous.
- Et que voulez vous de plus, maintenant que je suis là ?! s'exclama-t-il.
- Rien du tout, répondit Victoria.
À l'évidence, elle était surtout fâchée après lui, sans réellement pouvoir lui énoncer toutes les raisons de son agacement.
Elle marqua une pause avant de poursuivre :
- J'ai 17 ans, George.
Un frisson le parcourut. C'était la première fois qu'elle l'appelait par son prénom, - dans une autre situation que celle où il battait un homme à terre -. Elle, en revanche, aurait préféré avoir à le prononcer pour la première fois dans d'autres circonstances, mais elle était bien trop énervée après lui pour s'attarder sur ce détail anodin.
- Je n'avais aucune intention de me marier cette année en faisant mon entrée dans le monde. Et je n'étais absolument pas prête non plus à devoir réellement le faire, tout comme vous, j'imagine. Surtout quand on sait quelles circonstances on provoqué nos fiançailles...
Des larmes commençait à se former dans ses yeux. George l'écouta attentivement, il ne savait pas quoi répondre.
Elle continua :
- J'aurais espéré... elle étouffa ses larmes. Mériter une vraie demande en mariage de la part d'un gentleman avec qui j'aurais pu un tant soit peu plus faire connaissance. Qui, un jour, se serait mis à genou en tenant dans ses mains un couffin dans lequel serait disposé une bague magnifique. Et qui n'aurait pas manqué, malgré ses nombreuses occupations dont je me doute, de venir me rendre visite ne serait-ce qu'une fois avant nos noces...
Elle le regarda un instant.
- Mais je dois sans doute trop en demander ? Tout le monde ne peut pas avoir une aussi belle histoire d'amour que mes parents. Même lorsque le roi lui même s'incline devant vous devant toute la société pour ramasser votre éventail. Et visiblement, même pas avec un ami.
Elle partit, toujours les larmes aux yeux, suivie de sa femme de chambre. George n'essaya pas de la retenir. Il savait que c'était inutile et respectait son besoin de vouloir être seule après cette altercation. Elle avait raison, elle aurait mérité de le voir plus tôt. Elle n'aurait pas dû être seule, surtout après les rumeurs qui ont circulé à son sujet deux fois de suite. Et elle avait raison, elle méritait un véritable ami.
- Nous rentrons, Reynolds, dit-il seulement.

Une fois rentré au palais, George se précipita de rejoindre la princesse douairière.
Il fit irruption brutalement dans la pièce dans laquelle elle prenait le thé avec ses conseillers et Lord Bute.
Tous lui adressèrent une révérence, mais George n'y prêta pas attention et dit à sa mère :
- Votre bague de fiançailles, où est-elle ?
- En lieu sûr. Pourquoi ? répondit-elle.
- Je la réquisitionne, dit George, déterminé.
- Vous ne l'avez pas encore en votre possession ? demanda un conseiller. Mais pourtant...
La princesse douairière lui jeta un regard noir qui l'empêcha de finir sa phrase.
- Laissez nous seuls, dit-elle alors à l'attention des domestiques.
Ceux-ci s'exécutèrent.
La princesse Augusta soupira.
- Puisque nombre d'entre vous ne sont pas au courant, le roi n'a pas réellement fait de demande en mariage à sa fiancée.
Des regards interrogateurs se posèrent sur elle et sur George.
- En réalité, mon fils et sa fiancée ont... Elle reprit son souffle. Ils ont été surpris, dans le jardin royal...
- Et vous allez marier notre souverain à une demoiselle de la sorte ?! s'exclama un conseiller tandis que ses collègues devenaient livides.
- Ce n'est pas la seule à blâmer... Il est certain que mon fils a commencé le baiser le premier.
- Peut être, mais Sa Majesté est le roi, on ne peut le blâmer. Tandis qu'une demoiselle de bonne famille ne doit pas se retrouver dans une situation pouvant la compromettre, répondit un autre conseiller.
- Ce qui est fait est fait, dit sèchement la princesse douairière en regardant George.
- Vous devez annuler ce mariage ! s'énerva le conseiller, indigné. Vous ne pouvez marier le roi à une demoiselle de ce genre ! La future reine devra porter l'héritier de La Couronne, elle ne peut pas être une fille aux cuisses légères, dit-il sèchement.
- Faites très attention à ce que vous dites, menaça George en le pointant du doigt. N'oubliez pas que dans quelques jours, elle sera votre reine. Quant à moi, je demeure votre roi, alors si vous tenez à garder votre poste au sein de ce palais, vous feriez mieux de parler autrement de ma future femme.
- O-Oui Votre Majesté... Veuillez m'excuser... bredouilla le conseiller.
- Pour votre gouverne, c'est moi qui l'ait entraîné dans ce jardin, loin de Reynolds. Et c'est aussi moi qui ait commencé à fricoter avec elle.
- Bien évidemment que c'est vous, soupira la princesse douairière.
George ignora cette remarque et poursuivit :
- De plus, elle sera une reine idéale. Elle a attiré notre regard dès le premier bal. N'est-ce pas mère ? dit-il en regardant celle-ci avec insistance.
Celle-ci acquiesça, sachant parfaitement ce que son fils insinuait.
- Enfin bref... Il est trop tard pour annuler les noces, dit-elle. Le peuple se poserait des questions, et cela provoquerait un scandale. Et puis, après tout, elle est mon diamant. On ne peut espérer meilleure union pour La Couronne...
Certains conseillers firent tout de même la moue.
- De toute façon, je suis venu vous trouver pour obtenir votre bague de fiançailles mère, pas pour entendre tous vos commentaires.
- Je vais vous la donner...
- Bien, ensuite je retournerai à Kew. J'ai besoin de prendre congé de ce palais et de ses résidents.
Sur ce, il suivit sa mère hors de la pièce pour aller chercher la bague de fiançailles tant convoitée.

Mayfair, 2 décembre 1761, demeure des Evans.

De son côté, Victoria songeait de plus en plus à un moyen d'échapper aux noces qui l'attendaient dans quelques jours. Elle appréciait George, il lui plaisait beaucoup, elle l'avait même considéré comme un ami...
Mais encore quelques semaines plus tôt, elle avait décidé qu'elle voulait prendre son temps avant de véritablement chercher un mari. Et, comme elle le lui avait dit hier, elle n'aurait pas pensé qu'elle n'aurait pas d'autre choix que de se marier pour sauver son honneur et celui de sa famille. Ce n'était vraiment pas le mariage rêvé !
Mais elle ne pouvait pas fuir, elle le savait. On ne pouvait s'échapper d'un mariage organisé par le palais. Encore moins lorsqu'on était la mariée...

My heart calls your name Où les histoires vivent. Découvrez maintenant