CHAPITRE 15

107 8 1
                                    

Kay ne bouge plus et je commence à paniquer. Est-il mort ? Alors que la lumière commence à lentement revenir, je constate l'étendue des dégâts et en plus d'une profonde entaille sur le torse, son visage et ses mains sont couverts de sang. Son t-shirt n'est plus en bon état et je ne trouve pas sa veste. Je profite d'un moment de courage pour prendre connaissance de l'état de mon bras et ce que je vois me dégoute. La plaie causée par la flèche est profonde et commence à s'infecter. Une auréole rouge a envahi une partie de mon épaule et de mon bras et je sens les pulsations irrégulières sous ma peau. Je prie pour que mon mentor comprenne qu'il serait peut-être le moment de m'envoyer quelque chose et jette un coup d'œil à Kay. Je ne peux pas le laisser mourir ici.

N'ayant pas connaissance de la situation extérieure, j'hésite longuement avant de sortir de la maison. La nourriture ne manque pas à la corne, mais ici, je suis coupée de tout. Nous sommes coupés de tout. Si je veux manger, je fais devoir chasser. Je tente une rapide sortie dans les rues désertes et dévastées avant de courir sans m'arrêter vers la forêt. Chasser avec une hache est impossible, il ne me reste plus qu'à trouver l'arc de la tribu de la veille.

Son corps n'est plus là, mais je repère à quelques mètres d'elle le précieux instrument dont j'avais besoin. Tiré ne doit pas être si compliqué que ça. Je tends la corde, place mon bras en parallèle à mon visage et décoche la flèche du carquois en direction de l'arbre voisin. Je ne rate pas ma cible ce qui me donne espoir.

Aussi rapidement que possible, je ramasse les flèches éparpillées, passe l'arc autour de moi et grimace lors du contact avec mon épaule gauche avant d'aller détacher la corde qui m'avait piégée la veille. Le mécanisme ne semble pas compliqué à copier et je le mémorise comme je peux avant de m'en aller aussi vite que je suis arrivée. Si un tribut a pu me piéger de cette manière, rien ne m'empêche de faire pareil.

Je m'arrête au ruisseau, bois un peu et trésaille lorsqu'une branche craque derrière moi. Sans perdre une seconde, je lance ma hache et alors que je me retourne et tombe nez à nez avec le garçon du huit.

J'ai manqué mon coup.

Face à face, aucun de nous deux ne bouge et lorsque je vois le couteau dans ses mains, je ne tarde pas à comprendre ce qu'il comptait me faire. Comme transformé, je me précipite sur lui, réaction à laquelle il ne devait pas s'attendre puisqu'il n'a pas le temps d'essayer de me repousser. Je lui saute à la gorge et l'écrase sous mon poids. Il tente de m'atteindre avec son couteau et alors que la lame que coupe la main, je parviens à saisir sa misérable arme que je lui enfonce dans la poitrine.

Il continue de se débattre et sous le choc, je suis projetée en arrière. Le garçon du six, maintenant celui du huit, la fille à l'arc que je n'ai pas hésité à attaquer. Mes mains tremblent tandis que le canon résonne. Toute l'arène est au courant, un tribut vient de mourir. Ma hache, encore plantée dans l'arbre, à hauteur de tête, tombe et je sursaute.

Il est là. Will. En pleine forme, un gros couteau à la main.

- Emme ? Qu'est-ce que tu fais là ? T'es pas avec les carrières ?

Il s'approche de moi, toujours son couteau à la main et je ne recule pas. Si je dois mourir maintenant, au tant que ce soit lui. Quelqu'un de chez moi. Au contraire, il me prend dans ses bras et je reste figée, les bras branlants, incapable de parler.

- Je pensais que t'étais morte.

Je vois son regard passer du mien à celui du garçon et il me dévisage.

- On comprend pourquoi il voulait faire alliance avec toi, cogneuse.

- Ne m'appelle pas comme ça... Je marmonne alors qu'il sort le poignard de ma victime.

- Pardon ?

- Ne m'appelle pas comme ça ! je vocifère dans sa direction. Et qu'est-ce que tu fais là ? Il était ton allié, c'est pour ça ? Que tu n'étais pas loin ! Vous aviez prévu de me faire la peau !

- Emme, ce n'est pas ce que tu crois...

- Ah bon ? Et qu'est-ce que je devrais croire, à ton avis ?

Il ne dit rien et je me retiens de ne pas lui envoyer ma hache à la figure. Une pierre deux coups comme on dit chez moi.

- Vient avec moi. On peut gagner. Ils sont séparés, le groupe n'est plus au complet.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Il y en a deux dans les ruines et les autres sont certainement à la corne. Enfin, c'est là qu'on les a vus ce matin.

- Comment ça deux sont dans les ruines...

Et je comprends. Will ne sait pas que le deuxième « carrière » n'était autre que moi. À moins qu'il ne se joue de moi ?

- Une idée de qui est dans ces ruines, comme tu dis. Je joue la distance et croise les doigts pour qu'il ne comprenne pas la situation.

- Les tributs du deux.

- Karya et Kay ?

- Enfin juste elle à mon avis, parce que, Kay, comme tu dis, je l'ai pas raté.

Est-il en train de me tester ? Je ne dis rien, ne réagis pas et caresse le tranchant de ma hache.

- Thomas avait réussi à prendre quelques armes. Tu viens ou non ?

Je pense à Kay, blessé, probablement mort à l'heure qu'il est. Que dois-je faire ?

- Parce que sinon, enfin...

- Tu vas faire quoi ? Me tuer ? je l'attaque.

- Non Emme, tu sais très bien que je pourrai pas faire ça.

- Alors va-t'en ! Va-t'en et ne recroise plus mon chemin.

Will est un traître, jouer double jeu est sa spécialité. Réduire mes chances de gagner en se portant volontaire, tenter de se rapprocher de moi, m'embrasser pour ensuite me dire d'éviter un groupe qui me voudrait comme allié, il n'a cessé de me mettre des bâtons dans les roues depuis que nous sommes ici, et que malgré ce que j'avais imaginé de lui, je ne peux pas lui faire confiance.

Croit-il vraiment que je vais le suivre, alors qu'il essayera sûrement de me tuer à la minute où je lui tournerai le dos.

Sans rien dire de plus, il tourne les talons et alors que je ne le perds pas des yeux, il disparaît dans la forêt, là où a toujours été sa place.

Le son du canon remet mes sens en action et je cours sans réfléchir vers les ruines. 

61 Hunger GamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant